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La droite face à la déchéance de la nationalité : dans les coulisses d’une bataille clé pour la primaire
©Reuters

Guerre des chefs

En s'invitant, mardi matin, à la réunion du groupe LR à l'Assemblée, Nicolas Sarkozy a entamé un bras de fer avec François Fillon. L'ancien Chef de l'Etat défend la réforme constitutionnelle alors que son ex premier ministre, qui appelle à voter contre, séduit de plus en plus de députés.Ils seront finalement, en fin de soirée, 32 députés à voter pour l'article 2 sur la déchéance de nationalité et 30 contre.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Un seul vote pour, 6 contre et trois abstentions… Dix députés LR seulement, sur 196, ont pris la peine, lundi soir, de rester pour s'exprimer sur la constitutionnalisation de l'Etat d'urgence, et ça n'est pas parce qu'ils avaient piscine, buvette ou une grosse flemme. A droite, depuis les annonces faites par François Hollande lors du congrès à Versailles, il y a malaise. Les élus oscillent jusqu'à tanguer parfois dangereusement entre la volonté de ne pas offrir une victoire au gouvernement, la défense de leurs convictions et les exhortations, parfois contradictoires, de leurs électeurs. Prenant leur courage à deux mains, ils ont donc préféré s'absenter.

Des tiraillements assez bien résumés par la scène qui s'est jouée, hier, lors de la réunion de groupe des députés LR au Palais Bourbon. Nicolas Sarkozy s'y était invité, inquiet de voir François Fillon retourner un à un les parlementaires en les incitant à le suivre sur la voix du non. Et il y a défendu le oui avec conviction: "La question c'est : quand il y aura un nouvel attentat en France. A tous, on demandera des comptes. Au prétexte qu'une mesure ne serait plus pleinement suffisante on ne la vote pas ? A ce compte-là, on ne fait rien, c'est de l'impuissance. La seule question (est) : vous avez été au rendez-vous ou pas ? Il ne faut pas être dans des préoccupations politiciennes mais dans la seule position raisonnable et responsable". Un message envoyé droit dans le plexus de son ancien Premier ministre à qui le président des LR a reproché de ne pas être venu s'expliquer devant le bureau politique du parti. Mais il n'est pas le seul visé, NKM et Patrick Devedjian, initiateur d'une pétition appelant aussi à voter non au projet de réforme constitutionnelle, sont aussi dans le viseur sarkozien même si l'ancien chef de l'Etat reconnait qu'eux, au moins, ont défendu leur position face à lui. François Fillon prend alors la parole pour se justifier: "Je suis pour la déchéance, nous sommes tous pour mais ce texte ne changera rien. Le Parlement peut se ridiculiser à ce jeu. Je n'ai pas envie de jouer à cela".

Entre les deux hommes l'ambiance est glaciale, Nicolas Sarkozy est conscient que les députés rêvent de voter contre le texte afin de mettre en minorité François Hollande et Manuel Valls au risque de le faire trébucher, lui qui s'est prononcé pour un vote favorable après avoir obtenu du Chef de l'Etat les ajustements qu'il réclamait et notamment l'extension de la déchéance aux délits. Nicolas Sarkozy fait donc monter ses soutiens au créneau. Eric Woerth intervient: "Cela ne sert à rien, bien sûr. Et, dans l'idéal, il ne faudrait pas changer la Constitution. Mais les Français ne comprendraient pas qu'on vote 'contre'". "Comment donner l'impression qu'on mégote?", renchérit Eric Ciotti passé, récemment, du camp Fillon au camp Sarkozy.

L'ancien locataire de l'Elysée a, face à lui, les fillonistes favorables à la déchéance mais opposés à la réforme constitutionnelle, mais aussi les juppeistes défavorables à la déchéance et donc à la réforme et les 26 parlementaires qui derrière NKM et Patrick Devedjian, ont eux aussi appelé à voter contre car, expliquent-ils: " en inscrivant dans la Constitution une distinction entre les Français uni-nationaux et binationaux, on envoie aux derniers un signal de défiance". De plus en plus seul à invoquer le oui, l'ancien Président ne trouvait plus, à ses cotés, que Bruno le Maire, pour qui "un individu qui s'attaque à ce que nous sommes comme Français ne mérite pas d'être Français" et Alain Juppé qui, dans une position inverse à celle de François Fillon a annoncé qu'il voterait pour le texte par solidarité avec le gouvernement alors qu'il est contre la déchéance. Nicolas Sarkozy se devait donc de taper du poing sur la table afin d'éviter d'être mis en minorité par son propre groupe parlementaire. Mais pourquoi tant de divergence d'un Républicain à l'autre?

Parce que le texte sur la déchéance, comme celui inscrivant dans la constitution l'Etat d'urgence, peut-être analysé sous un nombre de prismes indéfinissable ou presque.Juridique tout d'abord: la réforme annoncée est-elle utile? D'un point de vue idéologique ensuite: est-elle risquée en termes de fonctionnement démocratique du pays ou bien souhaitable. Les députés doivent aussi prendre en compte l'opinion de leurs électeurs qui sont partagés entre une envie de décisions fermes et celle d'infliger une défaite au parlement à un François Hollande honni.

Enfin, chaque candidat à la primaire a été forcé de se positionner en fonction de ses concurrents et de la cible électorale qu'il vise : Alain Juppé au centre, Bruno Le Maire à droite et Nicolas Sarkozy ? Il se pose en meilleur adversaire de François Hollande, celui qui a réussi à faire plier le chef de l'Etat, à lui imposer les modifications qu'il souhaitait apporter au texte. Et c'est bien ainsi qu'il faut comprendre la démarche de l'ancien président de la République. En négociant avec François Hollande, en lui imposant ses vues, il se replace au centre du jeu, sans tourner le dos à ses électeurs.

L'œil rivé sur les sondages, il n'a, en effet, jamais perdu de vue que la majorité des français est toujours favorable (61% le 5 février) à la déchéance et tout particulièrement son électorat. Un joli coup politique donc mais qui pourrait se transformer en camouflet si la majorité des députés décidait de suivre son adversaire Fillon et de voter contre la révision constitutionnelle. De ce point de vue, l'ancien président a dû observer d'un bien mauvais œil l'absentéisme massif de lundi soir. Il a donc rappelé, hier matin, aux députés qu'une victoire politique contre François Hollande ne valait pas de sacrifier toute cohérence politique. A-t-il été entendu?  Il est finalement suivi, en fin de soirée, par une très faible majorité de députés: 32 élus votant pour l'article 2 sur la déchéance de nationalité et 30 contre.

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