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Lorsque la Grèce est entrée dans la zone euro, on savait déjà qu'elle était déficitaire
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Papandré-Ou La La !

Un accord visant à réduire la dette de la Grèce devrait intervenir probablement ce week-end, a affirmé, ce vendredi, à Davos le commissaire européen aux affaires économiques, Olli Rehn. Michel Aglietta ouvre le débat : pouvions-nous prévoir cette situation ? Extraits de "Zone euro : éclatement ou fédération" (1/2).

Michel Aglietta

Michel Aglietta

Michel Aglietta est professeur de sciences économiques à l'université de Paris Ouest Nanterre et conseiller scientifique au CEPII et à Groupama-Asset management.

Il est le co-auteur avec Guo Bai de La voie chinoise (Odile Jacob, 2012) et de nombreux autres ouvrages sur la Chine.

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Lorsque la Grèce est entrée dans la zone euro, les investisseurs européens ont accueilli l’événement comme pour les autres pays deux ans auparavant. Les taux d’intérêt sur la dette publique grecque sont descendus au niveau des taux allemands ! Les agences de notation, ces soi-disant boussoles des marchés, ont confirmé la qualité de la dette grecque. Pourtant, pendant que les marchés et leurs informateurs se mystifiaient eux-mêmes dans leur aveuglement, les indicateurs macroéconomiques étaient parlants. La balance courante de la Grèce, qui était déficitaire déjà de l’ordre de 7 % du PIB au moment de l’entrée du pays dans l’euro, s’est effondrée à partir de 2004, atteignant 15 % du PIB en 2007.

Cela veut dire que la dette privée et la dette publique ont augmenté vertigineusement de concert, rendant le pays de plus en plus dépendant des créanciers étrangers, et ceci dans l’indifférence totale des fameux marchés censés discipliner les débiteurs.

Le plus savoureux de l’affaire est qu’en 2004 déjà un audit avait été produit, qui montrait que les comptes publics étaient sans rapport avec les comptes officiels et cela grâce à Goldman Sachs qui avait aidé le gouvernement grec à camoufler des dettes par des swaps permettant de les sortir de la comptabilité publique. Cela n’est guère surprenant puisque la crise des subprimes a montré que Goldman Sachs a été dans tous les coups tordus, avec l’aide des agences de notation, pour gruger les investisseurs qui ont acheté des crédits structurés sciemment conçus pour avoir des risques de défaut très élevés. Quoi qu’il en soit, l’audit montra qu’en 2001 le déficit public de la Grèce n’était pas de 1,4 % mais de 3,7 %, et qu’en 2004 il n’était pas de 1,2 % mais de 5,3 %.

Le plus inouï est que l’audit de 2004 n’a rien changé. Les fraudes et les dissimulations ont continué de plus belle pour arriver au gouffre béant révélé à l’automne 2009, à la faveur d’un changement de majorité. En octobre 2009, le gouvernement Papandreou révéla ce dont on commençait à se douter fortement : les comptes grecs étaient maquillés. La surprise vint de l’ampleur de la dissimulation : on constatait ainsi un déficit de 8 à 9 %, et non 3 %. Cette révélation provoqua un choc de marché, et les banques publiques grecques furent les premières touchées. En effet, la dette publique grecque détenue par les banques grecques atteint 55 milliards d’euros. Ces banques ont été un relais puissant de transmission de la crise à l’ensemble de l’Europe.

Alors les marchés sont sortis de leur aveuglement. Le feu qui couvait dans le mégot a enflammé les broussailles environnantes, puis s’est propagé à toute la forêt des dettes européennes devant les pompiers impuissants. Il faut dire que les pompiers européens ont ceci de particulier qu’ils ne coopèrent pas. Ils n’ont pas les mêmes idées sur la manière de maîtriser le feu. Ils pensent qu’il revient aux habitants les plus directement menacés par l’incendie de faire la preuve qu’ils peuvent éteindre le feu eux-mêmes. Ils se contentent de fournir du matériel le plus chichement possible. C’est ainsi que la crise des dettes publiques européennes s’est propagée de pays à pays.

On voit alors, comme ailleurs, se développer une double crise, affectant à la fois le secteur bancaire (et donc l’économie privée) et les finances publiques. Dès janvier 2010 on assiste à une divergence des spreads (les écarts de taux obligataires) avec l’Allemagne, qui fait figure de référence dans la zone euro.

À partir de là se développe le processus auto réalisateur : la dette publique étant considérée comme douteuse, la probabilité d’un défaut augmente, et on entre donc dans un nouveau régime de dette, avec une augmentation rapide du loyer de l’argent – ce qui alourdit considérablement la charge de la dette et, selon un cercle vicieux, contribue à augmenter le volume de dette tout en limitant fortement la capacité de l’État à soutenir l’économie.

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Extraits deZone Euro : éclatement ou fédération, MICHALON (12 janvier 2012)

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