Et s’il fallait encore expérimenter une seule mesure pour l’emploi, ce serait quoi ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Et s’il fallait encore expérimenter une seule mesure pour l’emploi, ce serait quoi ?
©Reuters

Anti-chômage

Alors que Pierre Gattaz demande des mesures d'urgence pour relancer la croissance et l'emploi, Richard Thiriet et Stanislas de Bentzmann expliquent quelles seraient, selon eux, les meilleures pour y contribuer.

Stanislas de Bentzman

Stanislas de Bentzman

Stanislas de Bentzmann est cofondateur et coprésident du directoire du Groupe Devoteam. Depuis 2013, il est également président de CroissancePlus. Diplômé de l'INSEEC en 1987, il étudie le Marketing et l’Informatique à l’université de San José dans la Silicon Valley. En 1990, il rejoint la société Randstad et fin 1995, Stanislas et son frère Godefroy créent Devoteam. Agissant dans le conseil en technologies de l’information et de la communication 

Voir la bio »
Richard Thiriet

Richard Thiriet

Richard Thiriet est diplômé de l'École Supérieure des Travaux Publics (ESTP) et titulaire du master Entrepreneur d’HEC. Président du groupe CNI (Chaudronnerie Navale et Industrielle) qui compte 70 collaborateurs dans le secteur de l'industrie métallurgique, il est membre du Centre des jeunes dirigeants d'entreprise, mouvement patronal destiné à mettre en oeuvre un "libéralisme responsable" depuis 2004 et en est actuellement le président national.

Voir la bio »

Atlantico : Quelle(s) mesure(s) préconiseriez-vous pour relancer l'emploi ? 

Richard Thiriet : Aujourd'hui, la position du CJD (NDLR : Centre Des Jeunes Dirigeants D'entreprise) est de dire qu'il faut expérimenter. Les organisations d'entrepreneurs fourmillent d'idées. Mais nous sommes dans un cadre tellement strict aujourd'hui que nous pourrons toujours trouver quelqu'un pour affirmer que "cela ne va pas fonctionner." Les mesures du MEDEF doivent être discutées, débattues et testées, mais dans les circomstances actuelles vont-elles pouvoir être appliquées ?Plus généralement, parmi les idées des entrepreneurs, il est évident qu'il y en a des bonnes et des mauvaises, mais il faut arrêter de se poser la question et passer à l'action. Lorsque nous avons une idée, deux choses s'opposent : son efficacité et son acceptabilité.

La baisse des charges sociales, par exemple, est une idée est hyper efficace parce que nous sommes aujourd’hui dans un système qui réserve une prime à la compétitivité. Cette coupe peut permettre de rendre les entreprises françaises plus compétitives. Qui dit compétitivité, dit plus de marchés qui rentrent et une croissance des entreprises ainsi que des PME qui créera de l'emploi. Evidemment certains vous diront que cette mesure risque de servir uniquement à redistribuer de l’argent aux actionnaires. C'est faux ! Il faut faire confiance aux entreprises et à leur manière de réinvestir leur argent. Certains affirmeront que les charges sociales sont faites pour financer le modèle social issu de la seconde guerre mondiale, qui est certes un acquis important. Mais la difficulté que l’on a en France, c’est que l'on a du mal à imaginer de nouveaux modèles. Prendre un risque en faisant autrement est devenu impensable pour un grand nombre de personnes. C'est dommage, il est nécessaire d'agir et d'expérimenter.

Prenons un deuxième exemple : le CDI sécurisé proposé par le MEDEF. Au CJD, c'est ce que l'on l'appelle le Pack Emploi à Durée Indéterminée. Pour qu’un entrepreneur embauche, il faut d'abord qu’il ait un minimum confiance en l’avenir de son entreprise. Hélas aujourd’hui, on n’a pas une visibilité suffisante qui permetterait un engagement serein sur le long terme. Pour une entreprise qui manque de visibilité et qui a peu de trésorerie, il y a une peur du risque Prud’homale. La crainte est légitime. Elle concerne le montant à débourser si la société est amenée à se séparer d'un ou de plusieurs employé(s) en cas de baisse d’activité. lePack Emploi à Durée Indéterminée n’est pas une défiance vis-à-vis de ses collaborateurs, mais un contrat moral et écrit entre plusieurs personnes afin de fixer cette relation de confiance. Il s'agit aussi de définir les conditions de sortie si nécessaire car le propre des entrepreneurs est de mesurer les risques pris. Si ces risques sont mesurés, alors on embauchera beaucoup plus facilement en CDI. Et qui dit CDI dit aussi sortie de la précarisation des employés. On est ici à la limite entre l’efficacité et l’acceptabilité. Il faut donc expérimenter. L'objectif n'est pas de tout bouleverser, mais au moins de tenter l'expérience dans certains secteurs d’activités afin de voir si cela fonctionne.

Il faut trouver un juste milieu entre la fuite en avant et le respect indéfectible à la loi en tant qu'ordre établi. Il faut accepter de faire confiance aux entreprises sur une période donnée, et tenter l’expérience de façon limitée dans un premier temps, sur un territoire ou un secteur économique donné. Essayons l’aide à l’embauche. Essayons aussi le Pack Emploi. C’est ça : "Le faire autrement". C’est se donner les moyens de tenter des choses et de voir si ça fonctionne ou pas.

Si l'on part du postulat que le combat collectif prioritaire est le celui de l’emploi, alors toutes les mesures sont bonnes à tenter. Pas uniquement celles du MEDEF. Aujourd’hui, les formations des chômeurs sont organisées par métier, essentiellement par branche. Or à l’heure actuelle, ce qui est très clair, c’est qu’un salarié ne fera pas le même boulot toute sa vie, ne serait-ce que parce que les métiers évoluent très vite. Il faut passer à une logique de capacités et de savoir-faire liée aux aptitudes, et non estimer détenir le même emploi à vie.Il faut être capable d'accepter une certaine adaptabilité. On ne peut plus placer quelqu’un dans un métier qui risque d'avoir disparu dans dix ans ou qui aura radicalement changé. 

Aujourd’hui il y a une mesure triplement bénéfique à expérimenter. Dans une entreprise, on finance très facilement tout ce qui est de l'ordre matériel. Mais on ne finance pas les forces vives de l’entreprise que sont les salariés. L’idée, c’est de pouvoir investir à minima dans les PME qui ont des problèmes de trésorerie avec une idée simple : garantir par BPI (NDLR : Banque Publique d'Investissement) la première année de salaire par emprunts bancaires garantis. Il s'agit en clair de financer le montant de la première année, qui serait remboursé au bout d’un an. Cela offre au chef d’entreprise une certaine confiance qui va lui permettre d’embaucher sereinement. Cette mesure va permettre aussi éventuellement de sortir quelqu’un du chômage. Parce que je pense que ca va être une des conditions qu’on va imposer en contrepartie de sa mise en place. L’Etat apporte la garantie mais n’a plus de problème de liquidités puisque un chômeur en moins c'est autant d'argent économisé en termes d'aides sociales. En face, la banque, qui a de l’argent et est garantie par l’Etat, peut prêter. C’est un cercle vertueux que nous sommes prêts à expérimenter. Nous n'attendons que cela. On ne peut pas savoir à l'avance si c’est la bonne solution, mais essayons-la. 

Stanislas de Bentzmann : Le premier problème de notre économie est le manque de marge des entreprises françaises et des PME surtout. Elles sont donc faibles en financement et en capacités d’investissements. Elles grandissent et embauchent moins. Par ailleurs, elles se tournent moins vers l’international et elles investissent moins dans leurs machines. La conséquence directe c'est que l'on se retrouve avec des gammes de produits assez basses par rapport à la montée en gamme de l’Europe du nord. La deuxième difficulté majeure et spécifique de l’économie française, c’est la rigidité de son marché du travail, que ce soit à l’embauche et au licenciement. 

La première mesure importante serait de continuer à faire baisser les charges sociales. A ce titre, on a notamment introduit l'idée de TVA sociale pour faire baisser le coût du travail en France, plutôt que de faire baisser les salaires. Les mesures du MEDEF sont régulièrement axées là-dessus. A Croissance Plus, nous voulons faire peser la fiscalité sur autre chose que sur le travail en lui-même. En France, on a besoin de faire réussir nos jeunes. Une jeunesse qui ne travaille pas et à qui vous ne donnez pas de perspectives, cela devient une bombe à retardement sous vos pieds. On ne demande pas de transformer la France en paradis fiscal, mais il faut au minimum l’aligner sur nos concurrents européens. Il faut donc réformer les aides à l’emploi et à la formation. La politique d’aide à l’emploi représente 20 milliards d’euros. Pour moi, les emplois aidés sont des emplois fictifs. Les statistiques le prouvent : vous avez moins de chance de trouver un job en sortant d’un emploi aidé.

Il faut absolument tout mettre à plat et dynamiser un vrai accès à l’emploi à travers une vraie politique d’apprentissage aussi ambitieuse que chez nos voisins. Il faut pour cela s’attaquer à la culture de l’Education nationale. Vous avez au sein de celle-ci une espèce de lobby anti-séries spécialisées, anti-apprentissage qui fait que l’on reste sur de vieux schémas. Il faut amener les enfants dans cette voie royale qu'est la professionnalisation et non pas la présenter comme une voie de garage comme c'est encore trop souvent le cas.

Il faut donner également plus d’agilité au CDI pour que celui-ci "avale" le CDD. Ce dernier à un énorme inconvénient puisque vous stigmatisez automatiquement dès le premier jour la personne que vous embauchez en lui donnant un contrat précaire. Le contrat agile que l’on propose, qui fusionne CDI et CDD, donne des droits au fur et à mesure du temps qui passe. Mais au départ tout le monde est à égalité. Pour des gens qui ont plus de difficultés à accéder à l’emploi, il y a une réserve d’activités où l’on trouve un gisement fantastique de business, de création de richesse, de parcours d’entrepreneurs dont il faut absolument se saisir et cela se fera avec le développement de l’auto-entrepreneuriat et des contrats d'auto-entrepreneurs. Cette mesure pour les PME est innovante. Il faut rentrer dans ce processus de droit à l’expérimentation. Les mêmes personnes qui nous disaient il y a 25 ans que c’était une aliénation de rentrer dans une usine et de travailler pour quelqu’un, nous disent aujourd’hui que c’était finalement cela le bonheur et que c’est un cauchemar de ne plus avoir de patron. Grâce à Uber ou tout autre type de plateforme similaire, vous avez aujourd’hui 20 000 personnes de plus qui bossent. C’est un gisement d’emplois considérables, qui apportent une qualité de services au citoyen. On est donc gagnant sur tous les tableaux. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !