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Bienheureuse Allemagne 
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Transitivité

Pourquoi l'Allemagne devrait-elle se soucier de création monétaire ou de grands plans de relance ? Le reste de l'Europe les financent pour elle grâce aux excédents commerciaux qu'elle accumule chaque année! 2ème partie de notre série en deux volets consacrée à la relance économique et budgétaire allemande.

Pascal Ordonneau

Pascal Ordonneau

Pascal Ordonneau est l'ancien patron du marketing chez Citibank, ancien Directeur général des groupes Crédit Lyonnais et HSBC.

Il a notamment publié La désillusion, abécédaire décalé et critique de la banque et de la finance, paru aux éditions Jacques Flament en 2011.  Il publie également "Au pays de l'eau et des dieux"

Il tient également un blog évoquant les questions économiques et financières.

 

Voir la bio »

Pour lire la première partie de cette contribution sur la relance économique et budgétaire allemande, c'est ici

Au début de la crise de 2008, Angela Merkel, n’était pas du tout enthousiaste pour lancer l’Allemagne dans une politique de relance budgétaire. Elle n’en avait pas besoin ! Il lui suffisait  que les autres pays se lancent dans une relance active quitte à s’endetter. Alors, mécaniquement, par le jeu des importations, c'est-à-dire par le jeu d’une demande adressée aux entreprises allemandes, l’activité industrielle de l’Allemagne serait stimulée mieux encore qu’elle ne l’aurait été si les finances publiques avaient été mises à contribution !

Berlin n'est pas Washington et n'est pas besoin de l'être grâce à ses excédents commerciaux, pourquoi la BCE devrait-elle donc copier la FED et son « Quantitative easing » récurrent ? 

Une politique du type américain ou anglais, les fameux QE (quantitative easing) ne peut pas avoir de sens pour l’Allemagne ! [NDLR : le quantitative easing ou assouplissement monétaire consiste à imprimer de la monnaie supplémentaire] C’est parfaitement superflu ! Pourquoi monétiser de la dette publique alors que l’argent arrive dans les caisses allemandes sous la forme d’un excédent commercial en constant accroissement ?

Elle n’est pas nouvelle, cette hostilité à la création de monnaie par la Banque centrale. Hormis la période peu satisfaisante sur le plan budgétaire et sur le plan du commerce extérieur qu’a été l’unification économique et monétaire des deux parties de l’Allemagne, il n’a jamais été nécessaire pour notre voisin de fabriquer de la monnaie. Elle venait toute seule. Si, parfois les finances publiques étaient déséquilibrées, le financement global était assuré par les excédents de la balance commerciale. La monnaie des autres était  "siphonnée" par la vertueuse Allemagne ! Le besoin en monnaie était assuré par les vertus de l’économie réelle : les grosses voitures vendues aux voisins. Attention "siphonner"  ne s’entend pas uniquement de façon négative. L’argent qui arrive dans les caisses allemandes n’est pas "gelé" comme les dollars qui s’accumulent dans les caisses de la Banque centrale chinoise. Il n’y a pas de "trappe à liquidité", cet argent est effectivement réintégré dans le circuit économique.

Au surplus, le financement de la dette publique est assuré localement ! De même que les Japonais placent leurs économies dans la dette publique japonaise, la part des résidents allemands dans la détention de la dette atteint 46%. Le reste des porteurs et investisseurs en dette souveraine allemande sont en majorité des banques centrales. Ironie de l’histoire : la dette allemande est utilisée par les banques centrales pour placer leurs réserves de change en euro ! Pas la dette espagnole ni la portugaise !  L’euro est pourtant une monnaie à 17 ! Malgré cela, les pays étrangers ne constituent pas leurs réserves sur un panier de dettes souveraines pondérées émises par les 17 membres de l’euro : c’est la dette Allemande qui est préférée (avec la dette française pour être juste). Résidents et non résidents sont si heureux de pouvoir prêter de l’argent à l’Allemagne ! Qui a parlé de monétiser la dette ?

La Bundesbank en ne faisant rien fabrique plus de monnaie que la FED qui en fait beaucoup !

En 2010, le patron de la Federal Reserve américaine était très fier d’avoir lancé 750 milliards de dollars dans l’économie américaine. Un peu plus tard, il en rajoutait une autre couche ! Soit 1500 milliards de dollars.  L’Allemagne, a injecté dans son économie 1000 milliards de dollars via ses excédents commerciaux sur la période 2007-2011. Son économie est 4 fois plus petite que celle des Etats-Unis. Elle a donc injecté, l’équivalent de 4000 milliards de dollars version américaine…. Soit 2,7 fois plus que les fameuses mesures de "quantitative easing" de Monsieur Bernanke et près de deux fois et demi la dette souveraine allemande !

Mais à l’inverse de la FED Bundesbank n’a pas eu à bouger le petit doigt et de "monétiser la dette publique fédérale". L’argent est venu de la bonne Europe, sous la forme de bon euro encaissé grâce à l’excédent commercial pour près de la moitié…soit l’équivalent de 2000 milliards version américaine !

Le désintérêt des Allemands pour la monnaie, sa création, le financement des déficits publics est le sous-produit d’une situation que personne ne prend la peine de relever ! On a dit, dans les articles qui précèdent qu’Angela Merkel n’était peut-être pas encline à louer les charmes de l’économie virtuelle. On pourrait penser qu’elle ne veut pas comprendre un mot de la finance, des banques, de la monnaie et de la dette publique. Elle ignorerait qu’une Banque centrale peut servir à créer de la monnaie et contribuer à stimuler le rythme de l’activité économique d’un pays ?

Angela Merkel, comme les conseillers qui l’entourent, connaissent leur économie aussi bien que les autres. Mais ils savent surtout une chose : depuis des décennies, l’Allemagne est un exportateur exemplaire. Depuis des décennies, elle accumule les excédents. Cela fait donc des décennies que la Banque centrale allemande est financée par le monde non-allemand et que la production de monnaie est la conséquence de la supériorité économique et industrielle allemande.

Donc, décidément non… la monnaie n’est pas le vrai sujet pour les Allemands. Ils ont sous-traité la question à leurs clients ! C’est-à-dire à l’Europe.

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