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Mauvaise nouvelle pour les organisations islamiques : l’Arabie Saoudite veut devenir le premier investisseur au monde (mais en misant sur de vraies entreprises, pas sur les mouvements religieux)
©Reuters

Y’en aura pas pour tout le monde

La semaine a été marquée par l’arrivée de l’Arabie Saoudite dans Uber pour 3,5 milliards de dollars. C’est le premier investissement aussi important en Occident, qui marque un changement radical de stratégie. Par son ampleur et par le ciblage d’une entreprise symbolique de la modernité liée aux technologies.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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En investissant, à la surprise générale, plus de 3, 5 milliards d’euros dans Uber, le fonds d’état de l’Arabie Saoudite a lancé une mutation de son modèle économique, et amorce un changement radical de son rapport au reste du monde. Les mouvements islamistes radicaux pourraient en faire les frais. 

Jusqu'à maintenant, l’Arabie Saoudite vivait sur la position privilégiée de premier producteur de pétrole, possédant les plus grosses réserves de la planète et capable de fixer les prix de la marche mondiale. Ses ressources étaient considérables, mais elles étaient utilisées principalement en interne puisque la famille royale distribuait des rentes à tous ses sujets, lesquels étaient devenus des super-consommateurs de produits haut de gamme d’origine occidentale (de l'immobilier, de la mode, des bijoux ou des  voitures). Ils dépensaient cet argent en infrastructures locales, et en dépenses militaires puisqu’ils assuraient l’essentiel de la défense de la région du Golfe ... sans parler des financements parallèles aux différents mouvements islamistes, ce qui leur a été, beaucoup reproché. 

Ce modèle-là est en train d’éclater. Le véhicule financier qui gère l'argent de l'Arabie Saoudite est le fonds souverain. "Le Public Investment Fund" –c’est son nom- gère pour l’instant 100 milliards de dollars essentiellement engagés en interne. Les investissements externes ne dépassent pas 5%. 

L’objectif fixé par le prince Ben Salman qui a la haute main sur cette stratégie est de faire passer la taille de ce fonds de 100 milliards à 2000 milliards d’ici la fin de cette année, en diversifiant les investissements pour atteindre d'ici 2020, plus de 50% à l'étranger. L’investissement Uber n'est donc que le premier d'une longue série.

1er point, le diagnostic. Cette révolution a été projetée par la nouvelle génération de dirigeants formés pour la plupart dans les universités américaines et qui entoure le prince Ben Salman. Ils ne sont pas très nombreux parce que les enfants de la famille royale n’ont pas été élevés dans l'obsession du travail. Cette nouvelle génération a fait un diagnostic inquiétant sur l'avenir du pétrole, première richesse du pays, en estimant que d’ici 50 ans, le pétrole aura perdu son rôle de première énergie mondiale. D’abord parce que le pétrole d’Arabie Saoudite est fortement concurrencé par le gaz et les pétroles de schistes. D’où la baisse des prix, mais aussi parce que l’Occident aura trouvé les moyens de s’affranchir des énergies fossiles. 

Dans ces conditions, l'Arabie Saoudite doit se tourner vers d'autres richesses, sur le modèle du Qatar, d’Abu Dhabi ou de Dubaï qui ont tous créé des fonds d'investissement pour prendre des parts en Europe, en Amérique et dans les émergents. 

2e point, les moyens. Par rapports aux Emirats, les moyens mobilisables par l'Arabie saoudite sont démesurés. Si elle veut passer de 100 milliards à 2000 milliards de dollars, elle va, non seulement, préempter toutes ses ressources courantes internes (les recettes pétrolières) mais elle va aussi lever le maximum de capitaux, soit par des emprunts, soit par des augmentations de capital, soit par des introductions en bourse à commencer par la mise sur le marché international de l‘Aramco. D’une certaine façon, l 'Arabie saoudite a compris qu’elle pouvait récupérer une partie des liquidités mises en circulation par les banques centrales. 

3e point, et c’est sans doute l'évolution la plus intéressante, l’Arabie saoudite va prendre du recul par rapport à sa culture d‘une économie de rente pour investir dans des secteurs productifs, technologiques à fort potentiel. Uber dont la valorisation est de 70 milliards de dollars en est l’exemple. Mais, avec 2000 milliards de dollars, l’Arabie Saoudite aurait les moyens de s'acheter Apple, Google et Microsoft réunis. On rentre là dans le très très gros business international 

Les équipes de financiers sont en processus de recrutement, les chasseurs de têtes sont à l'affut dans toutes les capitales du monde. 

4e point, cette stratégie qui doit atteindre son plein régime en 2020 va évidemment changer aussi le fonctionnement interne. Les princes vont être obligés de travailler. Cette vie de consommateurs jouisseurs qu’ils menaient tous aux quatre coins du monde va sans doute se ralentir. Moins de voitures de luxe, moins de palaces, moins d'immobilier de luxe, plus d'investissements productifs et plus de bureaux. 

Mais ça n'est pas tout, en se tournant vers les investissements occidentaux (bien d’équipements, nouvelles technologies) l'Arabie Saoudite pourrait freiner ses dépenses militaires au profit de dépenses civiles. 

En fait, les grands perdants de cette mutation pourraient être les mouvements islamistes radicaux qui donnent aussi dans le terrorisme. Il y aura moins de pertes en ligne, moins de moyens collatéraux. L'Occident ne peut pas s’en plaindre. Mais l'équilibre géopolitique de la région peut s’en trouver changé. 

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