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Des sauveurs, vraiment...? Ces djihadistes liés à Al Qaïda qui ont brisé le siège d'Alep par les troupes de Bachar El Assad
©Reuters

THE DAILY BEAST

Pendant que politiques et bureaucrates occidentaux palabrent, des djihadistes purs et durs et des salafistes ont repris l’initiative au nord de la Syrie.

Michael Weiss

Michael Weiss

Michael Weiss est journaliste pour The Daily Beast.

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Roy Gutman

Roy Gutman

Roy Gutman est un journaliste indépendant basé à Istanbul, ancien directeur du bureau moyen-oriental du groupe de presse McClatchy.

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Copyright The Daily Beast, auteurs Michael Weiss et Roy Gutman (traduction Gilles Klein)

Des forces rebelles syriennes, menées par des djihadistes et des salafistes, ont brisé le siège du secteur oriental d'Alep, tenu depuis un mois par les troupes du régime d’Assad. L’étau du siège avait interdit tout passage de nourriture ou d’aide humanitaire pour les 300 000 hommes, femmes et enfants piégés dans ce réduit. Le premier convoi d’aide venu de la province d'Idlib a atteint l’est d’Alep dimanche 7 aout.

Cette percée est la plus importante victoire tactique remportée par l’opposition en un an. C'est le retour des acteurs opposés au régime Assad. Leur déclin avait commencé avec l’intervention aérienne russe en septembre dernier. Les frappes russes étaient officiellement dirigées contre Daech, mais en réalité elles visaient principalement les groupes rebelles dits modérés, y compris ceux qui sont soutenus par la CIA et le Pentagone.

Tous les membres de l’opposition, quelle que soit leur idéologie, se sont félicités de ce premier résultat, qui fait renaitre l’espoir de mettre en échec - à défaut de le vaincre - le régime d’Assad, soutenu en permanence par l’Iran, la Russie, et des milices étrangères.

Selon le site d’information El-Dorar al-Shamia, proche de l’opposition, plus de 400 combattants de l’armée syrienne et du Hezbollah libanais ont été tués en neuf jours de combat, un chiffre qui n’est peut-être pas trop exagéré, car il correspond aux informations diffusées par l’opposition.

Un porte-parole de la coalition Al-Fateh, qui dirige l’opération, a déclaré que le territoire reconquis couvrait environ 40 kilomètres carrés, ce qui est plus qu’une ville comme Idlib. La prise principale est l’Académie d’artillerie de l’armée syrienne, un lieu crucial  que les opposants n’avaient jamais réussi à prendre en quatre ans de combats.

L’Académie a longtemps représenté un avant-poste fortifié de la répression, depuis les premières manifestations pacifiques contre Assad en 2011, et les débuts de l’insurrection. Ses lanceurs d'obus ont été utilisés pour pilonner les quartiers de Salah ad-Din et Hamadaniyah, devenus des petits Stalingrad en supportant les combats de rues les plus violents de toute la guerre.

L’Académie technique de l’armée de l’air d’Assad, dernière base du régime au sud d’Alep, est tombée aux mains des rebelles dimanche. Des sources rebelles disent qu’un commandant du Hezbollah est mort au cours de cette bataille, qu’un grand nombre d’armes et de munitions ont été saisies, y compris des tanks. Beaucoup de soldats de l’armée syrienne ont été faits prisonniers. Il y aurait même un général parmi eux.

Cependant, des chasseurs russes ont bombardé les positions rebelles dans les faubourgs d’Alep et dans les nouvelles zones qu’ils ont envahies. Six personnes ont été tuées lors de ces frappes, mais elles n’ont pas réussi à déloger les rebelles des zones qu’ils viennent de conquérir.

Au sein de l’opposition, la satisfaction face à cette avancée est tempérée par le fait que des forces extrémistes, qui utilisent des kamikazes, ont joué un rôle décisif dans la prise de l’Académie d’artillerie lorsque la liaison s’est faite avec leurs homologues arrivant par le sud, sur la route d’Al-Ramouseh.

La bataille menée par une vingtaine de factions différentes était en fait dirigée par des djihadistes et des salafistes, principalement par Jabhat Fateh al-Sham et Ahrar al-Sham, qui contrôlent l’armée Al-Fateh.

Le rôle des attentats-suicides, selon Abu Yusef al-Mouhajer, porte-parole militaire Ahrar al-Sham, était "de provoquer la fuite des milices du régime … L'explosion d'un véhicule qui transportait six tonnes d'explosifs a eu un effet très spectaculaire".

"En dehors de l'armée du Fatah", selon al-Mouhajer "la participation d'autres groupes d'Alep dans cette bataille était très faible, entre 0 et 5 pour cent." Un rassemblement de rebelles locaux d'Alep, connu sous le nom de Fateh Halab, comprenant Ahrar al-Sham et d’autres factions, a aussi participé, et le nombre de ces combattants dépasse sans doute le très faible pourcentage annoncé sous la pression des luttes d’influences locales.

Hadi al-Abdullah, un militant syrien de l'information indépendante qui a survécu à une tentative récente d’assassinat – attribuée au groupe Jabhat al-Nusra – était de retour à Alep, dans un fauteuil roulant, pour interroger des combattants ce week-end. Il a déclaré au site américain Business Insider : "Il y a eu beaucoup d’acteurs différents, tous ont joué un rôle essentiel. Les forces qui combattent le régime de l'intérieur d'Alep ont été presque exclusivement de l’Armée Syrienne Libre. En ce qui concerne les opérations au sud-ouest d'Alep, Ahrar al-Sham a probablement joué un rôle plus important que Jabhat Fatah al-Sham."

D'autres factions modérées de l’Armée Syrienne Libre venues de Hama et Idlib ont également contribué à la campagne militaire, comme Suqour al-Jabal, et al-Nasr. Les véhicules anti-missiles d’Al-Muhajer ont aussi été remerciés pour leur contribution. Hadi al-Abdullah ajoute que certaines unités de l’Armée Syrienne Libre, comme Al Sham et Ajnad Al Sham ont des missiles anti-tanks TOW qui sont la marque des groupes soutenus et reconnus par la CIA.

"L’Armée Syrienne Libre a beaucoup participé mais elle n’est pas intégrée à la coordination des opérations, même si elle était partout avec nous sur le champ de bataille." (Le New York Times a indiqué que ces groupes n’avaient pas été ravitaillés en TOW au cours des dernières semaines).

Il faut noter qu’en dépit de son changement de nom, Jabhat Fateh al-Sham figure toujours sur la liste des organisations terroristes et continue d'être ciblé par l’aviation américaine.

Al-Mouhajer a également affirmé que la Turquie n'a pas soutenu l’offensive pour briser le siège, bien que de nombreux analystes de la Syrie pensent qu'elle l’a fait, comme l’ont déclaré au Financial Times des témoins oculaires à la frontière syro-turque. Ils indiquent que des convois de camions chargés de munitions ont afflué pendant des "semaines."

Malgré tout, en fonction du dispositif qui permet la coordination entre les frappes russes et américaines, les F-18 et les Sukhois pourraient bientôt mener des missions parallèles pour bombarder certains insurgés. Mais ils sont vus par beaucoup de Syriens comme ceux qui les ont libérés de la famine et du massacre.

 L’administration Obama, se trouve face à un problème majeur : bien que toujours officiellement décidée à trouver un compromis en Syrie, elle perd toute influence pour le faire.

"La fin du siège d’Alep illustre combien le rôle des Etats-Unis est devenu marginal dans les moments importants de cette guerre" selon Faysal Itani, consultant de l’Atlantic Council du Rafik Hariri Center. "La réputation des djihadistes et les islamistes radicaux a reçu un sérieux coup de pouce, en montrant aux Syriens qu’ils n’ont pas besoin et ne doivent pas compter sur l'Amérique pour les soutenir ou les sauver. L'insurrection se poursuivra avec ou sans les États-Unis. La seule question est de savoir si les États-Unis peuvent encore infléchir le cours des événements. "

Déjà, comme The Daily Beast l’a signalé le 5 août, la Russie essaye de se rapprocher des rebelles anti-EI formés par le Pentagone qui considèrent qu'ils ont été jamais soutenus de manière adéquate par Washington.

Comme toujours, au milieu de ce jeu géopolitique et des querelles bureaucratiques, les extrémistes ont montré qu'ils peuvent se passer de paperasse et faire avancer les choses pour leur plus grande gloire. Ahrar al-Sham, par exemple, a marqué un point avec l'envoi de 10 à 15 camions remplis de nourriture dans Alep, une manière de se faire bien voir parmi la population, doublée d’un exercice militaire.

"Nous avons utilisé des véhicules militaires pour livrer la nourriture. Ce fut aussi un exercice pour apprendre à nos combattants à utiliser la route en évitant le feu du régime", a ajouté al-Mouhajer. "Nous allons maintenant travailler pour garder cette route Al-Ramouseh ouverte, mais pas encore pour les civils. Nous avons encore besoin de deux jours pour prendre quelques points d’appui à des endroits qui pourraient poser un risque de tirs sur cette voie".

Selon lui, en dépit de la présence des milices paramilitaires du Hezbollah, des Gardiens de la Révolution iraniens, et même des Hazaras afghans, les lignes de front du régime Assad sont anémiques. Mais un changement du rapport de forces semble encore loin "Selon nos services de renseignement, le régime panique et sa situation devient chaotique. Il faut donc continuer le combat."

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