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Réunion de la BCE : pourquoi la France ne pourra pas se contenter de la petite musique de François Hollande sur le thème du "ça va mieux", c’est un boom qu’il lui faut
©Reuters

Et mon QE, c’est du poulet ?

Alors que l’OCDE dénonce la croissance molle en accusant les "décideurs publics", François Hollande continue de claironner que "ça va mieux" pour l’économie française. Dans le même temps, la BCE se réunira ce jeudi pour décider de la politique à mettre en œuvre pour soutenir la croissance au sein de la zone euro.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Ce 1er juin, l’OCDE publiait ses perspectives économiques en indiquant  "l’économie mondiale prise au piège de la croissance molle : les décideurs publics doivent agir pour tenir leurs promesses". En quoi ce constat est-il encore pertinent, notamment lorsque François Hollande plaide dans le sens du "ça va mieux" ?

Nicolas Goetzmann : Selon l’OCDE, la croissance de la zone euro va s’accélérer en 2016 à 1.6%, puis à 1.7% en 2017. Concernant la France, cette croissance est attendue à 1.4% en 2016, puis à 1.5% en 2017, et ce, après la publication par l’INSEE des chiffres concernant l’année 2015, soit 1.3%. Il s’agit donc effectivement d’une reprise "molle", et le "ça va mieux" de François Hollande ressemble presque à une provocation, qui est une sorte d’acceptation de la médiocrité économique du pays. Le fait central ici est d’observer, non pas la croissance réelle de 1.3% pour 2015, mais le taux de croissance nominal, qui tient compte de l’inflation, pour cette même année, et qui s’affiche lui à 1.9%. Parce que si un taux de croissance réel à 1.3% semble se rapprocher d’une croissance satisfaisante de 2%, le taux nominal reste inférieur de 50% à ce que devrait être la croissance nominale, c’est-à-dire au moins 4%. Parce que la croissance nominale correspond à "la demande". Or, nous sommes confrontés à une crise de la demande qui se caractérise par une faiblesse de la croissance ET de l’inflation. Lorsque l’on fait la somme des deux, la situation est catastrophique. Notre pays navigue à un niveau inférieur de moitié à ses capacités et le chef de l’Etat cherche à faire campagne sur le thème du "ça va mieux", ce qui est véritablement désespérant. La France a plus que jamais besoin d’un véritable "boom" économique, pas d’un "ça va mieux" de capitulation en rase campagne. 

Le conseil des gouverneurs de la BCE délivrera sa décision de politique monétaire en ce 2 juin, que peut encore faire l’institution pour soutenir l’activité économique ?

La question doit être scindée en deux. La première correspond à ce que peut faire la BCE en termes techniques, et en imaginant qu’elle ait toute latitude pour agir. Dans un tel cas, la BCE, en tant que banque centrale, dispose de tous les outils nécessaires pour remettre la croissance et l’inflation à des niveaux correspondants au potentiel économique de la zone euro, soit une croissance nominale de 4%. Puisque la BCE dispose de la capacité de créer autant de monnaie qu’elle le souhaite, il n’y a pas de limite à son action, dont seul compte le résultat, qui est la croissance nominale. Il faut bien se rendre compte qu’une Banque centrale contrôle la "demande" au doigt et à l’œil, toutes les critiques actuelles indiquant que les autorités monétaires sont arrivées au bout de leur action se voilent la face. Parce que  les actions des banques centrales, aussi innovantes soient elles, restent encore bien timides par rapport à ce qu’elles pourraient faire effectivement. Il suffit de constater le niveau d’inflation, qui s’est encore affiché à -0.1% dans la zone euro pour le mois de mai, il s’agit d’un signe parfaitement évident de la très grande timidité de l’action monétaire. 

La seconde est d’ordre politique. Parce que si la BCE dispose techniquement de tous les outils, elle n’a pas le mandat pour agir "hors cadre". Son cadre actuel correspond à un objectif d’inflation légèrement inférieur à 2% sur le moyen terme, c’est-à-dire à horizon de 2 ans. Or, les projections de la BCE "voient" l’inflation atteindre un niveau de 1.5% d’ici deux ans, ce qui est plutôt faible, mais presque acceptable pour le conseil des gouverneurs. Ici encore, on accepte une situation médiocre de long terme, et ce, sans se poser la question du nécessaire rattrapage de l’économie européenne par rapport à ce qui a été perdu. Il s’agit donc de donner les moyens, politiquement parlant, à la BCE, pour agir. Aussi bien pour retrouver une croissance décente que pour effacer les stigmates d’une crise qui dure depuis 8 ans. D’autant plus que si l’on reprend les projections de la BCE de 2014, celle-ci voyait l’inflation 2016 à un niveau de 1.4%, or, la réalité actuelle est de -0.1%. L’erreur de prévision est immense, et elle n’est pas sans conséquence sur les politiques à mettre en œuvre.

Dans le cas où la BCE parvenait à s’approcher de son objectif de 2% d’inflation, le continent européen en aurait-il réellement fini avec cette crise, et cette croissance molle ?

Le tout n’est pas de revenir tranquillement vers un rythme de 2% d’inflation, mais de se rendre compte que la BCE traite le problème de façon asymétrique. La BCE tolère bien plus facilement une faible inflation qu’une inflation supérieure à 2%. Ce qui signifie qu’elle accepte plus volontiers une croissance molle qu’une croissance "trop forte". 

L’inflation n’est rien d’autre que la conséquence de la croissance ; plus la demande est forte pour les biens et services, et plus la pression à la hausse sur les prix va s’exprimer. Ce qui signifie que toute cette période de faible inflation que nous avons pu connaître au cours des dernières années, et de faible croissance, doit être "comblée" si l’on souhaite effacer tous les dégâts qui ont été causés par la crise. Si l’on raisonne en termes de croissance nominale, ce sont près de 25 points qu’il faut rattraper depuis 2008. Si l’on raisonne en termes d’inflation, ce sont 11 points de perte sèche. Si la crise n’avait pas eu lieu et si le pays avait continué sur le même rythme que précédemment, les prix seraient 10% plus élevés qu’ils ne le sont aujourd’hui. Cela peut paraître effrayant, mais en réalité, cela serait le signe que le pays évoluerait dans une configuration proche du plein emploi, et que les hausses de salaires suivraient une même tendance, c’est-à-dire qu’une telle hausse des prix ne se traduirait pas par une perte de pouvoir d’achat, mais par une hausse. Nous avons tendance à nous méfier de l’inflation alors qu’il ne s’agit que de la conséquence de la croissance, il est impensable de pouvoir créer une économie de forte croissance sans inflation. En regardant ces chiffres, il faut prendre la mesure de l’ampleur de la crise que nous traversons, et agir en conséquence. Il s’agit de pousser l’arme monétaire aussi loin que possible pour obtenir un rattrapage économique décent, c’est-à-dire bien au-delà des objectifs actuels du gouvernement ou de la BCE. A moins de se contenter d’un chômage de masse, d’une fracturation de la société, et d’un discours de défaite. 

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