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L’homme qui a passé 18 mois avec Donald Trump pour co-écrire son autobiographie pense que c’est un sociopathe. Et si c'était vrai ?
©Briancuban.com

American Psycho

La sociopathie est une véritable maladie psychiatrique, qui peut se diagnostiquer selon des critères précis. Néanmoins, la question semble se poser au sujet du candidat Républicain.

Tony Schwartz est le "co-auteur" du best-seller de Donald Trump, The Art of the Deal. C'est-à-dire, en réalité, son nègre. Pour rédiger le livre, Schwartz a passé dix-huit mois en forte proximité avec Trump — il assistait à ses rendez-vous et ses réunions, écoutait ses appels professionnels, passait les week-ends avec lui, et ainsi de suite. Étant donné qu'on ne connaît pas d'ami proche à Trump, Schwartz pense que cette expérience fait de lui la personne qui, à part les membres de sa famille, connaît le mieux Donald Trump au monde.

Dans une interview-confession au magazine The New Yorker, Schwartz déclare que s'il devait de nouveau rédiger un livre sur Trump, il ne l'appellerait pas The Art of the Deal, mais The Sociopath ou, en français, Le Sociopathe.

Donald Trump est-il un sociopathe ? Ce terme n'est pas un mot comme ça ; c'est un terme de psychopathologie qui a une définition précise.

Dans les colonnes du magazine The Atlantic, le docteur James Hamblin s'est posé la question. La sociopathie, médicalement, a plusieurs critères, tirés du DSM, le dictionnaire des troubles psychologiques utilisé par la profession médicale. Passons-les en revue, et voyons si ça colle.

1. Hostilité : sentiments de colère persistants ou fréquents ; colère ou irritabilité face à des affronts ou insultes mineurs ; comportement méchant ou vengeur.

La capacité de Trump à sur-réagir de manière méchante ou vengeresse à des affronts mineurs est presque légendaire. Lorsque la journaliste Megyn Kelly lui a posé des questions qu'il a jugé trop dures, il l'a traitée de "bimbo" et a déclaré qu'elle était injustement hostile envers lui parce qu'elle avait ses règles.

Dans les années 1980, l'humoriste Graydon Carter s'est moqué des "doigts courts" de Trump. Depuis cette période, Carter raconte que, régulièrement, Trump envoie des photos de lui à Carter, en encerclant ses mains avec un feutre à l'encre dorée, pour lui montrer que ses doigts ne sont pas courts.

2. Manipulation : utilisation fréquente de mensonges pour influencer ou contrôler les autres ; utilisation de la séduction, du charme, de la désinvolture ou de la flatterie pour arriver à ses fins.

On pourrait dire que cette description s'applique à tout politicien… Ce qui ne serait pas faux. Mais avec Trump, on va loin. En effet, Steve Becker, un psychothérapeute qui est spécialisé dans l'étude du narcissisme (la sociopathie étant la forme la plus extrême du narcissisme), considère que dans les démocraties modernes, nous voulons que nos hommes politiques soient des sociopathe, parce que c'est le seul moyen de faire ce qu'il faut faire. Mais pour lui "la sociopathie de Trump s'exprime de manière moins 'compartimentalisée' que pour les autres hommes politiques." En clair ? "Trump n'est pas un "sociopathe politique", c'est un sociopathe tout court."

3. Malhonnêteté : manqué d'honnêteté et fraude ; donner une fausse image de soi ou des événements.

Encore une fois, il est facile ici de faire une blague sur les hommes politiques, mais encore une fois le comportement de Trump à cet égard est absolument extrême. Par exemple, lorsqu'on l'a interrogé sur la taille de ses mains récemment, il a proclamé qu'il "n'avait jamais entendu parler" de l'idée que ses mains étaient petites, alors que son altercation avec le journaliste Graydon Carter à ce sujet est légendaire. Le mensonge est pour ainsi dire compulsif : il n'était absolument pas dans son intérêt de faire un mensonge aussi gros là-dessus.

Pour le site Politifact, qui vérifie les allégations des hommes politiques, 75% des déclarations de Donald Trump sont fausses, dont 19% extrêmement fausses, beaucoup plus haut que la moyenne des hommes politiques.  

Schwartz, le nègre de Trump, a déclaré qu'un des problèmes qu'il avait rencontré dans la rédaction de son livre était que l'immense majorité des choses que Trump lui déclaraient, et qu'il devait décrire dans le livre, se révélaient être fausses dès qu'il interrogeait quelqu'un d'autre.

4. Insensibilité : absence de préoccupation pour les sentiments ou les problèmes des autres ; absence de culpabilité ou de remords par rapport aux conséquences négatives de ses actions envers les autres ; agressivité ; sadisme.

On pourrait pointer ici la proposition de Trump d'interdire complètement l'accès du territoire américain aux réfugiés, ou encore sa déclaration qu'il n'a jamais demandé pardon à Dieu pour ses péchés.

5. Impulsivité : agir dans l'instant en réponse à des stimuli immédiats ; agir de manière momentanée sans plan ou prise en considération de buts finaux ; difficulté à mettre au point ou à suivre des plans.

Au Congrès du Parti républicain, alors que Trump devait prononcer quelques mots pour présenter son vice-président Mike Pence, il s'est lancé, d'une manière tout à fait impromptue qui a désorganisé la cérémonie, dans un discours de 28 minutes, soit deux fois plus long que celui de son co-listier.

6. Irresponsabilité : manque d'intérêt pour ses obligations financières et ses autres responsabilités ou engagements, et échec à les accomplir ; manque de respect pour les accords donnés et les promesses.

Ainsi que :

7. Prise de risque : s'engager dans des activités dangereuses et risquées, sans besoin et sans prise en compte des conséquences ; tendance à l'ennui et initiation impulsive d'activités afin de contrecarrer cet ennui ; absence de prise en compte de ses limites, et déni de la réalité du danger pour soi.

Les candidats à la présidentielle américaine ont l'obligation de publier leurs déclarations fiscales, ce que Trump n'a jamais fait. Il a mis plusieurs de ses entreprises en faillite ; lorsqu'il a été interrogé à ce sujet, il s'est vanté du fait d'avoir exploité les lois pour laisser ses créanciers (et ses employés) sans le sou.

8. Identité : égocentrisme ; l'estime de soi vient du gain personnel, du pouvoir, ou du plaisir.

Ainsi que :

9. Auto-direction : les buts sont fixés en fonction de la gratification personnelle ; absence de volonté interne pro-sociale de se conformer aux comportements légaux, éthiques ou culturellement normés.

Trump assume complètement cela. Il est riche et puissant, et pour lui l'objectif principal de ses entreprises est d'augmenter sa richesse et sa puissance.

Et enfin, les deux derniers critères sont :

10. Empathie : absence de préoccupation pour les sentiments, les besoins ou la souffrance d'autrui ; absence de remords après avoir fait du mal à autrui ou l'avoir maltraité.

Ainsi que :

11. Intimité : incapacité à avoir des relations mutuellement intimes, dans la mesure où l'exploitation est le moyen primaire d'avoir une relation à l'autre, y compris par la manipulation et la coercition ; utilisation de la domination ou de l'intimidation pour contrôler autrui.

Sur l'intimité, par definition, il est difficile de savoir grand chose. Ceci dit, le docteur James Hamblin fait remarquer que le discours de Melania Trump, l'épouse de Donald, à la Convention républicaine, sur son mari, ne comprenait absolument aucun détail personnel ou intime sur son mari, alors que justement, traditionnellement, l'objectif de ce genre de discours de conjoints est de rendre le candidat plus attachant en révélant un peu de son intimité.

Ceci dit, en ce qui concerne l'exploitation, la domination ou l'intimidation comme moyens de contrôle, Trump a un vrai bilan. Son utilisation des procès comme arme de négociation est connue, ainsi que son habitude de faire des procès pour des motifs plus ou moins fallacieux à toute personne qu'il perçoit comme hostile. Et il y a, bien sûr, ces moments où Trump a encouragé ses supporters à tabasser les manifestants qui s'opposent à ses discours, leur assurant qu'il paieraient leurs avocats le cas échéant.

Est-ce que tout ça veut dire que Trump est vraiment, réellement un sociopathe ?

Non, bien sûr. D'abord, il est impossible d'évaluer quiconque sans une rencontre personnelle. Ensuite, certains de ses traits vont à l'encontre de la sociopathie typique.

Par exemple, le fait qu'il a un emploi. Le mythe du sociopathe éduqué et ultra-intelligent comme Hannibal Lecter ou Patrick Bateman est justement cela, un mythe, car la même absence de contrôle de ses pulsions qui fait qu'un sociopathe peut tuer les empêche également de faire des études, de garder un emploi, ou d'échapper à la police. Si les sociopathes sont extrêmement rares, les sociopathes "à haute fonctionnalité", c'est-à-dire capables de garder une vie stable, sont une extrême minorité de ce groupe extrêmement minoritaire.

Tous ces traits de caractère de Trump pourraient être révélateurs d'une autre cause que la sociopathe, comme l'utilisation de drogues.

Après tout, comme le précise Ron Johnson, auteur du livre Le Test de la sociopathie, nous montrons tous, de temps en temps, certains des traits associés à la sociopathie. Sans une vraie étude d'experts, on ne pourra pas savoir avec certitude la réalité sur la psychologie de Trump. En attendant, à chacun de se faire son opinion. 

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