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Juppé rallié par Cohn-Bendit (et beaucoup d’autres) mais y a-t-il encore un électeur dans l’avion des soutiens politiques ?
©Reuters

Entre soi

Il a choisi "le moins pire". Daniel Cohn-Bendit a décidé de rallier publiquement le camp d'Alain Juppé en vue de la présidentielle de 2017. Pour "Dany", cette option doit permettre d'éviter à tout prix un duel Sarkozy-Le Pen au second tour. Mais cette course aux soutiens et aux ralliements semble oublier un acteur majeur de la démocratie : le citoyen.

Joseph Daniel

Joseph Daniel

Joseph Daniel a consacré une grande partie de sa carrière à la communication politique, notamment comme dirigeant du SID (actuel SIG, Service d'information du Gouvernement) de 1981 à 1986, puis responsable de la Communication de la Présidence de l'Assemblée Nationale de 1988 à 1992. Membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de 1999 à 2005, il a enseigné à Sciences Po Paris. Il est également l'auteur de La Parole Présidentielle, paru en octobre 2014 aux éditions du Seuil.

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Atlantico : Daniel Cohn-Bendit a rallié publiquement Alain Juppé. Pourquoi les candidats accordent-ils une telle importance à cette course aux ralliements ? 

Joseph Daniel : Historiquement, c'est une habitude qui a été très utilisée, notamment pour des candidats qui avaient soit une certaine aura intellectuelle, soit des difficultés politiques à rassembler. Dans le premier cas, cela leur permettait de montrer qu'ils étaient soutenus par ce que l'on pourrait appeler la classe des artistes, des écrivains, des intellectuels, etc. En son temps, François Mitterrand a beaucoup joué là-dessus, avec l'aide de Jack Lang. Dans le second cas, le comité de soutien apporte par définition des compléments politiques inattendus et surprenants qui ont cette capacité à (re)booster une campagne politique. Si ces ralliements sont attendus, ils n'ont aucun intérêt. Un député proche d'Alain Juppé qui affirmerait publiquement le soutenir ne ferait pas un événement. Si cela vient d'une figure comme Daniel Cohn-Bendit, ça l'est davantage car il y a une dimension symbolique en plus. C'est alors une valeur ajoutée. Même si nous sommes extrêmement loin de l'élection et qu'il peut se passer encore beaucoup d'évènements, ce ralliement peut être bénéfique.

Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer le fait que nous sommes dans un contexte mondial (et pas seulement en France) de contestation très forte des élites. Or, les comités de soutien peuvent aussi apparaître comme de l'entre-soi face à un corps électoral en colère. Donald Trump n'a pas besoin de comité de soutien, une telle démarche le desservirait bien au contraire. C'est donc une navigation un peu fine entre l'intérêt de montrer que l'on possède une base large – et Juppé sait bien qu'une partie de la gauche craint qu'elle ne soit écartée du deuxième tour et pourrait être amenée à le soutenir – et ce phénomène anti-élites extrêmement puissant et encouragé, paradoxalement, par des élites comme Eric Zemmour ou Alain Finkielkraut.

Par ailleurs, il me paraît frappant que de tels soutiens puissent accélérer un phénomène qui est pourtant leur propre crainte affichée. Daniel Cohn-Bendit affirme avoir peur que la gauche ne soit pas présente au second tour. Mais il se met lui-même en situation d'assurer que la gauche n'y soit, effectivement, pas. Il contribue à faire tanguer un peu plus le bateau du côté qui pourrait le faire couler.

Selon vous, est-ce un impact réel ou fantasmé ? Les deux à la fois ?

Il y a un impact indéniable auprès des journalistes et du monde médiatique. Est-ce qu'il y a un bénéfice électoral ? C'est très difficile à dire, d'autant plus que je répète que nous sommes très loin de l'élection. Personne ne peut prétendre deviner quel candidat sera élu Président, plus d'un an avant l'élection ! Il peut se passer tellement de choses d'ici-là…

Cette recherche de ralliements symboliques est-elle notamment en train de s'accélérer à droite, au détriment d'une réflexion sur un programme politique ?

Généralement, ce ne sont pas les candidats qui s'occupent des ralliements, sauf pour obtenir le soutien de quelques personnalités de grande importance. Quand Jack Lang s'occupait de mettre en place des comités de soutien pour François Mitterrand ou pour les élections européennes des uns et des autres, cela ne prenait pas énormément de temps aux candidats. Ces démarches demandent un petit peu de temps et d'énergie, mais les leaders politiques savent que cela compte infiniment moins aujourd'hui qu'en 1974, 1981 ou même 1988.

Qu'est-ce qu'un soutien "de poids" ? Et quelle légitimité supplémentaire peut-il donner ?  L'opinion publique y est-elle attachée ? S'en soucie-t-elle ?

Un soutien de poids est à mes yeux une personnalité connue qui possède une expertise ou un talent dans un domaine qui peut ne pas être politique. Lorsque Haroun Tazieff et Alain Bombard affirmaient soutenir François Mitterrand, en 1981, il s'agissait de soutiens importants, même si politiquement ils ne pesaient pas grand-chose. En termes d'image, ils pesaient beaucoup.

Si le soutien de Daniel Cohn-Bendit venait à se confirmer, il serait un atout symbolique pour Alain Juppé. Il a en effet cette dimension franco-allemande tout en demeurant, dans l'imaginaire, l'homme de Mai 68. Son ralliement à Juppé apporte indéniablement du jus, de la vitalité et de la couleur à sa campagne même si celle-ci est encore longue.

La formation d'un comité de soutien composé de personnalités appartenant à l'élite (politique, économique, intellectuelle, etc.) n'est-elle pas aux antipodes des préoccupations réelles des Français ? Ne revient-elle pas au final à faire apparaître encore davantage les politiques comme coupés du peuple ?

Il est vrai que ce risque existe. Prenez le dîner du Fouquet's par exemple. Nicolas Sarkozy, tout juste élu Président, y a rassemblé de nombreux industriels et artistes. Cette soirée a donné une image de légèreté un peu provocatrice dont Sarkozy a eu bien du mal à se débarrasser.

A la place des hommes politiques, j'éviterais de créer des comités de soutien, mais je serais heureux d'avoir des ralliements individuels, en l'occurrence de personnalités dont on n'ait pas l'impression qu'elles se fédèrent au sein d'une opération de communication, mais qui apportent individuellement leur image. Aujourd'hui, c'est dérisoire de la part d'un politique de dire que tel ou tel actrice ou chanteur vous soutient.

En revanche, un petit nombre de personnalités très inattendues, qui viennent en appui d'une candidature sans donner l'air d'une opération organisée, ou d'un simple racolage, peut effectivement apporter des compléments solides. Une photo sur laquelle on retrouvera, côte à côte, Alain Juppé et Daniel Cohn-Bendit, illustrerait clairement l'intérêt du second pour le premier.

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