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Brexit : et si les Britanniques inventaient la Confédération qui nous rendrait ce dont nous prive une UE fédérale et centralisée ?
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Go west

A peine les Britanniques avaient-ils prononcé leur "Leave" en réponse au référendum sur leur appartenance à l’UE, qu’une vaste cacophonie démarrait.

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Du côté de Bruxelles, Donald Tusk et Jean-Claude Junker n’ont pas estimé nécessaire la moindre remise en question. Le duo de tête de la bureaucratie européenne n’a pas eu le courage de suivre l’exemple du commissaire européen aux Services financiers, Jonathan Hill, qui a préféré démissionner. "Tout va très bien, Madame la marquise", continuons donc de faire comme si de rien n’était… après les "non" français et danois de 2005, la crise grecque, la crise des réfugiés et, pour finir, le Brexit !

A Paris, fort d’un leadership aussi inattendu qu’éphémère, François Hollande a improvisé une chancelante union des pays du Sud. Le thème éculé de l’anti-austérité reste le "Born to be alive" des gauches, de Nuit Debout à Mélenchon en passant par les frondeurs. On l’a beaucoup entendu, mais tout le monde l’aime et ça maintient l’ambiance sur la piste des manifestations utopistes. Étant donnée l’insipidité du Président français sur la question de l’Europe – ses deux emblèmes missionnés, Pierre Moscovici et Harlem Désir, parlent d’eux-mêmes , nous pouvons être rassurés sur l’extrême brièveté de cette tentative de putsch anti-chancelière.

A Berlin, où elle est dorénavant l’unique surintendante de la maison Europe, Angela Merkel s‘est lamentée sur un air de "Ne me quitte pas, Il faut oublier, tout peut s’oublier…", certes impérissablec mais aussi utile qu’une cuillère à bois pour se projeter dans l’étape d’après.

A Londres enfin, les pro-Brexit entonnent "God save the Queen" avec autant de force que les Ecossais et les Irlandais du Nord clament leur envie de se mettre en congé du Royaume. Même en s’armant d’une bonne dose de flegme très britannique, difficile de nier que le Royaume est au bord d’une crise profonde. 

On pourrait naïvement croire que le scénario des prochains mois se dessine dans cette polyphonie étrange : à coup de sommets de la dernière chance, les 27 se débarrasseront rapidement du Royaume-Uni, Bruxelles sauvera sa conception de l’Europe grâce à un énième traité, Angela Merkel fera mine de s’intéresser à un plan de relance européen, François Hollande tentera de faire croire qu’il l’a obtenu de haute lutte, le gouvernement Tsipras, de l’argent réclamera et Mario Draghi les euros pleuvoir, fera. Ce scénario semble couru d’avance si l’on se réfère à l’histoire européenne récente. Sauf qu’une chose cloche ici : les Anglais sont maintenus en-dehors du jeu.

Or, ils ne sont jamais absents des affaires du continent, ne serait-ce que pour des raisons d’interdépendance économique. Les Britanniques n’accepteront pas le risque de voir la City perdre ne serait-ce qu’une part de son rayonnement ; de voir l’Ecosse réclamer son indépendance, et possiblement, l’Irlande du Nord ; de ne plus être un intermédiaire privilégié des Etats-Unis pour le affaires européennes ; de ne pas avoir une carte à jouer sur l’équilibre des forces en Europe continentale ; de ne pas avoir une chance de faire inscrire dans les règles communes ce qui est primordial pour leurs intérêts.

Rêvons un peu. Que pourraient-ils imaginer pour retourner la situation à leur avantage comme ils savent si bien le faire dans l’esprit pro-business qui les caractérise ? Face une Union européenne peu démocratique, percluse de lourdeurs, de contrôles, encline à l’interventionnisme malgré une ligne affichée pro-concurrentielle et favorable au libre-échange, ils ont une issue originale : proposer une Confédération bâtie sur les mêmes atouts que l’UE en faveur de la prospérité (concurrence et libre-échange). A la différence du fédéralisme plus centralisateur, chaque Etat d’un modèle confédéral pourrait conserver sa propre politique d’immigration, s’inscrire ou non dans un programme de défense commun - OTAN et/ou Défense confédérée -, conserver sa propre monnaie tout en autorisant une monnaie commune – et non plus unique afin de faire jouer les effets bénéfiques de la concurrence sur les monnaies -, le tout reposant sur une coopération des administrations nationales en matière de réglementation et de sécurité, approche bien plus favorable à leur modernisation que l’ajout d’une super-structure distante imposant sa propre production administrative.

Une telle Confédération européenne menée par le Royaume-Uni, non exclusive de l’appartenance à l’UE, pourrait inciter l’Irlande, la Norvège, les Pays-Bas, le Danemark à la rejoindre rapidement. Et pourquoi pas certains pays d’Europe de l’Est ? Voire la Suisse qui paye cher son isolement ? L’efficacité comparée de cette Confédération et de l’Union européenne conduirait une majorité de pays à suivre la structure la plus performante. A terme, cette émulation pourrait aussi se révéler efficace et aboutir à une fusion, juste retour de l’UE aux fondements du traité de Rome purgé de la volonté d’intégration politique née avec Maastricht. A défaut, la plus mauvaise disparaîtrait faute de membres. Nous disposerions alors d’une véritable alternative pour construire l’Europe que nous voulons. Nous prendrions conscience que l’Europe, ce n’est pas (que) l’Union européenne.

Est-il vraiment sensé d’ajouter une nouvelle organisation alors que la première semble déjà atteindre ses limites ? Un modèle confédéral fondé sur la subsidiarité n’ajouterait pas à la complexité existante, pourvu qu’elle soit "structurellement frugale". C’est justement parce que l’UE atteint ses limites qu’il est temps de la mettre en concurrence, le meilleur mécanisme existant pour faire avancer le changement. Que l’UE s’améliore ou qu’elle meure, c’est l’Europe qui gagne, c’est-à-dire notre liberté, notre prospérité et notre sécurité en tant que continent uni.

Vendredi 24 juin, les Britanniques ont dû répondre à une question binaire : petit-déjeuner anglais ou continental ? Demain, le Royaume-Uni pourrait aider l’Europe à se réinventer en proposant buffet libre.

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