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Feuilleton Bettencourt : le quitte ou double de François-Marie Banier, l’ancien protégé de la milliardaire
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Un procès qui vaut cher

François-Marie Banier a-t-il abusé de la faiblesse de Liliane Bettencourt ? C’est l’un des enjeux du procès en appel qui s’ouvre ce mardi 10 mai devant la Cour de Bordeaux. En première instance, l’écrivain photographe avait été sévèrement condamné. Aujourd’hui, les choses ont changé avec la mise en examen de sa principale accusatrice, l’ex-comptable Claire Thibout, et celle, programmée, de Françoise Meyers-Bettencourt, la fille de la milliardaire. Plongée dans une affaire hors norme qui est peut-être loin de connaître son épilogue.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • A partir de ce mardi 10 mai s’ouvre le procès en appel de François-Marie Banier, l’ex-protégé de Liliane Bettencourt, l’actionnaire principale de l’Oréal

  • Ne seront pas présents pour cause de relaxe en première instance, l’ancien ministre du Budget, Eric Woerth, et l’ancien gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre, qui a trouvé un accord avec la famille Bettencourt

  • En revanche, devrait être présente sur les bancs de la partie civile, Françoise Meyers-Bettencourt qui, avec l’ex-comptable Claire Thibout, n’a cessé de dénoncer l’attitude de Banier, qui aurait profité de l’état de faiblesse de Liliane

  • Aujourd’hui, avec l’instruction ouverte à Paris pour faux témoignage et subornation de témoins, les choses ont évolué, puisque Claire Thibout a été mise en examen et que Françoise Meyers-Bettencourt devrait l’être après le procès

Coucou, le feuilleton de l’affaire Bettencourt est de retour ! Cette fois, devant la Cour d’appel de Bordeaux, qui rejuge, à partir de ce mardi 10 mai - jusqu’au 27 - les acteurs d’une histoire qui a révélé au grand jour l’atmosphère balzacienne de règlements de compte, empreinte de jalousie, régnant dans l’hôtel particulier de Liliane Bettencourt, situé à Neuilly-sur-Seine. L’actionnaire principale de l’Oréal, âgée aujourd’hui de 93 ans, a été victime d’abus de faiblesse de la part de certains de ses proches. C’est ce qu’a estimé, le 28 mai 2015, le tribunal correctionnel de Bordeaux, en condamnant à 3 ans de prison, dont six mois avec sursis, l’écrivain-photographe, François- Marie-Banier, longtemps chouchou de Liliane. Egalement épinglés, le gestionnaire de fortune Patrice de Maistre (30 mois dont 12 avec sursis), l’avocat Pascal Wilhelm (30 mois dont 12 avec sursis) et Carlos Vejarano (18 mois dont 9 avec sursis), chargé de gérer la fameuse île d’Arros aux Seychelles, propriété du couple Bettencourt. Tout ce petit monde - excepté Vejarano mort le 3 avril dernier au Mexique des suites d’une maladie dégénérative du cerveau - va se retrouver devant la Cour d’appel avec, à tout le moins, un espoir : celui de voir réduire sa peine… Ne seront pas présents également, ni Eric Woerth, l’ancien ministre du Budget, pour cause de relaxe en première instance, ni Patrice de Maistre qui a préféré de ne pas interjeter appel, puisqu’étant parvenu à passer un accord avec la famille Bettencourt

Du côté des parties civiles devraient être présents, les deux petits-fils de la vieille dame, son tuteur Olivier Pelat, fils de l’ami le plus intime de François Mitterrand et bien sûr, Françoise Meyers-Bettencourt, la fille de Liliane. Elle est à l’origine de cette histoire puisqu’elle déposera plainte contre ceux qu’elle soupçonnait de profiter de la vulnérabilité de sa mère. A savoir, François-Marie Banier et Patrice de Maistre notamment. Pourtant, cette affaire n’aurait jamais connu un tel retentissement si n’avaient été révélés par Le Point et Mediapart, en juillet 2010, les fameux enregistrements du majordome de Liliane, Pascal Bonnefoy. Enregistrements qui détaillaient, pendant un an - de mai 2009 à mai 2010 - la vie quotidienne dans l’hôtel particulier des Bettencourt. Y étaient dévoilées intrigues, méchancetés en tout genre et jalousies, notamment celle qui existait entre Banier et le personnel de Mme Bettencourt. Une authentique comédie de mœurs où apparaissait aussi Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Liliane qui parlait de Nicolas Sarkozy, d’Eric Woerth et du fameux bateau que la vieille dame avait promis de lui offrir... Un cocktail suffisant pour nous transporter dans une saga qui durera pratiquement tout l’été 2010 avant de se déporter sur le plan judiciaire avec la mise en cause de Nicolas Sarkozy, qui obtiendra finalement un non-lieu après avoir ferraillé durement avec le juge bordelais Jean-Michel Gentil.

Alors qu’à Bordeaux, le tribunal correctionnel avait validé les accusations de Claire Thibout qui mettaient à mal la défense de Banier et de Maistre, les audiences qui débutent ce 10 mai, devant la Cour d’appel, pourraient avoir une toute autre teneur. D’abord parce qu’à Paris se déroule parallèlement une instruction qui, visiblement, semble avoir fortement entamé la crédibilité du témoignage de l’ex-comptable et celles de cinq autres membres du personnel contre Banier et Maistre. Ensuite, parce que ces témoignages semblent, au stade de l’enquête du juge parisien Roger le Loire, avoir été inspirés par Françoise Meyers-Bettencourt qui devait être mise en examen pour subornation de témoins le 21 avril dernier. Cette mesure aurait fait mauvais effet à quelques jours du procès en appel de Bordeaux. Aussi, Me Jean Veil a-t-il obtenu le report de l’audition de Françoise Meyers-Bettencourt après le procès de Bordeaux.

Cette nouvelle mise en examen, après celle de Claire Thibout pour faux témoignage et attestations mensongères, le 27 novembre 2014, montre que l’instruction conduite à Paris prend le contrepied de celle du juge bordelais Jean-Michel Gentil. Surtout, elle a de quoi rasséréner l’ancien protégé de Liliane, François-Marie Banier. En effet, ce 27 novembre, entendue par le juge Le Loire, Claire Thibout avait connu de grands moments de solitude. Alors qu’elle avait toujours affirmé que Banier venait constamment, sans rendez-vous, chez la vieille dame, le garde du corps dira qu’il ne venait qu’une ou deux fois par semaine. Témoignage identique de la part du cuisinier. Pourtant, ce 27 novembre, l’ex-comptable n’en démordra pas : "Je conteste ces déclarations. Banier était là. On voyait  son casque quasi en permanence sur le petit guéridon à la porte d’entrée de Mme Bettencourt. Il venait en scooter". Sur la question des assurances-vie, Claire Thibout s’était montrée catégorique face au juge Gentil. En substance : si Banier en a été le bénéficiaire, c’est parce qu’il a abusé de Mme Bettencourt qui n’avait plus toute sa tête. Et était donc en état de faiblesse. Sauf que, lorsque Mme Bettencourt accorde cette libéralité à l’écrivain, c’est-à-dire en 2006, elle a toute sa tête. Et ne se trouve donc pas en état de faiblesse. Enfin, le soi-disant prêt par Liliane de deux appartements à son ex-comptable s’est avéré un mensonge. Et pour cause, cette dernière affirmera qu’il s’agissait d’un "projet de cadeau de Banier". Or, par un artifice auprès d’un notaire, Claire Thibout fera croire qu’il agissait d’une donation, fruit de la générosité de la vieille dame. Bref, en cette fin 2014, le témoignage de cette ex-femme de confiance commence à être vraiment sujet à caution… D’autant que très vite, on apprend que les membres du personnel qui avaient chargé l’ancien protégé de Mme Bettencourt auraient pu être inspirés par Françoise Meyers-Bettencourt. Pour couronner le tout, on apprend que le prêt de 300 000 euros gentiment accordé par Françoise à la dévouée Mme Thibout ne pourrait être qu’un habillage destiné à masquer une récompense pour services rendus… En l’espèce, un témoignage à charge contre Banier.

Evidemment, les avocats de Banier, Mes Laurent Merlet et Pierre Cornut-Gentille, dès le début de l’audience, ce mardi 10 mai, devraient faire valoir les nouveaux développements de ce feuilleton judiciaire hors norme. Et c’est vrai qu’il y a un paradoxe, voire une contradiction, à voir qu’à Bordeaux, un témoin capital est innocent et qu’à Paris pèsent, sur ce même témoin, des charges accréditant l’idée qu’il a commis une infraction. Cela, pour des faits quasi identiques. Voilà qui risque de mettre la Cour d’appel de Bordeaux dans l’embarras. Encore que les trois conseillers de la juridiction, qui ont forcément lu le jugement du tribunal correctionnel du 28 mai 2015, savent parfaitement que Banier, qui avait porté plainte le 20 septembre 2010 pour subornation de témoins contre Claire Thibout et des membres du personnel de Liliane Bettencourt, s’est volontairement désisté de la dite plainte le 27 janvier 2011. Ils n’ignorent pas aussi qu’une information judiciaire, ouverte à Bordeaux et visant la dévouée comptable, a été clôturée le 22 décembre 2011, par un non-lieu.

Mais les trois hauts magistrats savent également que le 11 juillet 2012, Banier a déposé une nouvelle plainte auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal de Paris. Cette fois, la plainte a fructifié puisque Claire Thibout ainsi que des membres du personnel de Mme Bettencourt ont été mis en examen. Alors, quid face à ce qui s’apparente à un imbroglio inédit ? Le 28 mai 2015, le tribunal correctionnel de Bordeaux avait, par avance, répondu : "[…] Il convient de rappeler à titre liminaire que le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile ou la mise examen ne constituent pas des actes de culpabilité, mais seulement des actes de procédure". Rappel impeccable. Mais si Banier est une nouvelle fois condamné à Bordeaux et que, si d’aventure, procès il y a à Paris, Claire Thibout et Françoise Meyers-Bettencourt sont condamnées pour faux témoignage et subornation de témoins, que se passera-t-il ? Nous n’en sommes pas encore là, tant des rebondissements imprévus pourraient avoir lieu…

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