Conseil européen sur la compétivité : cette étrange obsession pour une doctrine qui n’a pas évité à sa championne, la Finlande, d’avoir une croissance pire que la France<!-- --> | Atlantico.fr
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La Finlande campe au sommet de la hiérarchie européenne de la compétitivité.
La Finlande campe au sommet de la hiérarchie européenne de la compétitivité.
©Reuters

Contradictions

Les ministres européens de l’Economie se réunissent ce lundi à Bruxelles afin d’évoquer, au sein du " Conseil compétitivité " de nouvelles mesures permettant de soutenir l’économie européenne. Une logique contestable, alors que la Finlande, championne européenne de la compétitivité, accumule les contre-performances économiques.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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En ce 29 février 2016, l’ensemble des ministres européens de l’Economie, Emmanuel Macron pour la France,  se réuniront à Bruxelles afin de participer au " Conseil compétitivité ", ceci dans l’objectif  " d’approfondir le marché intérieur européen".  En tant que doctrine, la notion de compétitivité est devenue centrale dans la poursuite de la stratégie économique européenne d’austérité, avec, pourtant, quelques curiosités.  

Ainsi, et en dehors de l’Allemagne, un pays s’est particulièrement fait remarquer pour son rigorisme et son amour immodéré des politiques d’austérité; la Finlande. Lors du débat relatif à la Grèce, le pays, représenté alors par l’ancien Premier ministre Alexander Stubb, s’était largement opposé à tout plan de sauvetage en faveur du pays gouverné par Alexis Tsipras. Une position largement soutenue par la population finlandaise, qui, selon un sondage Yougov, ne se prononçait qu’à hauteur de 14% en faveur d’une renégociation de la dette grecque. Un record en Europe. Pourtant, derrière cette intransigeance sans doute basée sur l’expérience, la réalité actuelle de l’économie finlandaise se révèle paradoxe.

En effet, selon le classement 2014 réalisé par le forum économique mondial, la Finlande détient la médaille d’or de la compétitivité européenne, devant l’Allemagne. De son côté, la France ne se classe qu’au 23e rang.  Mais malgré cette position honorifique, la Finlande n’est pas parvenue à redresser la barre de son économie depuis son entrée en crise :

Croissance réelle. Finlande. Données Banque Mondiale.

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Ainsi, le PIB du pays, au 2e trimestre 2015, est toujours inférieur à son niveau de 2008. Et l’écart négatif dépasse même les 6.5%, alors que la France, pourtant réputée "non compétitive" a dépassé ce niveau  de plus de 2% (Soit un écart de 8 points de croissance en faveur de la France depuis 2008).

Pour aller plus loin, et si l’on ne veut regarder que l’aspect "coût du travail" de la compétitivité, le résultat est le même, la Finlande est mieux classée que la France, et même que l’Allemagne, sur ce plan :

Indice du coût du travail. 2012. Eurostat.

Concernant les données 2014, le coût du travail français est toujours supérieur de 7% à celui de la Finlande (35.20 euros pour la France contre 32.90 euros pour la Finlande). Ainsi, malgré la position favorable de la Finlande sur les critères de compétitivité, ces derniers n’ont manifestement pas suffi au pays pour retrouver un niveau de croissance économique satisfaisant.

Mais d’autres critères peuvent être mis en cause. Notamment ceux sur lesquels la France peut être perçue comme négligente.  C’est-à-dire les critères généralement admis dans le discours politique, comme reflétant la bonne santé économique d’un pays ; les déficits publics et la dette. Mais ici encore, le constat est similaire. La dette finlandaise ne représentait  "que" 59.4% du PIB en 2014, soit un niveau en adéquation avec les critères de Maastricht. De la même façon, la Finlande a pu se montrer exemplaire sur son maintien des déficits publics depuis l’entrée en crise. Le seul "dérapage" n’ayant eu lieu en 2014 :

Déficits publics. Finlande. En % de PIB

Ainsi, la Finlande s’est montrée parfaitement rigoureuse sur tous les plans, elle est un modèle de compétitivité, possède un cout du travail inférieur à celui de la France, et arrive quand même à afficher des résultats désastreux en termes de croissance. Le taux de chômage du pays est à ce jour de 9.5%.

La question qui se pose alors est celle de la validité de l’approche "compétitivité" au sein de la zone euro. Une approche que, le 14 janvier 2014, François Hollande s’est empressé d’embrasser. Soit le moment où le Président opérait son fameux virage de l’ "offre". Afin de traiter efficacement les effets  de la crise ; le manque de croissance, le chômage, les déficits et l’endettement, le chef de l’Etat donnait l’impulsion pour la mise en place d’une nouvelle réforme : "le pacte de responsabilité" dont l’essentiel reposait sur le Crédit impôt compétitivité emploi. (CICE)

"Pourquoi ce pacte ? Parce que le temps est venu de régler le principal problème de la France : sa production. Oui, je dis bien sa production. Il nous faut produire plus, il nous faut produire mieux. C’est donc sur l’offre qu’il faut agir. Sur l’offre ! Ce n’est pas contradictoire avec la demande. L’offre crée même la demande."

Malheureusement, et aussi séduisant soit-il, ce diagnostic de "compétitivité", a du plomb dans l’aile. Les résultats tardent à venir en France et le modèle finlandais fait peine à voir. A l’inverse, les résultats obtenus par la refonte, en janvier dernier, de la politique monétaire européenne, sous l’impulsion de Mario Draghi, viennent accréditer  la validité d’un diagnostic de la demande. Ce qui correspond d’ailleurs à la politique menée par les Etats Unis depuis 2009, et qui a permis au pays de réduire son taux de chômage à un niveau de 5%, ce qui correspond au seuil du plein emploi.

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