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Derrière la perspective d’une 3e intifada, la question piège : y-a-t-il encore quelqu’un qui croit à la paix chez les Israéliens comme chez les Palestiniens ?
©Reuters

La peur de l'autre

En Israël comme en Palestine, les camps qui se mobilisaient pour la paix semblent baisser les bras. S'ils sont plusieurs parmi les deux peuples à chercher une solution pacifiste, les espoirs de paix reculent dans les mentalités, comme en témoigne un sondage mené par le Palestinian Center for Policy and Survey (PSR). L'un comme l'autre s'imaginent et se prêtent des intentions menaçantes et la situation explosive pourrait déboucher sur une troisième intifada.

Gil  Mihaely

Gil Mihaely

Gil Mihaely est historien et journaliste. Il est actuellement éditeur et directeur de Causeur.

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n récent sondage mené en Juin 2015 par le Palestinian Center for Policy and Survey (PSR) et épaulé par le Konrad Adenauer Fondation basé à Ramallah et à Jerusalem (voir ici) fait état de la mentalité des Palestiens et des Israéliens sur une possible paix durable dans le pays. Le sondage, comparé à celui mené l'année passée, montre clairement qu'au sein des deux camps, la possibilité de la création d'un second Etat s'envisage de moins en moins : 62 Israéliens sur 100 se disaient favorables à cette solution, quand cette année ils ne sont plus que 51 sur 100. Les Palestiniens se prononçaient favorables à 54% en 2014, et le sont à 51% en 2014.

Outre la chute de l'espoir de la naissance d'un nouvel Etat, on constate également la crainte (plus stable, cette fois-ci) des intentions de l'autre. Chaque camp, Palestinien comme Israélien, prête à l'autre des intentions nuisibles et dangereuses à son égard. Ainsi, tous deux se voient comme des "dangers existentiels".  Plus de la moitié des Palestiniens (56%) imaginent que les intentions d'Israël sont motivées par une certaine forme d'expansionnisme qui pousserait le pays à élargir ses frontières de la Mer Méditerranée à la rivière Jourdain. 25% sont plus durs et jugent qu'Israël cherche avant tout à conquérir la Cisjordanie et à nier les droits politiques des Palestiniens. Parmi les Israéliens, une minorité (18%) prêtent aux Palestiniens la volonté de conquérir l'Etat d'Israël. En revanche, ils sont 43% à penser que les Palestiniens souhaitent à terme conquérir l'Etat d'Israël et massacrer la majorité de la population juive.

L'espoir de la création d'un Etat Palestinien s'amenuise entre 2014 et 2015, mais les craintes vis-à-vis de l'autre perdurent.

Atlantico : Du côté israélien comme du côté palestinien, même s'il ne fait pas de doute qu'il souhaite toujours la paix, le camp de la paix ne semble plus y croire. Faites-vous ce constat ? Qu'en pensez-vous ? Comment en est-on arrivé là ?

Gil Mihaely : Depuis quelques années il n’y a plus de négociations publiques entre Israël et l’Autorité Palestinienne et donc pas d’horizon politique. Pour Israël la raison est simple : l’échec du processus engagé en 2005 avec le retrait de l’armée et des civils de la bande de Gaza et le nord de la Cisjordanie. Netanyahou est au pouvoir parce qu’une majorité d’électeurs croit que se retirer de de la Cisjordanie et y laisser le contrôle à un Etat palestinien va aboutir au même résultat qu’à Gaza : une plate-forme de tir de roquettes dirigée par des islamistes. Les révolutions arabes et surtout ce qui se passe dans le Sinaï et en Syrie confortent ce constat : les sociétés arabes ont du mal à créer des Etats stables et capables d’assurer un niveau acceptable de sécurité et d’ordre à l’intérieur comme à l’extérieur de leurs frontières. C’est pourquoi avec la meilleure volonté au monde, les Israéliens ne pensent plus que les Palestiniens sont capables de faire mieux que les Syriens, les Libanais, les Libyens, les Yéménites, les Irakiens ou les Soudanais. Cependant il y en a aussi une grosse minorité en Israël qui croit toujours le contraire mais le problème est que le maximum qu’ils sont prêts à céder aux Palestiniens est encore loin du minimum exigé par ces derniers, notamment pour ce qui concerne Jérusalem et les retours de réfugiés dans leurs villes et villages d’origine à l’intérieur d’Israël. Bien évidemment les Palestiniens ne peuvent pas partager ce point de vue qui consiste à accepter un statu quo difficile à vivre sans l’espoir d’une solution. Dans ces conditions ceux qui soutiennent une solution de compromis fondé sur la création d’un Etat palestinien sur les territoires occupés par la Jordanie entre 1949-1967 et par Israël depuis sont très affaiblis à la fois au sein de la société israélienne que parmi les Palestiniens.            

Plus globalement qu'en est-il des opinions publiques ?

Aujourd’hui nous vivons une séquence de violence et des deux côtés ce n’est pas un moment de modération et d’ouverture à l’autre mais plutôt de peur et de haine. Mais cela s’est déjà produit dans le passé et la question est de savoir comment les esprits vont évoluer pendant cette épreuve de force. Parfois la violence fait évoluer les choses et réévaluer les positions.

Dans l'hypothèse où une troisième intifada se confirmerait, quelle pourrait en être l'issue politique ? Dans l'esprit des populations, la création d'un Etat palestinien – pour peu qu'elle soit envisageable - mettrait-elle durablement fin aux tensions ?

C’est la grande question. Une majorité d’Israéliens pense que non, une solution définitive du conflit n’est pas à portée de main aujourd’hui. Certains croient qu’on peut continuer comme si de rien n’était et que le problème va disparaître. D’autres espèrent que les Palestiniens finissent par accepter demain ce qu’ils ont rejeté hier.    

Qui peut encore éviter une 3e Intifada ? Mahmoud Abbas le souhaite-t-il ? Le peut-il ?

Je ne pense pas qu’Abbas souhaite une Intifada pour la simple raison qu’il sait qu’une Intifada n’est pas livrée avec un bouton "off", c’est un phénomène incontrôlable. C’est d’ailleurs ce que disent les chefs des services de renseignements et les militaires. Mais justement, nous sommes aujourd’hui les témoins de la naissance d’une tempête : serait-elle un typhon, un ouragan ? Une Katerina dévastatrice ou un simple mauvais moment à passer ? Impossible de savoir.

Quelle est l'attitude du gouvernement israélien ?

Netanyahou chevauche un tigre. Pour lui, il est le seul à pouvoir souffler le chaud et le froid, alterner modération et intransigeance selon les circonstances. Sauf qu’à force de le faire il a trop radicalisé sa base et se trouve aujourd’hui piégé. Il a tout intérêt à mettre fin à cette vague de violence avant que cela dégénère en un phénomène populaire,  durable, cher en vies humaines et désastreux pour l’économie. Ceux qui votent pour lui vont être en première ligne si la violence dure, fragilise les commerces et le TPE et déclenche une crise économique. Il sait que dans cette éventualité, comme c’était le cas par le passé, pour sortir de la crise il faudrait aussi payer en devise politique : la première Intifada a mis une pression sur les relations avec les Etats-Unis et amené Israël à la conférence de Madrid et plus tard à Oslo et la deuxième a poussé Sharon vers le retrait de Gaza. Pour quelqu’un qui souhaite maintenir le statu quo à un prix raisonnable, tout cela n’augure rien de bon.

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