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Comment les conséquences des sanctions russes sur l’économie française ont été largement sous-estimées
©Reuters

Ah oui quand même

Si les sanctions étaient dites "intelligentes", c'est-à-dire qui ne coûteraient rien aux pays émetteurs, la réalité est toute autre : en un an et demi, les 37 pays qui en sont à l'origine cumulent près de 60 milliards de dollars de pertes. Un chiffre qui reste cependant en-dessous des dégâts infligés à l'économie russe.

Matthieu Crozet

Matthieu Crozet

Matthieu Crozet est professeur à Paris Sud. Il est également conseiller scientifique au CEPII, en charge du programme scientifique Analyse du Commerce International.

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Atlantico : A la suite de l'annexion de la Crimée par la Fédération de Russie en 2014, l'Union européenne décide d'imposer des sanctions économiques. En quoi ces dernières ont-elles pu participer à affaiblir les entreprises françaises ? Et pour quel coût ?

Matthieu Crozet : Le référendum en Crimée signe effectivement le rattachement de cette région à la Russie. À partir de ce moment, les États-Unis et l'Union européenne imposent un certain nombre de sanctions diplomatiques et d'autres sanctions dites "intelligentes", c'est-à-dire qui viennent perturber le jeu politique du pays ciblé sans engendrer de coûts pour le pays émetteur. Finalement, ce sont 37 pays qui les imposent, et ces derniers représentent à eux seuls plus de 60% du PIB mondial. De même, cette série de sanctions se distingue par le fait que pour la première fois, c'est un pays important et non une puissance comme l'Iran ou Cuba qui est visée.

Puis, vient une deuxième vague de sanctions qui concerne l'arrêt de plusieurs coopérations diplomatiques, culturelles, ainsi que le gel de certains avoirs de dignitaires et entités russes ou oligarques, ainsi que des retraits de visas.

Mais l'UE a aussi imposé un certain nombre de sanctions très fermes à l'égard de l'Ukraine et surtout de la Crimée, et qui concernent par exemple l'interdiction d'investir pour les entreprises européennes, ou de fournir des services touristiques. 

Un autre type de sanction concerne un contrôle à l'exportation pour des produits comme les produits militaires, à usage duale (militaire et civil) comme les composants électroniques. Typiquement, cette dernière sanction a pénalisé en France le secteur de l'aéronautique.

En juin 2014, après l'épisode du crash de l'avion de la Malaysian Airlines au-dessus de l'Ukraine, la Russie a subi de nouvelles sanctions, cette fois moins "softs", puisqu'il s'agissait d'interdire l'exportation de produits sensibles comme des technologies d'exploitations de minerais par exemple. Mais aussi des sanctions financières plus pénalisantes dans le domaine financier : en empêchant par exemple les principales banques russes de se financer sur les marchés européens et américains.

Vous avez récemment étudié l'impact de ces sanctions sur plusieurs économies, dont la France. Qu'avez-vous pu observer ? Comment l'économie française et ses entreprises ont-elles été affectées par ces sanctions ? 

L'étude que nous avons faite est limitative et se concentre sur les exportations vers la Russie.

Tout le commerce vers la Russie s'est bien entendu écroulé, la crise en Russie ayant entraîné la chute du rouble. Au final, nous avons observé une réduction des exportations de l'ordre de 60 milliards de dollars pour les 37 pays émetteurs sur un an et demi. En juillet 2014, lorsque le niveau des sanctions augmente, la Russie réplique en mettant un embargo sur une grande ligne de produits de l'agroalimentaire. L'embrago a un effet très net et fait diminuer de 80% les exportations interdites. Mais ces produits, à l'échelle de l'économie des pays émetteurs de ces sanctions, sont négligeables.

Pour les autres produits, la baisse est beaucoup plus importante. L'essentiel de la déperdition de commerce est lié à des produits qui ne sont pas sous embargo russe (secteur des services, produits de luxe pour la France, etc). Le plus touché est l'Ukraine, le second est l'Allemagne qui a absorbé l'essentiel des coûts avec 27% des pertes totales. La France représente 5,6%. 

Sur la période janvier 2014 - juin 2015, la France a perdu 176,94 millions de dollars de commerce avec la Russie en moyenne chaque mois. Cela représente -22,22% du potentiel de commerce. Pour les produits agricoles sous embargo russe, la perte atteinte passe les 50% du potentiel de commerce sur la période (qui couvre un temps précédent l’embargo). En valeur, la perte de commerce pour ces produits est évaluée à -14,19 millions de dollars par mois. Au final la perte de commerce de produits sous embargo russe représente moins de 10% de la perte totale de commerce de la France.

Nous avons en revanche observé qu'il n'y avait pas eu d'effet de boycott.

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