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Quand la Cour des comptes révèle comment François Hollande a transformé 300 millions d’euros d’économies en 15 milliards
©wikipédia

L’alchimiste

La Cour des comptes a remis son rapport sur la gestion du budget étatique de 2015 ce mercredi 25 mai 2016. Alors que Bercy se targuait encore récemment de 15 milliards d'euros d'économies budgétaires en 2015, la Cour des comptes épingle sévèrement le gouvernement.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Selon le rapport de la ​C​our des comptes publié ce mercredi 25 mai 2016 relatif à la gestion du budget de l'Etat en 2015, le déficit budgétaire aurait reculé de 15 milliards d'euros par rapport à 2014, mais seuls 0,3 milliards sont attribuables à des économies réelles. Comment l'explique-t-on ? Dans quelle mesure peut-on parler d'efforts en trompe-l’œil, le cas échéant ?

Philippe Crevel : La Cour des comptes insiste sur le fait que la rigueur revendiquée par le gouvernement n'est pas exactement au rendez-vous. Entre le chiffre affiché par celui-ci il y a quelques semaines (15 milliards) et celui calculé par la Cour des comptes (0,3 milliard), il y a un écart conséquent. Cela résulte premièrement du fait que la Cour des comptes sort de sa comptabilité les engagements qu'a la France en matière européenne. Or, en 2014 nous avons doté le mécanisme européen de stabilité financière (MESF), qui vient en aide aux Etats. Cela ne s'est pas produit en 2015. De facto, il y a donc eu moins de dépenses à cet égard... Cependant, il s'agissait là d'une dépense exceptionnelle en 2014, qui n'avait donc évidemment pas à être prise en compte à titre de base de comparaison. Un autre aspect primordial dans l'explication est celui des programmes d’investissements exceptionnels (eux aussi !) qui ont grévé 2014 plus que cela n'était prévu, comme ce fut le cas en 2010. Il s'agit de programmes qui durent dans le temps : les fameux emprunts pour l'investissement. Là encore, si on retranche les coûts exceptionnels, il est clair que le gouvernement a fait très peu d'efforts en 2015.

Pire que cela en vérité, puisque la Cour des comptes note que les dépenses du budget général sont supérieures de 400 000 millions d'euros, dès lors qu'elles sont comparées aux prévisions. De même, à l'inverse de ce qui a été dit, les embauches de fonctionnaires sont en nette hausse par rapport à ce qui avait été prévu. Ce qui signifie évidemment que les dépenses courantes ont fortement augmenté, quand bien même le gouvernement bénéficiait d'un contexte très favorable puisqu'il a gagné 2 milliards d'euros sur le service de la dette, relativement au paiement des intérêts. C'est pourquoi notre Cour des comptes juge que l'année 2015 n'est pas une année aussi saine budgétairement que certains le prétendent dans l'exécutif.

Rappelons que ces économies ne sont en aucun cas reconductibles. Il s'agit évidemment d'efforts en trompe-l’œil. Nous savons tous que les taux d'intérêts ont atteint un niveau historiquement bas, en-dessous duquel il sera difficile (si pas impossible) de descendre. Ces deux milliards gagnés en 2015 ne seront donc pas gagnés en 2016, cela va sans dire. D'autre part, il est important de souligner qu'une partie de ces économies ont été réalisées par les collectivités locales. Les concours aux collectivités locales ont très fortement diminuées en 2015. C'est prévu et cela continuera sur les années à venir mais cela traduit comment l'Etat les appelle au secours pour parvenir à un semblant d'équilibre. A charge, ensuite, pour les collectivités locales de réduire elles-même leurs dépenses ou d'augmenter les impôts.

François Hollande s'était engagé à réaliser 50 milliards d'économies d'ici à 2017. Concrètement, cette promesse est-elle encore tenable ? Où en est le gouvernement sur ce point précis ?

Le programme d'économie de 50 milliards d'euros a été décidé dans le cadre du pacte de responsabilité, qu'il est supposé financer. Il s'agit d'alléger les prélèvements obligatoires, notamment sur les entreprises et sur les particuliers. Pour l'heure, ce programme est appliqué depuis 2 ans. On a constaté, cependant, quelques reports de mesures sur les exonérations de charges sociales tout spécifiquement. Cela traduit clairement les difficultés que l'Etat peut rencontrer à économiser et à quel point il peine à trouver des gisements d'économies en la matière. En 2015, le gouvernement a bénéficié d'un peu plus de croissance. En 2016, celle-ci est attendue aux alentours de 1,3% du PIB, ce qui devrait naturellement aider le gouvernement à réaliser les économies pour lesquelles il s'est engagé. Ici également, il y aura fort probablement des économies réalisées en trompe-l’œil et non de véritables efforts, puisque la croissance devrait venir à la rescousse du gouvernement.

Néanmoins, demeure un petit accroc : le gouvernement multiplie les cadeaux fiscaux, les cadeaux électoraux et les dépenses. Et pour cause, les échéances électorales de 2017 arrivent à grand-pas... Tout cela a contraint Bercy à demander un nouveau plan de réduction des dépenses de 2 milliards d'euros. Cependant, on voit clairement que le navire de l'Etat prend l'eau de toute part... Rien ne dit que nous arriverons à bon port. Avec des artifices signalés (les taux d'intérêts historiquement bas, le transfert d'une partie des charges sociales sur les collectivités locales, un certain jeu de bonneteau entre l'Europe, les collectivités et l'Etat...) nous n'arrivons qu'à peu près à parvenir à l'alignement. Tout cela risque de se compliquer. Mais le gouvernement espère le retour de la croissance, qui finit (enfin !) par arriver, bien que modeste. Il lui sera possible de jouer dessus.

Comment expliquer une telle situation ? Quelles sont les causes réelles qui ont conduit le gouvernement à de tels résultats ? ​

L'abandon de la revue générale des finances publiques, mise en place par Nicolas Sarkozy, est probablement la première des raisons. Derrière celle-ci s'organisait un processus réel de rationalisation des dépenses publiques, qui a été abandonné en 2012. Cela constitue évidemment une très grosse incitation à reprendre le chemin des dépenses. L'embauche, en parallèle, d'un certain nombre de fonctionnaires (notamment à l'Education nationale), couplée à un "petit" laisser-aller sur les dépenses courantes qui, au fur et à mesure des années, entraîne de "légers" dérapages et l'abandon de la feuille de route décidée originellement. En outre, François Hollande n'a pas été en mesure de réformer réellement les structures publiques. Qu'il s'agisse du ministère de l'Education nationale, de Bercy... Tout ceci contribue à l'explication. Enfin, les dépenses militaires, liées aux interventions françaises et à la lutte contre le terrorisme, grèvent également les dépenses, sans avoir pour autant été prévues au préalable.

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