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"Taxe Tobin" : quand la morale 
se heurte à la réalité du marché
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Tobin or not Tobin ?

Nicolas Sarkozy s'est dit favorable à l'instauration d'une taxation sur les transactions financières... avec ou sans l'accord de ses partenaires européens. Ce lundi, la "taxe Tobin" devrait donc être l'un des thèmes majeurs de la rencontre entre le Président français et la chancelière allemande Angela Merkel.

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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L’année 2012 commence comme avait fini 2011 : dans un nouveau bras de fer entre la France et l’Allemagne. Sujet de ce nouveau différend : la taxe sur les transactions financières, dernier avatar en date de la taxe Tobin. La référence au grand économiste américain a été abandonnée depuis qu’en 2001, indigné par ce qu’on lui faisait dire, il avait demandé que l’on cesse d’utiliser son nom. Pour justifier cette demande, il avait déclaré : « Je suis économiste et comme la plupart des économistes, je suis favorable au libre-échange. » C’était en 2001 et depuis les tentations protectionnistes ne cessent de ressurgir.

Et de fait, la taxe envisagée par la France est par essence protectionniste puisqu’il s’agit de limiter, comme toujours dans le protectionnisme, une capacité de déplacement. Ici, il s’agit de limiter celle des capitaux financiers. Historiquement, les économistes ont commencé à s’affirmer au XVIIIe siècle en clamant que le premier principe à respecter est « laissez faire, laissez passer ». Et pourtant, le mot d’ordre actuel en finance serait d’aller à rebours en affirmant la nécessité de réguler de plus en plus -ne pas laisser faire- et de punir le déplacement -ne plus laisser passer.

Il est dès lors facile à ceux qui critiquent cette taxe de souligner que son résultat le plus normal sera celui de toute mesure protectionniste, c'est-à-dire de susciter chez ceux que l’on contraint la volonté de retrouver leur liberté. En pratique, les banques et les assurances iraient s’installer dans des pays qui n’appliqueraient pas la taxe. Et c’est ainsi qu’investis dans une lutte tous azimuts contre les délocalisations, nos dirigeants rêvent d’un impôt garantissant la délocalisation bancaire et les suppressions d’emplois afférentes… !

Certes pour éviter cet inconvénient, il y a une solution : faire en sorte qu’il n’y ait pas de lieu où l’on puisse échapper à la taxe. D’ailleurs les opposants se montrent en général ouverts à cette idée confirmant que ce serait parfait si on l’appliquait au niveau mondial. Mais comme la Chine, les États-Unis et le Royaume-Uni sont contre, ce genre de position n’a guère de sens. Supposons néanmoins que cela soit possible.

Cela serait bien la première fois que le pouvoir fiscal serait mondialisé, les fiscalités actuelles, même quand elles portent clairement atteinte à la compétitivité d’une activé économique donnée, sont en effet déterminées pour l’essentiel au niveau national. Mais le fait de percevoir cette taxe sur tous les territoires de la planète n’en changerait pas la réalité qui, comme toutes les taxes sur une activité productive, en accroîtrait les coûts.

Dans la version envisagée par la Commission de Bruxelles -une taxe de 0,1% sur les mouvements d’actions et d’obligations et de 0,01% sur les mouvements de court terme- la taxe rapporterait 55 milliards d'euros, somme que les banques refactureraient à leurs clients. A l’heure où l’on clame que les dits clients subissent un terrible credit-crunch qui pénalise la croissance, faut-il en rajouter ?

A Berlin comme à Rome, on a conscience de cela et on en appelle à la prudence et à la responsabilité. A Paris aussi, on sait qu’il serait dangereux de confondre vitesse et précipitation sur une affaire aussi fragile. Mais Henri Guaino, le conseiller de Nicolas Sarkozy, a eu un argument n’appelant pas de réplique : c’est une affaire de morale … !

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