Failles de sécurité et dilution tragique des responsabilités : François Hollande maintient toute sa confiance à Bernard Cazeneuve, soit. Mais alors ne devrait-il pas lui-même démissionner ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Failles de sécurité et dilution tragique des responsabilités : François Hollande maintient toute sa confiance à Bernard Cazeneuve, soit. Mais alors ne devrait-il pas lui-même démissionner ?
©Reuters

Petits hommes

Après l'attentat meurtrier qui a frappé Nice le 14 juillet dernier, François Hollande a renouvelé sa confiance en Bernard Cazeneuve. Un choix symbolique autant qu'hypocrite : en tant que chef de l'Etat c'est avant tout à lui qu'incombe la responsabilité de telles tragédies.

Christian Combaz

Christian Combaz

Christian Combaz, romancier, longtemps éditorialiste au Figaro, présente un billet vidéo quotidien sur TVLibertés sous le titre "La France de Campagnol" en écho à la publication en 2012 de Gens de campagnol (Flammarion)Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages dont Eloge de l'âge (4 éditions). En avril 2017 au moment de signer le service de presse de son dernier livre "Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos", son éditeur lui rend les droits, lui laisse l'à-valoir, et le livre se retrouve meilleure vente pendant trois semaines sur Amazon en édition numérique. Il reparaît en version papier, augmentée de plusieurs chapitres, en juin aux Editions Le Retour aux Sources.

Retrouvez les écrits de Christian Combaz sur son site: http://christiancombaz.com

Voir la bio »

Atlantico : “Bernard Cazeneuve a toute ma confiance”, annonçait François Hollande une semaine après les l’attentat de Nice, et ce, malgré les interrogations qui pèsent sur les déclarations du ministre de l'intérieur. Cependant, en respectant un principe de non dilution de la responsabilité, ne peut on pas estimer qu'il appartiendrait au Chef de l'Etat, lui même, de présenter sa démission, en cas de faute avérée ?

Christian Combaz : Premièrement la  non-dilution de responsabilité est l'un des principes les plus sauvagement piétinés par l'Etat hollandien. Les erreurs historiques commises dans la perception de la situation internationale par Laurent Fabius, les mensonges délibérés sur les armes chimiques, les "preuves" fabriquées avec la complicité de deux journalistes du Monde n'ont pas été sanctionnées par rien ni par personne. Les inconséquences sur les portiques anti-pollution, les bourdes commises dans la gestion de la région Poitou Charentes, portent la marque de Ségolène Royal et pourtant cette marque est en train d'être effacée sous notre nez. Les sanctions contre la Russie, l'affaire grotesque des Mistral étaient faites pour donner une leçon à Poutine mais on mangeait dans sa main quelques mois après, donc c'est Poutine qui nous la donne, la leçon. Mais le président français regarde ailleurs en sifflotant. La loi El Khomri, qui est en fait une loi Macron, est devenu la loi Travail pour diluer la responsabilité de Macron, lequel est visiblement incapable d'en endosser la paternité depuis qu'elle est sujette à contestation et surtout depuis qu'il a envie de jouer les hommes d'Etat. Devant la nécessité d'un bilan, Macron se comporte en CEO qui "retombe sur ses pattes" à l'occasion d'une keynote trafiquée. Un homme d'Etat c'est le contraire. Ca ne cherche à ménager personne et ça n'a pas peur de la vérité.

De toute façon comment en serait-il autrement puisque le Président, loin d'endosser la paternité des erreurs qu'il a commises, même si on découvre un jour qu'elles ont été carrément criminelles dans la légèreté, obéit à une logique profonde,maladive, pathologique,  celle des pervers narcissiques : lui seul,nous dit-il, porte le destin de la Nation sur ses épaules, lui seul "veut pouvoir se regarder dans la glace", il nous le répète à chaque interview, lui seul truffe ses discours de "j'ai décidé, j'ai augmenté le budget, j'ai demandé ceci et cela", mais quand les choses tournent au désastre, c'est toujours la faute de quelqu'un d'autre. La façon dont il congédie ses conseillers en image depuis le début est effrayante, il faut toujours qu'il fasse porter le chapeau à autrui - et à son prédécesseur au premier chef. Donc une démission est impossible à imaginer. La seule chose qui le ferait partir, il l'a dit lui-même, avec la grossière naïveté des manipulateurs  terrifiés par la perspective de l'affrontement direct, c'est "si la rue exigeait mon départ dans l'agitation" (entretien à TF1, fin 2014)

Notre société tend de plus en plus à la responsabilité et à la responsabilisation des citoyens. Dans le monde du droit, en entreprise ou ailleurs, l’erreur est sanctionnée en opposition à toute "dilution" de responsabilité. En quoi l'application d'un tel principe, liant pouvoir de décision et responsabilité, devrait amener à une telle configuration pour le chef de l'Etat ?  

Puisque vous parlez de l'Entreprise, il y a une méthode douteuse que François Hollande pratique très bien et qui lui permet de fuir ses responsabilités, c'est la personnalisation des décisions quand elles peuvent se traduire par un bénéfice, et la mutualisation des pertes quand les résultats nets sont en baisse. Dans le cas de cette fameuse courbe du chômage, il a prévu dès 2014 un cycle long de léger retour à l'embauche à partir de 2016 et il nous fait le même coup que Tintin dans Les Sept boules de cristal, lorsqu'il prétend commander au soleil un jour d'éclipse pour épater les Incas. Hollande s'attribue le mérite de ce qui aurait eu lieu sans lui. Mais il se défile dès que quelque chose ne marche pas et qu'on se tourne vers lui. En ce moment il faut reconnaître que celle mécanique commode se dérègle, il en vient presque à souhaiter que la rue ne l'oblige à s'en aller pour échapper à l'inventaire. Ca lui permettrait  de faire croire que son action a été entravée par un complot. Quand le chef de la DGSI vient expliquer à une commission parlementaire qu'il craint les menées de l'ultra-droite, il est en service commandé pour accréditer la thèse selon laquelle l'Etat, à la veille du désastre, était aux prises avec des factions dangereuses, et que son échec était écrit. Il y a deux mois on a essayé de nous inventer un complotiste d'extrême droite qui "voulait" acheter des armes en Ukraine pour faire un carnage pendant l'Euro  - à qui avait-il  "l'intention" d'acheter des armes ? Aux  Services secrets ukrainiens. 

Quelqu'un, à l'Elysée ou à Matignon, ou à l'OTAN  se fiche visiblement de nous.

Comment expliquer aujourd’hui que le monde politique soit exempt de cette nécessité de responsabilisation ? Comment conjuguer une telle nécessité avec une nécessaire stabilité de l'Etat ? Quelles en sont, très concrètement, les conséquences sociales ? Cela ne participe-t-il pas à briser un peu plus le lien entre la base et les élites ?

Vous avez raison, la stabilité de l'Etat est compromise parce que le peuple est en train de s'apercevoir que les règles de responsabilité devant la faute commise ne sont pas les mêmes selon qu'il s'agit de gens simples ou d'amis du président. Quand on pense à cette malheureuse Yvette, la Mamie Loto du Nord, qui a été inquiétée jusqu'à la mort par la justice pour avoir organisé une vingtaine de loteries déclarées illégales a posteriori (mais toujours au bénéfice des pauvres), on ne peut pas s'empêcher de penser aussi à Agnès Saal (et ses quarante mille euros de taxi) ou à Ségolène Royal, qui a jonglé avec l'argent de l'Etat sans la moindre conséquence pour sa retraite ou sa réputation.  Du moins jusqu'ici car n'est pas certain que dans le cas de Ségolène Royal, le Peuple ne finisse par faire réaliser un audit complet de son hystérie budgétaire. Il serait absolument accablant, et certainement refondateur. Pour sauver la cohésion sociale, cette histoire de responsabilité, d'attribution publique de la faute, est essentielle, le fait d'accabler quelqu'un (ou quelques-uns) devant l'opinion pour gaspillage, pour cynisme, pour prétention administrative devient nécessaire si on veut calmer le minotaure de la colère populaire. Vous allez me parler de boucs émissaires, mais vous oubliez un détail, le bouc émissaire doit être innocent, or honnêtement qui peut croire encore à l'innocence de nos élites ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !