1975-2014 : comment les inégalités de la croissance américaine ont conduit le pays à faire moins bien que la France pour les 99%<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
1975-2014 : comment les inégalités de la croissance américaine ont conduit le pays à faire moins bien que la France pour les 99%
©Reuters

Champions du monde ?

Si la croissance des Etats-Unis a été supérieure à celle de la France entre 1975 et 2014, les revenus des 99% les moins riches ont davantage progressé en France qu'outre-Atlantique lors de cette période.

Michael  Förster

Michael Förster

Michael Förster est administrateur principal au sein de la division des politiques sociales de l’OCDE où il dirige l’unité "inégalités". Depuis 1986, il a travaillé dans différents départements de la direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales et, en particulier, a été impliqué dans les travaux de la direction sur la pauvreté et la distribution des revenus.

Il a coécrit les ouvrages "Croissance et Inégalités" (Growing Unequal?), publié en 2008 ; "Toujours plus d’inégalité" (Divided We Stand), publié en 2011 ; et "Tous Concernés – pourquoi moins d’inégalité profite à tous » (In It Together), publié en 2015.

Voir la bio »

Atlantico : Vous avez pu indiquer qu'entre 1975 et 2014, si la croissance américaine a été supériéure à celle de la France, la progression des revenus des 99% les moins riches de la population a été supérieure en France. Comment expliquer un tel paradoxe ?

Michael Förster : Ce paradoxe existe parce qu'on a l'habitude de réfléchir en termes de moyenne. Quand on compare les pays, quand on compare leurs performances, on parle très souvent de croissance, mais souvent de croissance par tête.

Ce que nous essayons de faire, c'est de parler de croissance en termes distributifs. Dans la présentation que j'ai faite à New York mercredi 8 juin et à laquelle vous faites référence, je parlais de croissance de revenus bruts (avant taxe). Nous avons exploité un peu plus les données de Piketty-Atkinson concernant une vingtaine de pays de l'OCDE. On a regardé quelle était la croissance moyenne de ces revenus bruts sur le long terme. Et là, effectivement, cela donnait 1% pour les Etats Unis et environ 0,75% pour la France. En moyenne, la performance était considérablement moindre en France. Mais, dans le même temps, on sait qu'une grande partie de cette croissance est allée aux plus aisés. Notamment dans les pays européens, où 10% de cette croissance est allée à ces 1%, quand aux Etats-Unis cette part était de 45%. 

Maintenant, si on regarde la croissance en éliminant les 1% les plus riches, cela s'inverse. On obtient 0,6% aux Etats Unis et un chiffre proche de 0,7% en France. Cela explique pourquoi beaucoup de personnes n'ont pas perçu l'augmentation de leurs revenus au regard de la moyenne nationale du PIB. 

Peut-on estimer que le surplus de croissance américaine est également la conséquence de cette distribution inégalitaire ? L'association "croissance forte" et "inégalités" est-elle une règle ?

Non. Mais l'inverse est aussi faux. Il s'agit d'un débat de longue durée. Vous faites référence au fait que selon certains économistes, les inégalités sont un moteur de la croissance. Cette approche est liée à l'idée d'incitation, c'est-à-dire au fait que les disparités incitent à travailler plus et à prendre plus de risques. A l'inverse, certains valorisent la notion d'opportunité qui renvoie à l'idée qu'en cas de très fortes disparités, on limite les opportunités d'investissement pour les classes moyennes et moins aisées et on freine la croissance. Selon nos estimations, on est plus proche de cette deuxième interprétation pour les pays de l'OCDE. Maintenant, ces données ne sont pas infaillibles, mais elles sont appuyées par celles du FMI.

Est-il réellement envisageable, possible, de viser une croissance forte dont la distribution serait plus égalitaire ? Par quels moyens ?

Oui c'est envisageable, c'est la première de mes recommandations politiques. Mais ce n'est pas tout. La réduction des inégalités ne règle pas tout. Il faut voir de quelle façon sont redistribuées les richesses. Par exemple, agir sur les opportunités peut s'avérer plus "payant" : investir dans l'éducation, dans la formation, dans l'aide à l'intégration du travail offre davantage de solutions et favorise davantage la croissance économique qu'une simple redistribution des prestations. 

Avant même la redistribution, quelles sont les méthodes permettant d'améliorer une distribution plus juste des revenus ? Est-il possible de mettre en place une croissance "naturellement" plus juste, avant même de se poser la question de la redistribution ? 

Vous faites référence il me semble à l'idée de prédistribution. Comme je viens de le mentionner, il y a quelque chose à faire au niveau politique pour renforcer les prestations en nature et en éducation. Mais la prédistribution fonctionne lorsqu'elle agit directement au travers d'une politique du marché du travail. 

Il faut simplement constater que cela ne peut être l'un ou l'autre. Des politiques de post-distribution sont nécessaires, car elles sont plus directes et agissent plus immédiatement sur la distribution.

En 2008-2009, sans un système de redistribution fort, les ménages auraient été confrontés à des problèmes beaucoup plus graves. Le système a été assez effectif. La redistribution est un positionnement de long terme mais il faut aussi envisager le court terme en agissant sur les politiques d'éducation ou du marché du travail. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !