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Nouvel an chinois : les Chinois sont-ils plus superstitieux que les Occidentaux ?
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La Chine entre ce samedi dans l'année du dragon. Une année prospère pour les affaires et la famille : un pic de naissance est déjà prévu. Malgré la tentative d’éradiquer les traditions avec -notamment- la Révolution culturelle, les Chinois retrouvent leurs superstitions.

Stéphanie  Homola

Stéphanie Homola

Stéphanie Homola est anthropologue et prépare actuellement une thèse sur les pratiques de divination en Chine contemporaine au Centre d'études sur la Chine moderne et contemporaine (CECMC) de l’EHESS. 

 

 

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Atlantico : Alors que l’année du Dragon débute avec fracas, on a l’impression que les Chinois accordent une importance énorme aux superstitions. Les Chinois, y compris leurs gouvernants, seraient-il superstitieux ?

Stéphanie HomolaOfficiellement non, car ils sont communistes et rejettent donc ces croyances. Mais on dit que ce sont eux qui le pratiquent le plus en secret. Ils consulteraient des spécialistes pour asseoir leur pouvoir. 

On croit en Chine que les superstitions reposent sur l’idée qu’il y a une résonance entre le ciel et la terre. Ceci remonte au système politique de l’époque de l’empire selon lequel le pouvoir était attribué par le ciel. Ainsi, traditionnellement, les signes venus du ciel comme les catastrophes naturelles, par exemple, annonçaient un changement de dynastie ou un nouvel empereur. Les communistes aujourd’hui font quand même attention à ces signes. D’ailleurs, le tremblement de terre du Sichuan en 2008, a été vu comme un signe extrêmement négatif. Ce type de catastrophe si énorme qu’elle annonce un changement de dynastie… C’est en tout cas ce que dit la rue.

On se souvient que le gouvernement avait aussi fixé la date des JO en choisissant le 8 août 2008 (08/08/08) en hommage au chiffre porte-bonheur qu’est le huit ?

Oui, les autorités ont décidé cette date sciemment en vertu de ses bons auspices. Mais sans chercher trop loin, on sait que François Mitterrand consultait l’astrologue Elisabeth Teissier… les dirigeants ont besoin de ces conseils du ciel…

Qui sont les plus superstitieux des Français et des Chinois ?

Les Chinois le sont plus dans le sens où en France, toutes les superstitions ont été condamnées et presque toute balayées par l’Eglise. En Chine, elles ont perduré. Pour autant, les Chinois ne sont pas que superstitieux, ils sont surtout pragmatiques. Cela ne coûte rien, par exemple, de débuter les Jeux olympiques le 8 août plutôt que le 9 août. Mais ce sera toujours un signe positif ! Même si on n’y croit pas ou qu’on est sceptique, du fait de l’éducation communiste, on met toutes les chances de son côté !

Le paradoxe c’est que, historiquement, le concept de « superstition » est entré en Chine, via le Japon, grâce aux Occidentaux à l’époque de la Modernisation, à la chute de l’empire. La « superstition » a été définie par opposition à la religion. Une différence qui n’existait pas en Chine avant le début du XXe siècle. C’est aussi l’époque où les autorités ont défini les cinq religions officielles qui regroupaient une grande partie des coutumes. Une fois qualifiée de « superstition », l’activité était condamnée. En effet, les "modernisateurs" du pays rendaient toutes ces coutumes superstitieuses responsables de l’arriération de la Chine.

Cette opposition entre les superstitions qu’on condamne et les religions officielles qu’on reconnaît vient d’Occident et a été notamment l’œuvre de missionnaires tels qu’Henri Dorie, l’auteur d’une somme sur ces coutumes jugées négatives. Plus tard, on retrouve cette aversion pour les coutumes chez les communistes. On risque alors de lourdes condamnations – durant la Révolution culturelle notamment.

D’où viennent ces coutumes ?

Elles découlent de la religion populaire mais elles étaient respectées par tout le monde. Elles ont été condamnées très sévèrement chez les communistes et perdues par les Chinois en général… C’est depuis l’ouverture de la Chine en 1978 et en particulier depuis les années 2000 qu’elles refont surface. Mais ces croyances en l’astrologie sont le degré zéro de la coutume. C’est beaucoup plus complexe que cela. Et les Chinois eux-mêmes s’attachent à ces symboles qui sont assez simples car ils ont tout bonnement oublié les autres…

A quelles autres traditions faites-vous allusion ?

A des interdits ou à des obligations à respecter dans les grandes étapes telles que la naissance ou le mariage. Pour la naissance, les vieilles coutumes disent que la mère ne doit pas sortir de chez elle le mois suivant l’accouchement car elle est considérée comme impure. Voilà des coutumes typiquement combattues par les communistes, au nom de l’égalité homme-femme. Cette coutume existe encore un peu.

Une coutume très répandue consiste à aller voir un devin pour son mariage et vérifier la compatibilité des horoscopes des époux. Cette mode va croissant ! L’année du Dragon passe pour la meilleure année. On est d’observer un pic de naissances. Mais paradoxalement, on retrouve ces traditions davantage hors de Chine qu’en Chine continentale où le communisme a tenté de faire oublier les traditions.


Propos recueillis par Antoine de Tournemire

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