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La mafia prend Rome en otage à grands coups... d'ordures
©Reuters

THE DAILY BEAST

Rome pensait en avoir fini avec la corruption au conseil municipal. Mais les ordures sont toujours là, et elles tiennent les rues.

Barbie  Latza Nadeau

Barbie Latza Nadeau

Barbie Latza Nadeau est la directrice du Bureau du Daily Beast à Rome.  

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Copyright The Daily Beast - Par Barbie Latza Nadeau

 Peu de choses sont plus répugnantes que la puanteur d'une poubelle débordante par un jour d'été étouffant et sans un souffle de vent. L'odeur persistante du fromage pourri qui déborde des cartons vides de pizzas, des couches sales et autres déchets non recyclables cuisant sous le soleil d'été est devenue si constante à Rome que la plupart des habitants, et de plus en plus de touristes, ont pris l'habitude de se boucher le nez et de passer au large. En prenant garde à ne pas marcher sur les colonnes de cafards ou à ne pas déranger les rats qui font bombance sur la pourriture

La nouvelle maire de Rome, Virginia Raggi, a pour priorité absolue de résoudre la crise catastrophique des ordures à Rome depuis son élection en juin dernier. Un peu plus d'un mois plus tard, la nouvelle édile se bat déjà contre un mur de corruption aussi épais que les ordures accumulées. Pour empirer les choses, Paola Muraro, surnommée la 'reine des ordures', que la maire venait de nommer pour gérer cette crise, est impliquée dans le scandale qui a causé en premier lieu la crise des ordures.

Il y a quelques semaines, une vidéo en ligne est devenue virale : on y voit des enfants d'une des banlieues vertes de Rome compter les rats qui s'échappent d'une benne à ordures (25 en cinq minutes). Virginia Raggi a promis qu'elle ferait place nette avant le 20 août. Si elle ne fait ne serait-ce que s'approcher de cette date-butoir pour tenir sa promesse, ce sera déjà un véritable miracle. Le grand problème semble être que la criminalité organisée 'tient' l'organisme de propreté urbaine, l'AMA, depuis si longtemps qu'il est semble-t-il impossible d'arriver à garder Rome propre sans elle. “C'est un système complètement fou ; je suis sans voix” a admis Virginia Raggi en découvrant les couches superposées de corruption.

Dans son rapport devant le conseil municipal de Rome, lundi, elle a expliqué que l'AMA était endettée à hauteur de 600 millions d'euros, dont 200 millions auprès de ses fournisseurs et seulement 35 millions auprès des banques. La société emploie environ 7 500 personnes qui ne sont pas toutes formées. Ce qui signifie qu'elles ne sont pas équipées pour manipuler les déchets ramassés, dont des déchets médicaux et des déchets toxiques.

Virginia Raggi promet que la ville remettra la propreté urbaine en régie municipale, même si elle doit superviser en personne le travail jusqu'à ce que Rome soit à peu près propre. Mme Muraro, la 'reine des ordures', a travaillé comme consultante auprès de l'AMA pendant plus de 12 ans. Elle maintient qu'elle n'était qu'intervenante sur la gestion des déchets et qu'elle ne fréquentait pas le côté 'business' de l'entreprise, où les 'affaires' se traitaient. 

Selon l'instruction, toujours en cours, ouverte dans le cadre de l'enquête Mafia Capitale qui a décimé le précédent conseil municipal l'an dernier (Rome n'a pas eu de maire pendant plus de huit mois), la criminalité organisée ne s'est pas contentée du système de gestion des ordures de la ville mais s'est aussi inflitrée dans des sociétés partenaires qui travaillent, littéralement, avec tout ce qui pourrit, dont l'entretien des cimetières de Rome.

Quand les pourris de l'affaire 'Mafia capitale'' géraient les contrats de propreté urbaine (dont peu avaient vu un appel d'offres public pourtant requis par la réglementation de la ville), la ville était beaucoup plus propre, car cette propreté cachait bien la corruption interne, selon Giuseppe Cascini, premier juge d'instruction de Mafia Capitale. Les employés qui effectuaient la collecte des ordures étaient salariés par des sociétés fictives. Mais depuis la purge des directions corrompues des différentes sociétés, personne ne semble être en mesure de travailler aussi bien que les mafieux.

Les éboueurs ont manifesté contre leurs nouveaux contrats, légaux cette fois-ci. Ils se sont mis en grève contre les conditions de travail plus rigoureuses, les durées de travail plus longues, les pointeuses mises en place pour s'assurer qu'ils effectuaient les heures réglementaires. Ils protestent également contre le fait de devoir maintenant trier les déchets et préparer leur recyclage. Avant, apparemment, tout était déversé dans des décharges qui sont également dans le colimateur pour infractions au traitement des déchets toxiques.

Plusieurs décharges modernes créées pour permettre le recyclage n'ont semble-t-il jamais remporté les appels d'offres de la ville de Rome. Les tenants des vieilles méthodes remportaient toujours la mise. L'argent était dépensé en nouveaux camions, en bennes et en directeurs. “Au mépris des risques, l'AMA ne disposait pas des infrastructures nécessaires. Elles proposait des 'opportunités' à des groupes privés qui payaient pour faire des profits” a expliqué Virginia Raggi avant d' exposert son plan pour débarrasser la ville de ses ordures avant la date fatidique du 20 août. “Nous devons agir vite.”

Les aiguilles de la montre tournent rapidement et la puanteur s'épaissit : il faudra peut-être que Mme Raggi puise dans les coffres de la ville pour embaucher des équipes supplémentaires de balayeurs et rendre la ville propre en temps et en heure. Un échec pourrait lui valoir son fauteuil. De son côté, Mme Muraro, qui a pour mission de superviser la bataille générale contre la crasse urbaine, devrait être interrogée cette semaine par les juges d'Ecomafia, le bureau d'enquêtes spécialisé dans la mafia environnementale. Ils souhaitent mieux comprendre le rôle qu'elle a joué dans la création des problèmes qu'elle doit résoudre. Et pendant ce temps, les ordures continuent à s'accumuler, rendant la cité éternelle toujours plus infernale.

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