Non, on ne vient pas de détecter les ondes gravitationnelles théorisées par Einstein, mais on va désormais pouvoir décrypter l’univers à travers elles<!-- --> | Atlantico.fr
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Albert Einstei
Albert Einstei
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Les laboratoires LIGO-Virgo ont annoncé jeudi 11 février la réussite de leur expérience pour percevoir les ondes gravitationnelles, comme l'avait prévu Albert Einstein cent ans auparavant. Cette découverte n'est donc pas celle des ondes mais bien celle d'un outil permettant de les "lire" et donc "lire" dans l'espace.

Aurélien Barrau

Aurélien Barrau

Aurélien Barrau est professeur à l’Université Joseph Fourier, membre de l’Institut Universitaire de France et chercheur au Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie du CNRS.

Il a publié en mars 2013 Big Bang et au-delà - Balade en cosmologie (Ed. Dunod) qui explique, dans un langage clair et accessible, les dernières découvertes en cosmologie, et des Univers multiples paru chez Dunod en 2014.

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Atlantico : En 1915, Albert Einstein théorisait l'existence d'ondes gravitationnelles dans sa théorie de la relativité générale. Des scientifiques américains viennent aujourd'hui de la confirmer. Tout d'abord, que sont ces ondes gravitationnelles ?

Aurélien Barrau : Les ondes gravitationnelles sont de petites déformations de la géométrie qui se propagent à la vitesse de la lumière. Elle sont un peu analogues aux onde électromagnétiques dont nous sommes coutumiers (celles que nous utilisons par exemple avec nos téléphones portables) mais la différence majeure est qu’ici il ne s’agit pas d’ondes se déplaçant dans l’espace mais d’ondes d’espace ! C’est l’espace lui-même qui vibre. Comme l’espace est un milieu très "rigide", elles sont d’une amplitude infime et c’est pourquoi il est très difficile de les observer. Pour en produire de manière significative, il faut des phénomènes astrophysique extrêmes et catastrophiques comme deux trous noirs tournant l’un autour de l’autre. Ce sont d’ailleurs les stades ultimes de cette spirale affolante qui nous sont ainsi accessibles.

"Une découverte majeure à mettre au même niveau que Copernic et Galilée", "un des derniers Graal de la physique", "l'avancée scientifique du siècle"... les médias et réseaux sociaux sont en ébullition : qu'en est-il réellement ? 

Voila des analyses qui me semble déraisonnables pour plusieurs raisons. D’abord, les ondes gravitationnelles ont en fait déjà été détectées depuis bien longtemps ! Cela fait plusieurs décennies que nous avons des indications fiables de leur existence grace à d’autres types de mesures faisant intervenir des systèmes binaires de pulsars. Un prix Nobel a d’ailleurs récompensé ces vieilles observations il y a plus de 20 ans ! Ensuite, c’est une prédiction certes importante mais pas spécifiquement centrale de la relativité générale. En effet, la théorie d’Einstein prédit beaucoup d’autres phénomènes particuliers qui ont, eux aussi, déjà été observés avec une grande précision. Enfin, il ne sera certainement pas possible d’utiliser les mesure récentes pour tester de nouvelles théories gravitationnelles. Du point de vue de la physique fondamentale, je dirais donc que ça ne change pas grand chose. Il ne faut pas annoncer une grande révolution à chaque beau résultat de physique car alors plus personne ne nous croira quand une véritable révolution se produira ! Parler de "dernier Graal", comme si la science s’achevait - ou presque - après cela, est plus erroné encore.

Le LIGO (Laser Interferometer Gravitational-wave Observatory), nom de l'outil extrêmement performant et ingénieux qui a permis cette expérience ouvre un nouvel horizon pour l'astrophysique et la découverte de l'infiniment grand. Quelles perspectives s'offrent aux scientifiques aujourd'hui ? 

En effet, cette mesure est pourtant extrêmement enthousiasmante parce qu’elle ouvre une nouvelle fenêtre sur l’Univers. Non pas au sens où nous aurions enfin vu l’existence des ondes gravitationnelles (cela, nous le savions déjà) mais au sens où nous allons pouvoir les utiliser pour observer le cosmos. À chaque fois qu’il a été possible de "voir" l’Univers autrement, des découvertes remarquables ont été possibles. Nous allons donc maintenant disposer d’un nouveau "médiateur" du cosmos, d’une nouvelle sonde pour mieux le cerner. De plus, ces ondes vont nous permettre d’observer, en quelque sorte, directement la géométrie du monde et cela est sans précédent ! C’est, en ce sens, une avancée remarquable et très excitante. Je pense que l’astrophysique peut être considérablement enrichie, voire profondément renouvelée, par ce nouveau type d’observatoires. Que, dès cette première mesure, des effets de rotation du trou noir résultant ait été notés est magnifique.

Je note enfin qu’au niveau technologique, ces instruments sont des merveilles dont la complexité et le raffinement dépassent l’imagination. Ils méritent aussi toute notre admiration pour cela.

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