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Pourquoi la Corse sera un enjeu de l’élection présidentielle
©Reuters

L'île au trésor

Alors qu'il reste moins d'un an avant l'élection présidentielle de 2017, la campagne électorale qui s'annonce dans les prochains mois ne pourra faire l'économie d'un débat politique, juridique et sociétal sur la Corse.

Vincent de Bernardi

Vincent de Bernardi

Vincent de Bernardi est directeur de la communication et des relations institutionnelles de CCI France. Il a été auparavant directeur du service d'information du Gouvernement (SIG), directeur général du Syndicat de la Presse Quotidienne Régionale (SPQR) et conseiller dans différents cabinets ministériels. 

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La Corse a toujours été un sujet difficile à manier, pour ne pas dire explosif, pour les candidats à l’élection présidentielle. L’île fascine autant qu’elle rebute du fait d’une actualité souvent compliquée à décrypter. Mais la spécificité insulaire comme les mythes qu’elle véhicule en font un enjeu de débat obligeant les candidats à la magistrature suprême à prendre position sur l’identité, sur l’exercice de l’Etat de droit, sur l’unité de la République, sur l’égalité ou encore la laïcité… Ces sujets dépassent très largement la seule question corse. Ils touchent au cœur de ce qui fonde la rencontre entre un homme ou une femme et le pays.

Aujourd’hui, tout se passe comme si personne ne voulait véritablement s’emparer du sujet, par peur de faire un faux pas, de déraper, de tomber dans le cliché. Quelques-uns se sont fourvoyés dans l’excès de l’indignation après la victoire des nationalistes et des autonomistes en décembre dernier. Comment des élus de la République peuvent-ils s’exprimer dans une Assemblée fut-elle territoriale, dans une autre langue que le Français ? Les mêmes étaient au rendez-vous pour dénoncer les dérives racistes dans les Jardins de l’Empereur à Ajaccio à la veille de Noël. Peu se sont aventurés à juger les déclarations du Président de l’Assemblée de Corse ou du Président de l’exécutif dans les médias, qualifiant la France de "pays ami" ou "d’Etat de rattachement".

Entre le silence et la prudence, ils ont fait le choix le moins risqué, celui de la prudence, par ignorance. Mais cette stratégie ne pourra pas durer. Car parler de la Corse, c’est parler de la France.

Jusqu’à quand pourra-t-on nier l’identité insulaire, la dissoudre dans un discours intransigeant sur une République qui ne souffre guère ni spécificité, ni particularisme ? Une France forte de sa diversité construira son avenir par une prise en compte plus assumée, plus affirmée des différences. La modernité est là et elle pourrait appeler à la reconnaissance d’une citoyenneté culturelle comme le préconisait il n’y a pas si longtemps le rapport Aïello. Cette citoyenneté s’exprime d’ailleurs déjà très largement dans l’univers numérique, sur les médias sociaux. La question de l’identité n’est pas principalement liée à un territoire. Elle touche à notre volonté de construire un destin commun, à nous rassembler autour d’une vision, d’une ambition et même d’une fierté partagée. Cela vaut pour la Corse comme pour bien d’autres territoires de la République, en métropole et dans les outre-mers.

S’il est un autre sujet épineux, qui place les candidats dans une posture délicate, c’est celui de l’Etat de droit. La Corse est régulièrement montrée du doigt comme étant une zone de non-droit, dans laquelle l’autorité de l’Etat est perpétuellement bafouée. Ceux qui nient l’identité corse n’hésitent pourtant pas à dire que la violence est enracinée dans la culture corse. Vieille stigmatisation qui consiste à décrire une Corse décidément ingérable. Rien d’étonnant dès lors que les Corses se sentent de moins en moins Français quand on les distingue de la sorte. Au-delà de cette caricature, on touche ici à la capacité de l’Etat à assurer l’ordre, à garantir le fonctionnement d’une justice indépendante, à faire respecter ses décisions. Et ce n’est pas en déclarant sans cesse que la Corse est le département le plus criminogène de France que l’on traitera le sujet, ni en dénonçant une quelconque dérive mafieuse. Si tant est que cela soit le cas, ce n’est pas une fatalité. C’est avant tout une question de responsabilité et de volonté politique, voire de courage.

Plus profondément, l’Etat sera respecté en Corse s’il tient sa parole et sa promesse d’impartialité et d’égalité de traitement. La question du regroupement des prisonniers en est une illustration. En 2003, alors ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy s'était engagé à procéder au rapprochement de tous les condamnés corses incarcérés sur le continent sans restriction par rapport à la longueur de la peine. Il a fait bouger les lignes. En 2015, alors Garde des Sceaux, Christiane Taubira avait déclaré vouloir faire personnellement avancer le dossier. Entre ces deux dates, la question reste assez largement posée sans jamais être véritablement réglée. Elle ne pourra pas être éludée après le scrutin présidentiel.

Enfin, il leur faudra aussi traiter d’un sujet qui déchaîne les passions, qui divise alors qu’il devrait pourtant rassembler. Il s’agit de notre héritage et de nos racines chrétiennes. On se souvient du débat enflammé lors du référendum sur le Traité constitutionnel européen.

Ces racines sont visibles partout dans l’île depuis des siècles. Les célébrations de la Madunuccia à Ajaccio et de Saint-Joseph à Bastia, pour ne prendre que ces deux exemples, rappellent l’attachement des Corses à la tradition, à l’histoire, à une culture profondément chrétienne et pour autant parfaitement compatible avec la laïcité. A condition que l’on n’en détourne pas le sens pour en faire un combat contre d’autres religions. Ce sujet-là sera au cœur des enjeux dans quelques mois, pour la Corse en général et pour la France en particulier. Seuls ceux qui dans la classe politique en ont la pleine conscience et auront su comprendre ces enjeux, seront à même d’appréhender "la question corse" dans un climat apaisé et tourné vers l’avenir.

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