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La gauche au régime Macron-biotique
©Reuters

Illusion

Le meeting de Macron à la Mutualité n’en finit pas de faire couler de l’encre et de la salive à gauche, et l’événement ne manque pas de divertir les observateurs de ce spectacle drolatique. Comme certains m’ont demandé si le meeting de Macron était une bonne opération ou pas pour François Hollande, je me suis senti de relever le gant sur ce sujet d’actualité.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Qu’est-ce que le régime Macron-biotique ?

De même que l’immortel Ohsawa soutenait, dans sa pensée macrobiotique, qu’il n’existait qu’une seule maladie : l’arrogance, curable par une alimentation maigre mais équilibrée, la gauche découvre aujourd’hui la maladie Macron-biotique qui consiste à se préparer à l’élection présidentielle avec l’argent des puissants.

Par exemple, la rumeur se répand selon laquelle Henri de Castries, camarade de promotion (à l’ENA) de François Hollande, aurait quitté la présidence d’AXA pour soutenir le jeune banquier devenu ministre. On sait aussi que Macron bénéficie du soutien fort du think tank d’AXA, l’Institut Montaigne. Sur France Inter, ce matin, Thierry Breton, qui a cumulé une carrière ministérielle et des postes de direction générale dans des entreprises publiques ou privées, a dit tout le bien qu’il pensait de Macron.

Bref, ceux qui composent le gouvernement profond verraient volontiers dans Macron un candidat idéal aux prochaines présidentielles, comme Madame Michu voyait dans Michel Drucker un gendre idéal. 

En attendant, les puissants soutiens dont Macron bénéficie dans les sphères dorées de la République ont un mérite : ils lui ouvrent les portes et les colonnes des médias. Si, incontestablement, Macron est parvenu à incarner une image rajeunie de l’orléanisme, le désir de lui plaire chez les petits cire-pompes des rédactions lui ouvrent tout aussi incontestablement de nombreuses unes complaisantes. On ne sait jamais, ça pourrait toujours servir !

La campagne de dénigrement commence

Chez ses petits camarades, l’ambiance est un peu moins optimiste. Il faut dire qu’ils le voient monter, monter, monter comme une petite bête que rien ni personne ne semble pouvoir arrêter. À la manière des chouchous de la classe, Macron en rajoute chaque fois une louche dans la provocation, pour voir jusqu’où il peut aller. Manifestement, très loin !

Les coups bas commencent donc à pleuvoir. Après les très malencontreuses fuites sur son redressement à l’impôt sur la fortune (on se demande vraiment d’où pouvait venir cette petite trahison…), les socialistes toujours animés d’un esprit collectif que Karim Benzema ne renierait pas ont commencé les salves de petites phrases. La dernière en date est cela de Stéphane Le Foll au point presse après le conseil des ministres :


Stéphane Le Foll sur le meeting de Macron à la...par publicsenat

Auparavant, Manuel Valls avait décoché une autre flèche, accusant Emmanuel Macron de céder "aux sirènes du populisme". Macron a donc franchi le degré un du rejet viscéral (celui où l’on est accusé de populisme). Il se rapproche à la vitesse grand V du degré deux : celui où il sera accusé de "faire le jeu du Front National", selon une hiérarchie des discrédits savamment rodée.

Hollande peut difficilement se passer de lui

Reste qu’avec ses puissants soutiens qui croient en lui comme une alouette au miroir, ou comme les Dupont à l’oasis dans leur désert, Macron pose un sacré problème au capitaine de pédalo qui s’entraîne quotidiennement dans le petit bassin de l’Elysée.

De deux choses l’une : Hollande dit au micro Macron de partir, et il perd une pièce maîtresse pour le financement de sa campagne. Après le coup de Jarnac de "mon ennemi c’est la finance", et le grand désordre gouvernemental qui s’est installé à Paris aux premiers soirs de mai 2012, l’aristocratie parisienne n’est pas prête de remettre des sous dans le juke-box hollandais si Macron fait cavalier solitaire. Rappelons que Macron était l’intermédiaire entre Hollande et les puissants durant la campagne de 2011 et 2012. Le virer maintenant tiendrait du suicide.

Le suicide serait d’autant plus voyant que Hollande a toujours perdu tout soutien crédible à gauche. Nul n’ignore les noms d’oiseau qu’il échange avec Mélenchon. Il s’est fâché avec Montebourg. Il est combattu jour après jour par les Frondeurs. Il est détesté des écologistes. Perdre Macron sonnerait comme un hallali.

Donc, deuxième solution : Hollande ne dit rien à Macron et laisse le tigre descendre de la montagne. C’est la meilleure option pour lui. Car, dans le pire cas, il aura mis le pied à l’étrier d’un candidat potentiel. Dans le meilleur des cas, les sondages lui permettront de se maintenir en piste, et il pourra même compter sur le soutien de Macron dans l’hypothèse où les sondages laisseraient à celui-ci peu d’espoir.

Contre mauvaise fortune, bon coeur et parfois bon calcul.

L’hypothèse Macron est-elle crédible ?

Reste une question, la seule, à laquelle François Hollande a probablement répondu en son for intérieur : quelles sont les chances de Macron dans une présidentielle ?

Les puissants qui soutiennent Macron (et témoignent d’une singulière incompréhension vis-à-vis du peuple français dont ils sont fiers de ne partager ni le pinard qui tâche ni les campings à douche collective, ni les fins de mois difficiles) pensent les électeurs comme ils ont appris à penser les agents économiques dans leur manuel de Sciences-Po ou de Polytechnique. Ils croient naïvement qu’un électeur est un être rationnel au sens où eux-mêmes l’entendent. Donc, si un électeur a le choix entre un génie appelé Macron et un cake appelé Hollande, ou une populiste appelée Le Pen, il ne fait pour eux aucun doute que l’électeur choisira Macron.

Si les puissants vivaient moins en autarcie et se crottaient un peu plus les chaussures dans les roues boueuses des quartiers sensibles, ils comprendraient rapidement que même avec le plus partial des soutiens médiatiques, Macron aura du mal à dissimuler les gouffres qui se cachent sous la couche de peinture dont il est recouvert. Macron brille dans les salons, mais il lui manque sur le torse quelques cicatrices de baroudeur pour être totalement pris au sérieux par les Français de la vie de tous les jours.

Tant que la campagne électorale n’a pas commencé, il peut faire illusion. Mais mettez-lui dans les dents les opérations de déstabilisation dont les Cambadélis, les Le Guen, les Mélenchon, les Dray, se sont faits une spécialité, mettez-lui un Sarkozy dans les pattes dans un débat télévisé, mettez-lui une campagne d’intoxication par le Front National sur le dos, et on en reparlera. Sans compter les réticences, même à la CFDT, que le soutien à une candidature orléaniste soulèvera.

Cet article a initialement été publié sur le blog d'Eric Verhaeghe 

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