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Paris-Habitat : révélations sur la tempête qui se profile à l’horizon
©Flickr/unicellular

Ça chauffe

L’atmosphère se tend à Paris-Habitat. Des vols ont été constatés, sans qu’une plainte pénale n’ait été déposée. Des salariés ont été placés sous surveillance électronique. Un ancien chef de projet a porté plainte pour harcèlement moral. Conséquence : la maire de Paris, Anne Hidalgo, envisage de débarquer le directeur général de Paris-Habitat.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Des vols de mobilier ont eu lieu à la direction de la logistique entre octobre 2015 et 2016. Aucune plainte n’a été déposée

  • Le comité d'entreprise de Paris-Habitat du 17 mars dernier s’est déroulé dans un climat tendu

  • Un ancien chef de projet qui a dénoncé des pratiques à ses yeux contestables a porté plainte pour harcèlement moral

Vols de mobilier, comité d’entreprise tendu, chantiers de logements en retard, salariés sous surveillance électronique, plainte pour harcèlement moral : décidément, ce n’est pas la vie en rose à Paris-Habitat, la structure gestionnaire de logements sociaux qui a succédé à l’OPAC qui connut son heure de célébrité sous Jacques Chirac et Jean Tiberi. Tant et si bien que ce dossier ultra-sensible est suivi de fort près par la maire de Paris, Anne Hidalgo. Cette dernière, inquiète des conséquences politiques et médiatiques de la gestion critiquée de Paris-Habitat, est en train de réfléchir au remplacement de son directeur général Stéphane Dambrine. Elle envisagerait de désigner comme successeur Hélène Schwoerer, l’actuelle directrice générale adjointe chargée de la programmation et de la stratégie, ancienne directrice de cabinet  de Jean-Yves Mano, ex-adjoint à la mairie de Paris, chargé du Logement. Il est vrai qu’il semble urgent de tirer un trait et d’oublier les différents incidents qui ont eu lieu ces derniers mois.

D’abord, il y eut les vols de mobilier entre octobre 2015 et janvier 2016. En clair, la Direction de la logistique passait des bons de commandes pour la livraison là de chaises, ici de tables et lors du paiement, on a découvert qu’un montant de 130 000 euros de mobilier n’étaient pas livrés, cela porte un nom : vol, ce qui est un délit… Eh bien la direction n’a pas jugé utile de porter plainte auprès du procureur de la République, mais de licencier deux cadres supérieurs pour insuffisance professionnelle. L’un des deux aurait même obtenu une lettre de recommandation afin qu’il trouve un nouveau job. Cette affaire a fait d’autant plus de bruit que, dans un passé récent, lors d’un inventaire effectué dans cette direction, des écrans télé ainsi que des ordinateurs avaient disparu. L’histoire du vol a suscité pas mal d’interrogations des délégués du personnel lors du comité d’entreprise de Paris-Habitat qui s’est déroulé le jeudi 17 mars.

Extraits du procès-verbal qu’Atlantico a lu :

Patricia Campin, secrétaire FO du comité d’entreprise à l’adresse de Stéphane Dambrine : Ce qu’il est important de dire est que vous n’avez pas relevé de faits délictueux de la part des salariés en question. Ils ont été licenciés et je pense qu’il existe une cause à ces licenciements. Quelle est-elle ? Ont-ils eu des indemnités de licenciements ? J’aimerais de la transparence totale sur ce qu'il s’est réellement passé. De plus, ce que je ne comprends pas est que nous avons tout de même des chefs  qui ont le devoir de contrôler si les choses se passent bien. Cette situation veut dire que les chefs font absolument confiance à leurs équipes et ne font pas de contrôle. Cela pose un problème et il faut être très clair sur cette affaire. […] En vérité, nous ne sommes pas certains que vous disiez toute la vérité sur cette affaire.

Pascal Gouraud, élu (CFE-CGC) : Il est vrai que cette affaire a suscité beaucoup d’interrogations dans l’établissement. Dans les services, nous sommes extrêmement bien contrôlés, pourquoi n’est-ce pas le cas au siège ? On pourrait dire que c’est open bar.

Stéphane Dambrine : Nous ne pouvons pas dire que c’est open bar.

Il n’y a pas des centaines de milliers d’euros qui ont été détournés tout de même ! Vous ne pouvez pas dire que ce n’est pas contrôlé puisque c’est une mission d’audit diligentée par Paris-Habitat qui a permis de relever toutes ses insuffisances. Sachez que je vous dis toute la vérité sur le sujet. Il y a effectivement eu des insuffisances et je vous ai exposé la nature de celles-ci.

Visiblement, un membre du comité d’entreprise n’est guère convaincu par les explications du directeur général de Paris-Habitat. Il s’agit de Luc Preyssac, représentant syndical de la CFTC. Voici ce qu’il déclare : "[…] J’aimerais entendre de votre part l’assurance à 100% qu’il n’y a aucun fait que l’on peut qualifier de pénal par rapport à tout ce qui a été constaté. Je regrette […] de le dire mais même s’il y a 1% de fait que l’on peut qualifier de pénal, il faudra informer le procureur de la République qui aura le devoir d’enquêter. S’il considère qu’il n’y a pas d’élément probant, il classera sans suite mais c’est tout de même la responsabilité et l’intérêt de Paris-Habitat d’engager des procédures comme celle-ci  s’il existe, ne serait- ce qu’un petit risque".

C’est peu dire que ce comité d’entreprise a été tendu. Il y aura encore quelques passes d’armes sur l’épineuse question de quelques salariés de Paris-Habitat placés sous surveillance électronique. Il est vrai que la direction de Paris-Habitat n’a guère apprécié que quelques journaux comme Le Canard Enchaîné ou Le Parisien diffusent quelques informations désagréables pour l’Office. Au cours de la discussion, Patricia Campin (FO) évoquera la question des boîtes mails personnelles auxquelles visiblement la direction peut avoir accès. Ce qui suscitera cette réponse directeur général de Paris-Habitat : "L’employeur n’a pas obligation de donner accès sur son lieu de travail aux boîtes personnelles des salariés"…

Après ces questions d’ambiance qui semblent plomber l’atmosphère régnant à Paris-Habitat, comment ne pas aborder le concret, autrement dit, les anomalies importantes qui sont apparues lors de la construction de l’ensemble Rebière - 149 logements - se trouvant dans le 17ème arrondissement de Paris ? En principe, cet ensemble construit par l’entreprise Léon Grosse devait être livré en octobre 2011. Or, pour la tranche A, il ne l’a été que fin 2012. Ce qui a entraîné des pénalités de retard, qui par parenthèses ne semblent pas avoir été réglées dans leur intégralité. Mais surtout, un certain nombre de malfaçons ou erreurs de construction ont été réglées par Paris-Habitat alors que l’office n’avait pas à le faire. C’est le cas notamment de la prise en charge par Paris-Habitat de convecteurs électriques, en raison de radiateurs défaillants. Parmi les autres bizarreries, les locataires, en entrant dans leurs logements, ont constaté que les balcons étaient rouillés. Que certaines portes d’entrée avaient été montées à l’envers. Que deux façades végétalisées, qui devaient être réalisées, ne l’avaient pas été. Un locataire s’est même aperçu qu’il possédait le même compteur d’eau que son voisin…

Un chef de projet de Paris-Habitat ne s’est pas privé de dénoncer au grand jour ces anomalies dans la construction de l’ensemble Rebière. C’est ainsi, par exemple, qu’il a refusé "d’endosser la responsabilité de la non-application des pénalités de retard" à l’égard du constructeur des 149 logements de l’ensemble Rebière. Aussi a-t-il décidé d’envoyer une lettre au procureur de la République pour l’alerter sur ces faits. Il en a informé la maire de Paris, Anne Hidalgo. Rien ne semble bouger. Ou plutôt si. Cet empêcheur de tourner en rond, dès l’instant où il a commencé à s’interroger sur ce qu'il se passait à l’ensemble immobilier Rebière, a été placardisé. Humilié par sa supérieure hiérarchique. Laquelle lui faisait refaire jusqu’à sept fois ses notes. Quand on ne lui disait pas "vous ne savez pas travailler" ou "on ne sait pas ce que vous faites". Tant est si bien qu’il se trouve aujourd’hui en congé maladie et qu’il a saisi les prud’hommes. Pour l’heure, il dispose d’une lettre de 4 pages de l’Inspection du Travail (secteur Sud) où l’on peut lire, entre autres : "[…] De notre point de vue, les conditions non cumulatives du harcèlement moral sont réunies : des faits répétés, sur plusieurs mois, et comportements divers de reproches professionnels qui démontrent qu’il y a une volonté de discréditer, tout en notant au jour le jour ces faits, par une surveillance continue et humiliante".

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