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le nouveau parti Ecologistes! propose une autre vision de l'écologie.
le nouveau parti Ecologistes! propose une autre vision de l'écologie.
©Reuters

L'herbe est plus verte ailleurs

Fraîchement créé et inauguré par ses créateurs, le parti politique de Jean-Vincent Placé et François de Rugy s'ancre dans une politique à l'exact opposé de celle d'EELV. Le premier congrès du parti Ecologistes! a eu lieu samedi 3 octobre devant quelques centaines d'élus et de militants.

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
 
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C’est au 101, rue de l’Université, dans les locaux de l’Assemblée Nationale, que s’est tenue samedi 3 octobre, la première réunion du nouveau parti Ecologistes! Cette annonce officielle, suite logique de l’entreprise de « clarification » entamée depuis plusieurs mois, au sein d’Europe Ecologie Les Verts (EELV), confirmée par les démissions successives de François de Rugy[1], qui préside la nouvelle formation, suivie de celle de Jean-Vincent Placé [2] puis de Barbara Pompili,[3] pour les plus connus, est la partie visible d’une évolution plus vaste, au sein du mouvement écologiste. L’annonce concomitante, ce week-end, de la création de l’Union Des Démocrates et Ecologistes (UDE), dont l’officialisation devrait avoir lieu le 17 octobre, à la Villette, apparaît, en effet, comme la volonté d’en finir avec l’écologie contestataire « à la papa » qui ne fait plus recette auprès de l’opinion.[4]

L’heure est donc au recentrage politique, autant qu’à la « re-fondation » culturelle, chez les verts. C’est en tout cas la volonté affirmée par François de Rugy, Jean-Vincent Placé et tous ceux qui les suivent dans l’aventure, comme Véronique Massonneau[5] députée de la Vienne : rompre avec EELV, dont le durcissement politique constant, depuis la sortie anarchiste du gouvernement par Cécile Dufflot, conduit aujourd’hui ce parti à une alliance « dogmatique » avec : Le Front de Gauche, le PC et le NPA, pour les élections régionales, tournant ainsi le dos au PS. C’est pourquoi monsieur Placé n’a pas manqué de rappeler : « Nous avons gagné avec François Hollande, nous sommes majorité présidentielle », considérant que la position d’EELV, « l’année où le Président de la République met en place la COP21[6] » s’apparente à « un refus de faire de la politique ». D’où la présence à cette réunion, de Stéphanie Lux, conseillère de Nicolas Hulot, envoyé spécial du Président de la République pour la protection de la planète.

La course au centre est dans l’air du temps, à gauche. Dévoilée par Jean Christophe Cambadèlis au Congrès de Poitiers, le 25 mai 2015, et réinvestie par ses deux annonces successives d’un « Référendum sur l’unité de la gauche » » en vue de rassembler son camp pour les régionales, puis d’un « Appel des 100 »,[7] la grande « Alliance populaire » qu’il souhaite créer autour du PS et de son futur candidat à la Présidentielle, en 2017, va dans ce sens : « élargir notre base militante, moderniser nos pratiques et bâtir une stratégie de dépassement du Parti socialiste … »[8]

Reste à définir le socle de valeurs et d’idées communes à l’« Alliance populaire » que le nouveau chef du PS appelle de ses voeux. D’autant, qu’à l’autre extrémité de l’échiquier politique, l’évolution idéologique du Front National, l’ayant conduit à ce que certains appellent sa « normalisation », et qui n’est autre que sa rupture avec l’extêmisme politique incarné par Jean-Marie Le Pen, fait de ce parti, contrairement à ce qu’on en dit en général, la tête de proue d’un recentrage global de la vie politique française.

C’est pourquoi, il faut voir dans les créations d’Ecologistes! et de l’UDE une volonté d’innover, non seulement pour répondre aux victoires pronostiquées, du FN aux régionales, mais pour contrer ce que celles-ci symboliseront et exprimeront tout à la fois : l’adhésion de l’opinion à un mouvement populaire qui va croissant, et emporte avec lui le sens, qu’avait la traditionnelle opposition droite/gauche en France, depuis 1945.

C’est pourquoi, le projet de Jean-Christophe Cambadélis pourrait compter sur l’électorat écolo qui ne se retrouve plus dans l’option politique de madame Duflot, ainsi qu’en témoigne un sondage réalisé par l’institut Elabe à la demande du parti Ecologistes!, dévoilé ce week-end : « 83% de Français pensent que l'écologie politique doit "plutôt chercher à participer aux responsabilités » alors que 82% considèrent qu’« il faut réconcilier l'écologie et l’entreprise ». Ces résultats prouvent,  en effet, que l’idée d’innovation, chère à Emanuel Macron, peut désormais l’emporter sur celle de décroissance, encore très en vogue dans les esprits contestataires des militants qui resteront à EELV, après la création des formations politiques de François de Rugy et Jean-Vincent Placé.

Ce faisant, les nouveaux Ecologistes! se lancent donc le défi d’une recomposition politique, à replacer dans le contexte global de ce glissement progressif du clivage droite/gauche, engendré par le re-centrage du FN qui,  à sa doctrine nationale-populiste, constante depuis sa création en 1972, associe, depuis 2011, la défense des valeurs républicaines. Sans compter, dans la période, sa critique contre l’Europe, qui rencontre un franc succès. Ce rapprochement idéologique de l’ex-extrême-droite vers la droite parlementaire, représentée par Les Républicains, a entrainé, parmi d’autres conséquences, la récupération par le FN, d’une partie de l’électorat de droite et de l’ultra gauche contestataire, qui va du Front de Gauche au NPA, en passant par les socialistes.

Pour faire face à cette hémorragie d’un électorat populaire, et à l’image de son mentor et modèle, François Mitterrand, qui réalisa, deux ans après l’accession de la gauche au pouvoir, en 1981, le fameux tournant libéral en économie, François Hollande souhaite-t’il donner au Parti socialiste, via monsieur Cambadélis, une vraie orientation sociale-démocrate et écologiste?

Si un tel tournant n’aurait guère de difficultés à s’imposer au plan politique, reste à le faire exister, au plan culturel et idéologique, auprès d’une opinion de gauche, en pleine déroute.

Puisque le Front National ne présente plus de danger « fasciste », alors que la droite est, depuis Jacques Chirac alignée au plan de la morale et des idées, sur la gauche, il est clair que les écologistes, en rompant de manière décisive avec leur aile gauchiste, incarnée par EELV, veulent en finir avec le vieux corpus idéologique différentialiste et anti-républicain qui mine la gauche française depuis les années 1980. En disant, samedi, qu’il souhaitait « récupérer l’héritage républicain, parce qu’il est spolié par des forces qui veulent le détruire », le Président du nouveau groupe UDE au Conseil régional d’île de France, Guillaume Vuilletet, confirmait cette volonté d’ancrer les prochaines batailles électorales des écologistes sur le terrain des idées, à égal distance des deux extrêmes qui occupent le débat électoral à gauche, depuis 2012, afin de proposer une offre politique écologique nouvelle.

Seul l’avenir nous dira, si du côté du PS, l’infléchissement social-démocrate inauguré par la nomination de Manuel Valls et d’Emmanuel Macron au gouvernement, est destiné à se concrétiser dans l’ « Alliance populaire » de Jean-Christophe Cambadélis.  La désignation de Christophe Madrolle, ex-Verts, ex-Modem, aujourd'hui UDE, et secrétaire général du Front Démocrate de Jean-Luc Bennahmias, comme tête de liste du PS dans les Bouches du Rhône, en est peut-être une première illustration sur le terrain.

Mais, pour l’heure, le gouvernement et le PS semblent toujours  empêtrés dans le multiculturalsime, ainsi qu’en témoigne la réponse de Manuel Valls aux propos de Nadine Morano à l’Assemblée Nationale, le 30 septembre, amené à soutenir Erika Bareigts, le député ayant permis d’intégrer à la Loi Macron un amendement, allant dans le sens des « accommodements raisonnables » de la République à ses principes communautaristes.

Si le PS, comme les Républicains, continuent dans la défense d’un relativisme différentialiste, débouchant sur un affrontement culturel entre communautés, au détriment des idéaux de la République, et si les Ecologistes! persistent dans l’autre sens, alors ceux-ci pourraient bien incarner une troisième voie, européiste et républicaine très convaincante, et riche d’avenir.



[1]Elu de Loire-Atlantique et coprésident du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, avant sa démission.

[2] Président du groupe sénatorial d’EELV, ancien collaborateur de Michel Crépeau, maire radical de gauche de La Rochelle de 1971 à 1999.

[3] Députée de la Somme et co-présidente du groupe écologiste de l’Assemblée nationale.

[4] Après les succès électoraux de Daniel Cohn-Bendit aux élections européennes de 2009 : 16,3 % des suffrages exprimés, et aux élections régionales de 2010 12,2 %, les écologistes n’ont cessé de  reculer au plan électoral, passant de 8,9 % des voix, aux européennes de juin 2014 à 2,02% aux départementales de mars 2015.

[5] Elue dans le cadre d’un contrat de majorité avec les socialistes et les radicaux.

[6]Conférence des nations unies pour le climat, qui se tiendra à Paris en décembre, et dont l’objectif est de maintenir le réchauffement sous la limite de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, vers 1850.

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