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Difficile opération "Vie politique" pour Manuel Valls sur TF1
©Reuters

Vie de chien

Manuel Valls était l'invité dimanche 3 juillet de la nouvelle émission politique de TF1, "Vie politique". Compte tenu de sa situation politique, l'exercice de communication s'est révélé compliqué, bien que réussi.

Jean-Luc Mano

Jean-Luc Mano

Jean-Luc Mano est journaliste et conseiller en communication chez Only Conseil, dont il est le co-fondateur et le directeur associé.

Il anime un blog sur l'actualité des médias et a publié notamment Les Perles des politiques.

 

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Atlantico : Alors qu'il y a deux semaines, la cote de popularité du Premier ministre Manuel Valls atteignait son niveau le plus bas depuis son arrivée à Matignon, et qu'il y a deux jours celui-ci prononçait un discours pour l''inauguration du tramway à Montpellier sous une pluie d'huées, peut-on considérer son passage de ce dimanche sur le plateau de Vie politique (TF1) comme une opération de reconquête ? 

Jean-Luc ManoCe passage témoigne de la volonté de l'équipe du Premier ministre et de lui-même, de ne pas s'installer durablement dans l'impopularité et de tenter des sorties. L'apparition télévisuelle pour un Premier ministre, à une heure de grande écoute, qui plus est sur TF1, est à la fois classique et tentante.

Dans le sondage révélé en première partie d'émission, seulement 28% des Français considèrent Manuel Valls comme un bon communicant. Pourtant, Manuel Valls n'est pas le dernier à s'exprimer dans la presse, sur les réseaux sociaux, ou à la télévision. Comment expliquer cet avis de l'opinion ? 

Depuis son arrivée à Matignon, je crois que Manuel Valls a fait preuve d'un abus de communication : trop communication tue la communication à un moment donné. Il s'est laissé piéger par cette overdose qui guette les politiques et qui fait qu'à un moment donné, tout ce qu'ils disent est frappé du sceau de la communication. Cette overdose nuit à l'impression de sincérité et d'honnêteté du discours politique. Pourtant, au début, Manuel Valls a bénéficié de ses talents de communicant, avant donc de pâtir de cet excès de communication, et de cette idée qui s'est emparée de la société française, et particulièrement à l'endroit du pouvoir, que tout n'est que communication.

Je suis assez dubitatif de la présence de Manuel Valls sur cette émission. Je considère que lorsqu'on va sur le plateau d'une émission de TF1 à une heure de grande écoute, c'est pour dire quelque chose de nouveau aux Français : une information, une annonce, un changement de cap. Des chaînes généralistes de l'importante de TF1 ne sont pas des lieux où l'on va pour entretenir le climat, pour montrer à voir qui l'on est. C'est un moment, un lieu fédérateur qui exige un discours adapté comme je le disais. On n'y va pas pour donner un cours, même si la pédagogie est nécessaire et que cela est fait avec beaucoup de talent.

Quels sont, selon vous, les moments clés de cette interview ? Comment juger sa prestation sur l'ensemble de l'émission ?

Parmi les moments clés, il y aura, pour les électeurs de gauche, les propos que Manuel Valls a tenu sur Michel Rocard. C'est une partie indiscutablement très sincère, faite à la manière du Premier ministre, c'est-à-dire avec une certaine pudeur. A aucun moment là-dessus, il ne peut paraître suspect dans son hommage compte tenu de son parcours et des liens qu'il a pu entretenir avec Michel Rocard.

Je retiendrai également ce moment difficile au début de l'émission, où un sondage lui a été révélé sur la manière dont les Français le perçoivent : 68% le jugent "impulsif" et 67% "arrogant". Ce ne sont pas les qualificatifs qu'on attribue d'ordinaire à un homme d'Etat…Depuis son arrivée à Matignon, Manuel Valls s'efforce pourtant à démontrer qu'il n'est pas "impulsif", voulant donner l'image d'un homme d'Etat réfléchi avec de l'autorité. Je ne suis pas sûr que le fait que les Français lui accordent cette qualité d'autorité à plus de 50% vient complètement faire passer la critique sur l'impulsivité et l'arrogance.

L'absence de discours réel sur le Brexit m'a également frappé. Là-dessus, il n'est pas dans une situation totalement différente de ce que font les hommes politiques français. Il témoigne de l'incroyable impréparation autour de cette question de la part du président de la République. Ce qui transparaît du discours de Valls, c'est que la France n'est pas prête à la riposte.

Globalement, j'ai un avis à la fois sympathique et redoutable pour Manuel Valls. Sur le plan de la communication, on peut dire qu'il s'en est plutôt bien sorti : il est tout à fait écoutable, il n'est pas désarçonné, il n'y a pas de chaos. Sincèrement, sur le plan de la communication, Manuel Valls est le meilleur à la gauche du gouvernement, bien meilleur que ses ministres, parce qu'il est dans la plénitude de son rôle. Et en même temps, le réel est tellement violent à l'encontre du pouvoir qu'on a l'impression qu'il pourrait être formidablement meilleur que cela ne changerait rien. Il est intelligent et il s'y connaît en communication : par conséquent il sait que ce qu'il dit n'est pas écouté car son discours n'est plus audible ; les gens ne croient plus. A ce propos, Mitterrand m'avait confié en 1986 lors d'un entretien qu'il y a une chose que les Français savent faire, c'est que lorsqu'ils veulent nous virer, ils nous virent (en parlant des hommes politiques). Au fond de lui, Manuel Valls a tiré un trait sur la prochaine élection. C'est pour cela que ce système de communication est pour lui très compliqué car il faut continuer à faire semblant de mobiliser des troupes autour de François Hollande pour une victoire en laquelle il ne croit pas, sauf miracle…C'est donc une communication de l'impossible qu'est celle du Premier ministre. 

Entretien réalisé par Thomas Sila

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