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Tintin est revenu au Congo, il a découvert qu’on y violait des bébés
©Reuters

Hergé saison 2

Des choses abominables se passent là-bas. Personne n'en parle. Voilà pourquoi.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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La première fois que Tintin se rendit au Congo, il portait un casque colonial. C'était pas bien. Au cours du même voyage, il se fit véhiculer dans une chaise à porteurs par des nègres (c'est comme ça qu'on disait à l'époque…). C'était encore moins bien. Tintin mit du temps à faire son examen de conscience. Et il lui fallut de longues années pour admettre qu'avec son casque colonial et la chaise à porteurs, il avait offensé la dignité d'hommes dont la peau était plus foncée que la sienne.

Puis, après une franche explication avec le Conseil Représentatif des Associations Noires (CRAN), ou son équivalent belge, il décida de faire le voyage expiatoire qui s'imposait. Au Congo, appelé aujourd'hui République Démocratique du Congo (RDC), il rencontra le Dr. Mukwege. Ce dernier est gynécologue. Il occupe son temps à recoudre des hymens déchirés, à réparer des corps abîmés. Il a été pressenti pour le prix Nobel de la paix. Le Dr. Mukwege raconta à Tintin comment les vaillants combattants congolais faisaient la guerre. Des dizaines de milliers de femmes sauvagement violées et mutilées, des bébés aussi…

Tintin se rendit dans les hôpitaux. Il vit des centaines de femmes atteintes du Sida que leur avaient inoculé des guerriers locaux. Il entendit les pleurs des bébés mutilés. Il vomit. Et rentra en Belgique. Le rédacteur en chef de son journal, Le Petit Vingtième, écouta son récit. Puis, il l'interrompit car Tintin ne pouvait plus s'arrêter. "Les combattants dont tu parles sont certainement encadrés par des conseillers militaires belges ?". "Non", répondit Tintin. "Alors, par des forces spéciales françaises ?". "Non", répondit encore Tintin. "Mais les services de renseignements israéliens, très actifs dans la région, sont évidemment de la partie ?". "Non", persista Tintin.

"Dans ce cas, ton sujet ne vaut pas un clou. On laisse tomber", déclara d'un ton définitif le rédacteur en chef. Tintin, écœuré, appela les journaux français. Il fut poliment éconduit. Poliment ? Sauf à Libération, où on lui demanda assez brutalement si le Dr. Mukwege n'était pas en réalité payé par des organisations racistes anti-noires. Tintin appela alors, en désespoir de cause, Nicolas Sarkozy. Ce dernier ricana. "Mais mon pauvre Tintin, tu n'as pas vu ce qu'il m'est arrivé quand j'ai dit à Dakar que l'Afrique n'était pas encore rentrée dans l'Histoire ? J'ai été insulté, piétiné, lynché. Alors tu imagines bien qu'avec tes histoires de viols de bébés…".

Tintin étouffa un sanglot. A dire vrai, on s'en fout un peu des sanglots de Tintin. Mais pas des pleurs des bébés congolais. Pas des cris des femmes violées et re-violées par des barbares, pas des "sauvages", car ça pourrait être mal interprété… Pas de ces corps abîmés et saccagés pour toujours. Oui, Sarkozy avait tort. L'Afrique est bel et bien entrée dans l'Histoire ! De façon plutôt fracassante.

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