Com' Oui-Oui : Hé oh la gauche ou... ohé, ohé capitaine abandonné ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Com' Oui-Oui : Hé oh la gauche ou... ohé, ohé capitaine abandonné ?
©Wikimédia

Au bal, au bal masqué...

A un an de la présidentielle, les soutiens de François Hollande ont lancé "Hé oh la gauche". Ce mouvement incarne l'apogée d'une communication étatique syntaxiquement pauvre, grotesque et passant à côté de ses cibles.

Christian Combaz

Christian Combaz

Christian Combaz, romancier, longtemps éditorialiste au Figaro, présente un billet vidéo quotidien sur TVLibertés sous le titre "La France de Campagnol" en écho à la publication en 2012 de Gens de campagnol (Flammarion)Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages dont Eloge de l'âge (4 éditions). En avril 2017 au moment de signer le service de presse de son dernier livre "Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos", son éditeur lui rend les droits, lui laisse l'à-valoir, et le livre se retrouve meilleure vente pendant trois semaines sur Amazon en édition numérique. Il reparaît en version papier, augmentée de plusieurs chapitres, en juin aux Editions Le Retour aux Sources.

Retrouvez les écrits de Christian Combaz sur son site: http://christiancombaz.com

Voir la bio »

On nous a assez répété que notre Premier ministre est issu du monde de la communication, mais on commente assez peu le genre de propagande que nous inflige le parti au pouvoir et qui entretient un rapport extrêmement fatigant avec la niaiserie pédagogique. Je vous résume la raison de ce phénomène comme si je venais de l'entendre au café : "ils sont tous plus ou moins professeurs là-dedans". Ils lancent des campagnes gnangnan pour plaire à la fois aux enfants et aux inspecteurs d'académie, ils sont dans l'animation et non dans l'information, dans le signal et non dans la signification. Les relais provinciaux issus du radical-socialisme, les anciens débatteurs post-soixante-huitards, les libertaires, les sectaires, les trotskystes jospiniens, les raisonneurs en jeans viennent pour la plupart du monde de l'enseignement. C'est à eux que nous devons d'avoir dû remplacer autour de 1980 les hommes et les femmes par des mecs et des nanas, les livres par des bouquins, les bambins par des boudchous, les oeuvres d'art par un "travail sur", les initiatives généreuse par des projets citoyens, etc. La liste est ouverte et s'allonge sans cesse.

Dans ce contexte, toute action psychologique destinée à convaincre les foules emprunte naturellement le même canal boueux, celui de la com' jeune à la Jack Lang, certes un ton plus haut, de manière plus professionnelle, mais avec le même esprit niais-ado-boudeur, le recours à la fausse simplicité (une simplicité payée 10 000 euros par mois), et aux artifices les plus grotesques dans l'expression. Sous Jospin on abandonne le côté "elle est chouette cette nana" pour employer les grands moyens, ceux de l'Etat afin d'éditer une brochure de la Sécurité Sociale à 10 millions d'exemplaires qui comporte une faute grossière et qui dit "La sécu c'est bien, en abuser ça craint".

Non, la faute n'est pas là. Elle est dans le paragraphe suivant où figurait la phrase "La Sécu est un système que beaucoup nous envie (sic)". 

Nous avions là un premier symptôme de l'effondrement général. Sous prétexte de faire et de dire les choses simplement, de se démarquer de la France solennelle de Giscard et de Pompidou, les Socialistes auront inventé l'analphabétisme officiel et la démocratie Casimir. Le règne de François Hollande marque l'apogée de ce système immature avant la chute. Rappelons, comme je l'ai fait ici, que ce quinquennat grotesque a commencé par une campagne vidéo où une poignée de décervelés agitait les deux mains en sens inverse en disant "le changement c'est maintenant". Ensuite le style des discours présidentiels a atteint un tel niveau de nullité syntaxique et sémantique que je me flatte d'avoir, en plusieurs occasions, à une époque où les journalistes étaient moins unanimes dans la critique, été celui qui a gravé au burin les records de sottise sur une échelle graduée. Un jour on retrouvera le témoignage de ces moments inoubliables où notre président, rendant hommage à Mandela, saluait en lui un combattant infatigable de l'Apartheid, un jour on exhumera les oraisons funèbres offensantes de platitude après les crashs d'avion, le convoyage au Panthéon d'un type qui "conchiait la France" explicitement, le communiqué aux 14 fautes d'orthographe visé par quatre personnes différentes à l'Elysée. Mais surtout on se souviendra du niveau CE2 que la présidence a infligé à la communication étatique toute entière (qu'on se rappelle l'affligeante brochure de Noël dans le genre Oui-Oui au pays du chômage), et dont le Hé oh la Gauche, qui vient de sortir, est le point d'orgue. Cette formulation à peine digne d'une publicité pour des biscuits apéritif et qui s'adresse à l'opinion avant qu'elle ne bascule a raté son coup. On entend basculer la France de gauche depuis plusieurs semaines dans l'effarement d'en être arrivée là. Ce Hé oh relève de la variété, ni plus ni moins, c'est le contraire d'un appel à la conscience, d'un appel au ressaisissement, le contraire des solennités gaulliennes, et du même coup il contribue à légitimer leur retour. Je ne serais pas étonné par exemple qu'on en fasse bientôt des tonnes autour de l'anneau de Jeanne d'Arc. Entre Hé oh et Haut les coeurs, il y a un abîme, celui de l'histoire de France. 

C'est maintenant qu'on le mesure. C'est maintenant qu'elle repart.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !