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Après Orlando, une Gay Pride parisienne sous haute sécurité : mais au fait, à quelles agressions sont confrontés les homosexuels français à l’heure actuelle ?
©Reuters

Haine ordinaire

Depuis le vote de la loi sur le Mariage pour tous, l'homophobie latente de la société française s'est de nouveau réveillée. A cette homophobie s'ajoute la menace terroriste qui cible la communauté homosexuelle comme un moyen de toucher les fondements libéraux de nos sociétés.

Christian Combaz

Christian Combaz

Christian Combaz, romancier, longtemps éditorialiste au Figaro, présente un billet vidéo quotidien sur TVLibertés sous le titre "La France de Campagnol" en écho à la publication en 2012 de Gens de campagnol (Flammarion)Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages dont Eloge de l'âge (4 éditions). En avril 2017 au moment de signer le service de presse de son dernier livre "Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos", son éditeur lui rend les droits, lui laisse l'à-valoir, et le livre se retrouve meilleure vente pendant trois semaines sur Amazon en édition numérique. Il reparaît en version papier, augmentée de plusieurs chapitres, en juin aux Editions Le Retour aux Sources.

Retrouvez les écrits de Christian Combaz sur son site: http://christiancombaz.com

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Atlantico : La Gay Pride, qui a lieu aujourd'hui à Paris, suivra cette année un parcours inhabituel pour des raisons de sécurité. Les autorités ont effet dû tenir compte de la tuerie d'Orlando et des menaces qui pèsent actuellement sur la communauté homosexuelle. De quels éléments dispose-t-on aujourd'hui, en France, pour évaluer la réalité des menaces physiques qui pèsent sur les personnes homosexuelles, qu'elles participent ou non à la Marche des fiertés d'aujourd'hui ?

Christian CombazL'un des premiers indices concerne la fréquentation par Abdelslam de boîtes gays de Bruxelles, peu de temps avant l'attentat parisien. Voilà ce que j'écrivais dix jours après , le 1er décembre, dans le blog d'accompagnement de mon livreLes Ames douces

"L'idée qu'il ait pu faire du repérage en vue d'une action future n'a visiblement pas encore fait son chemin, sauf au ministère de l'Intérieur qui manque un peu d'agents sur le terrain. On préfère prétendre que ce garçon était ambigu, pas très affirmé dans ses "choix de vie", qu'il ne s'assumait pas, etc, enfin on emploie toute la rhétorique du refoulement, comme s'il s'agissait d'un cadre, mal dans sa peau sexuellement et non d'un sanguinaire  (ce qui n'est d'ailleurs pas incompatible). La fouille à l'entrée des lieux masculins (ou féminins) devrait redoubler de précision ces temps-ci dans les capitales européennes.  Quant à exhiber le drapeau arc-en-ciel, il n'est pas certain que ce sport collectif ne devienne de plus en plus risqué notamment en France, et qu'il ne perde en quelques mois la plupart de ses pratiquants. C'est à peu près ce qui est arrivé au Pacifisme allemand à partir de 1925, et d'ailleurs aux associations homosexuelles allemandes qui étaient nombreuses avant la guerre de 1914 et qui organisaient de grandes fêtes, très colorées elles aussi, dont il ne reste que des photos vert-de-gris".

L'autre indice, c'est l'insistance avec laquelle le département d'Etat américain, et Obama en personne, ont lié, pour des raisons de politique intérieure , la cause gay à la diplomatie américaine. Obama a sillonné le Tiers-Monde pour dire en gros que quiconque toucherait au mariage gay, au drapeau arc-en-ciel, etc, se rendrait coupable de sacrilège antilibéral. C'est tellement malin que même le pape a renoncé à montrer son indulgence officiellement lors du synode pour ne pas hérisser les nations pauvres, sujettes à la tentation de la raideur anti-chrétienne sur ce thème. Le pape a d'ailleurs dit explicitement que lier l'octroi de l'aide humanitaire à un changement de statut de l'homosexuel dans les pays bénéficiaires était une folie.

Le résultat, c'est que s'il s'agit de faire du mal à l'Occident, ses ennemis savent où se situent les points vitaux, les points sensibles. On les leur a désignés. C'est un peu comme si un lutteur disait à son adversaire "je résiste à tout, sauf si on me donne un coup de poing ici".Vu l'extraordinaire campagne de faveur obligatoire qui s'est développée au bénéfice du monde LGBT en Occident, c'est là que l'ennemi peut faire mal et il le sait. Merci encore à tous les activistes gogo qui ont désigné ce point vital et qui s'étonnent que l'ennemi le vise immédiatement.

Dans quels lieux précis (centre-ville, banlieue, village...) se produisent le plus souvent les agressions envers les homosexuels en France ? Quel est le profil sociologique de leurs agresseurs (jeunes ? âgés ? chômeurs ?...) ?

Je ne suis pas statisticien, et de toute façon les statistiques sur la question n'existent pas, mais j'observe que l'animosité de proximité, celle du comptoir, a littéralement flambé pendant l'épisode du mariage gay avec bouquet et queue de pie. Les villages, que je connais bien, pour avoir été notamment conseiller municipal, avaient digéré la visibilité accrue de l'homosexualité pour une raison simple : depuis 30 ans la plupart des communautés, y compris et surtout rurales, ont compris que l'oncle Marcel, le jeune Jérôme, ou le notaire , ou le général en retraite, ou l'organiste n'étaient pas célibataires pour rien. Mais quand on s'est mis à marier leurs semblables à la télévision, la moitié de l'opinion s'est raidie.

Les agressions sont toujours le fait d'une jeunesse "qui veut leur donner une leçon", qu'ils soient jeunes ou vieux. Et toujours en bandes comme pendant la montée du nazisme, parce que l'esprit de corps tient lieu d'esprit tout court.

Au-delà des seules campagnes de communication, quelles politiques pourrait-on mener pour lutter efficacement contre les menaces réelles qui pèsent sur les homosexuels en France ?

Il y a sept ans j'ai essayé d'attirer l'attention de l'Elysée, jusque dans les bureaux, sur une incitation au meurtre dirigée vers eux et chantée par le rappeur Maître Gims ("Je crois qu'il est grand temps que les pédés périssent, coupe-leur le pénis, laisse les morts sur le périph"). Catherine Pégard, conseillère Culture au cabinet présidentiel, n'a même pas répondu. Deux ans plus tard, en 2012, j'ai publié un livre chez Flammarion nommé Gens de Campagnol et dont voici un extrait :

"Aux adolescents des hameaux de campagne qui achetaient leurs disques, ces chanteurs expliquaient textuellement, calmement, qu’il était grand temps qu’ils aillent émasculer puis tuer le petit coiffeur et ses semblables, avant d’abandonner leurs cadavres au bord des routes – le tout au pays de Jean Cocteau, d’André Gide et de Charles Trenet."

Aucune réaction de la presse, des magazines. Aucune mention du livre évidemment . Les membres du groupe Sexion d'Assaut venaient d'Afrique de l'Ouest et se réclamaient de la Charia. Silence navré. Rien dans Marianne, rien dans Le Point, rien nulle part. Il a fallu l'épisode de Verdun pour qu'on tombe des nues. C'est comme si l'ensemble des intellectuels de gauche et de droite consentaient à laisser traiter Marcel Proust, Julien Green, Camille Saint-Saëns, les musiciens, mathématiciens, architectes, etc. dont l'homosexualité est littéralement cousue avec le génie, sans parler de tous les ingénieurs, professeurs et artisans plus obscurs qui sont à l'origine du génie européen, de chiens impurs à qui il faudrait faire la peau. Pire encore, Pierre Bergé, qui passe son temps à jouer les grands sourcilleux sur la question, continue à vendre ses produits dans les pays qui torturent les homosexuels au nom de la pureté. Hillary Clinton reçoit leurs fonds de campagne. Hollande décore leurs dirigeants.

La première contre-attaque consisterait donc à virer les complices de cette barbarie le plus vite possible.

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