My name is Shakespeare, Nicholas Shakespeare<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
My name is Shakespeare, Nicholas Shakespeare
©

Zone franche

Avec Google, les auteurs de discours des hommes politiques ont tendance à devenir un poil flemmards. Il est temps qu’ils se remettent à lire des livres en papier.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

Voir la bio »

J’étais un peu embêté pour ma chronique d’aujourd’hui : je voulais écrire un truc sérieux sur François Hollande face à la presse, évidemment, mais le rédac chef d’Atlantico n’était pas très chaud :

― On a déjà au moins 25 papiers en chantier sur son discours. 26, ça va faire trop…
― Zut alors, je me faisais une fête…
― Bon OK, mais alors un sujet léger et rigolo. En tout cas, rien sur le chiffrage et les 0,5% de croissance qui ennuient tout le monde de toute manière…
― Et la réduction des dépenses publiques à 54% du PIB d’ici à 2017, c’est rigolo, non ?
― Non, c’est pas rigolo.

Du coup, j’ai cherché un peu (pas longtemps) et je suis tombé sur cet article du Guardian de Londres dans lequel on explique que François Hollande a fait son Frédéric Lefebvre en se prenant les pieds dans le tapis d’une citation de Shakespeare.

― Bof, c’était même pas dans le discours d’hier, c’est juste que ça a été repéré en retard…
― Et alors ? C’est rigolo et léger tout de même, tout le monde ne l’a pas déjà lu et ça parle de Hollande, ce qui est bon pour les clics, sans empiéter sur les questions de chiffrage…
― Hum, si tu y tiens. Mais n’oublie pas : il faut que ce soit marrant pour que les gens aient envie de le tweeter et de le facebooker. C’est vendredi, on a envie de décompresser…

Allons-y donc : les types qui écrivent les textes de François Hollande ― qui n'est qu'interprète mais pas auteur-compositeur comme Gérard Lenorman ―, se sont salement plantés en lui faisant conclure son discours de dimanche dernier au Bourget par une citation de William Shakespeare (mais oui, je vous en ai déjà parlé lundi, de ce discours-là).

« Ils ont échoué parce qu’ils n’ont pas commencé par le rêve », aurait ainsi affirmé le barde de Stratford un jour qu’il était en verve, ce qui signifie sans doute qu’il faut toujours commencer par fantasmer sérieusement sur un truc pour réussir à se le procurer ― ou quelque chose dans le genre…

Guérillero marxiste-léniniste du Sentier lumineux péruvien

D’abord, ça n’est pas complètement vrai parce qu’il y a plein de choses que l’on réussit par inadvertance et sans en avoir spécialement rêvé et qu’il y a même un autre William (Guillaume d’Orange 1626 – 1650) qui a dit exactement le contraire («Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ») et il n’était pas la moitié d’un imbécile non plus.

Mais surtout, le Shakespeare de « Hamlet » ne l’a jamais formulé, l’aphorisme Hollandais.

Non, en fait, c’est un autre Shakespeare, Nicholas de son prénom, romancier on ne peut plus contemporain de son état, qui le fait dire à un guérillero marxiste-léniniste du Sentier lumineux péruvien dans son roman « The vision of Elena Silves » et ça n’a strictement rien à voir avec la fin du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux ou la modulation du quotient familial. Strictement rien.

C’est sûr, Raymond, euh, François Hollande n’est guère coupable, dans cette affaire. Et les responsables du pataquès sont plus sûrement les gagmen qui glanent sur le Web les citations qui rendent les politiques intelligents dans les réunions publiques. Mais force est de constater qu’ils n’ont pas fouiné bien longtemps pour celle-ci : dans le Guardian, on fait remarquer que son unique occurrence Google conduit à un site de profs d’anglais et que, si l’on fait un tout petit peu attention, on remarque qu’elle est attribuée à N. Shakespeare plutôt qu’à W. Shakespeare…

Bah tout ça n’est pas si grave puisque le Nicholas, en apprenant ça, s’est bien fendu la poire en expliquant que sa citation « pouvait parfaitement s’appliquer à n’importe quoi ». N’empêche, c’est Guéant qui doit bien se (Guy) Môquet, sur ce coup. Et en tout cas, la prochaine fois, je préempte le papier sérieux sur le meeting parce, comme disait Balzac, « Si tu n’arrives pas le premier à la cantine, il ne reste jamais de céleri rémoulade ». Jean-Christophe Balzac, bien entendu.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !