Affaire Lamdaoui : l’ombre de François Hollande risque de planer sur le procès de son ancien chef de cabinet<!-- --> | Atlantico.fr
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L’ombre de François Hollande risque de planer sur le procès de son ancien chef de cabinet.
L’ombre de François Hollande risque de planer sur le procès de son ancien chef de cabinet.
©Reuters

République exemplaire ?

Faouzi Lamdaoui, qui fut un intime de François Hollande, son gardien fidèle des petits et grands secrets, comparait devant le tribunal correctionnel de Paris ce lundi 5 et mardi 6 octobre. Motif : abus de biens sociaux. Sur la sellette, une SARL, Alpha-Distributions, animée par l’ancien chef de cabinet du député de Corrèze. Elle a brassé beaucoup d’argent. En espèces. A des fins politiques ? Ou à des fins purement personnelles ? Connaîtra-t-on la vérité sur cette histoire troublante ?

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Ces 5 et 6 octobre, l’ancien chef de cabinet de François Hollande, Faouzi Lamdaoui comparait devant le Tribunal correctionnel pour abus de biens sociaux.
  • L’affaire démarre dans les années 2010 lorsque Mohamed Belaid, militant socialiste à Argenteuil, comme Lamdaoui, affirme que ce dernier a été le chauffeur de François Hollande entre décembre 2008 et juin 2009, sans jamais avoir été payé.
  • C’est surtout comme gérant d’une SARL, que l’ancien chef de cabinet de Hollande risque d’être embarrassé : les mouvements d’argent auxquels il s’est livré portent sur des sommes d’argent importantes.
  • Une question planera dans le prétoire : et si une partie de cette somme avait servi à un éventuel abondement de celui qui n’était que député de Corrèze ?
  • Une interrogation encore : pourquoi cette affaire a-t-elle été conduite sous le seul contrôle du Parquet alors que l’ouverture d’une information judiciaire avec la désignation d’un juge d’instruction aurait permis d’en savoir plus...

Il y a quelqu’un qui devrait suivre avec intérêt le procès qui s’ouvre ce lundi 5 octobre devant la 11ème chambre correctionnelle du Tribunal de Paris : c’est François Hollande. La raison en est simple : la justice se penche sur les faits qui sont reprochés à celui qui fut, jusqu’au mois de décembre dernier, l’un de ses plus fidèles collaborateurs, au même titre qu’un Stéphane Le Foll, aujourd’hui ministre de l’Agriculture de Manuel Valls. Son nom : Faouzi Lamdaoui. Un homme clé du hollandisme. Ancien chef de cabinet de Hollande, âgé aujourd’hui de 53 ans, avant de devenir en mai 2012 son conseiller à l’Egalité et à la Diversité, Lamdaoui a dû démissionner il y a un peu moins d’un an, soupçonné d'abus de biens sociaux. Pendant deux jours, ce très proche -jadis car il ne l’est plus du tout, sorte de pestiféré qu’il est- va devoir s’expliquer sur une histoire passablement embrouillée. Avec peut-être au cours des débats, une question qui effleurera le Tribunal : quel rôle jouait réellement Lamdaoui auprès du futur chef de l’Etat ? Aurait-il concouru au train de vie du député de Corrèze, via une entreprise dont il a été le gérant au cours des années 2007 et 2008 ? D’autres prévenus présents, dont le frère de l’ancien chef de cabinet de François Hollande révèleront-ils quelques secrets enfouis qui ne sont pas apparus lors de l’enquête conduite exclusivement par le Parquet de Paris ?

Pour comprendre cette histoire, un retour en arrière s’impose. Dans les années 1997-1998, un jeune ingénieur, Faouzi Lamdaoui se lie avec François Hollande, le nouveau premier secrétaire du PS. C’est peu de dire que le courant passe entre les deux hommes. Le député de Corrèze s’entiche du jeune homme. A tel point que rue de Solférino, on le voit sans cesse avec son mentor. Très vite, il se voit propulsé secrétaire national du Parti. Preuve de cette ascension : l’ambitieux jeune homme participe tous les mardis au Sénat au déjeuner des caciques du PS. En 2007, le voici candidat aux législatives à Argenteuil (Val-d’Oise). Le camarade François vient le soutenir. Hélas ! il échoue contre l’UMP sortant, mais recueille tout de même 49% des voix au second tour. Pour un début, ce n’est pas mal. En 2008, il espère devenir maire d’Argenteuil. Perdu : en raison de quelques divergences avec un de ses colistiers, il ne sera que 2ème adjoint. En 2011, alors que la campagne présidentielle approche, le voici nommé directeur de la communication de François Hollande, candidat aux primaires du PS. Un an plus tard, en 2012, la consécration : il devient chef de cabinet du candidat socialiste.

A ce titre, il s’occupe de la logistique mais aussi des dossiers les plus personnels de François Hollande. Sur ce point, il réussit à merveille, devenant "le muet" du PS. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes socialistes, lorsque, sans crier gare, apparait le grain de sable, en fait, une énorme pierre qui va assommer Lamdaoui. Ce grain de sable s’appelle Mohamed Belaid. C’est un ancien militant PS que Lamdaoui a rencontré il y a quelques années, à la section du PS d’Argenteuil. Aujourd’hui, Belaid vient demander son dû : il a été chauffeur de François Hollande de décembre 2008 à juin 2009. Or il n’a jamais été payé. On lui avait promis un contrat, rien n’est venu. Et Belaid de répéter à qui veut l’entendre qu’il conduisait une Peugeot 207 louée par Lamdaoui- dans laquelle il emmenait François Hollande, tantôt au Sénat, tantôt à des rendez-vous. Belaid nous dira même avoir transporté Hollande dans le Nord de la France… Faux et archifaux clame celui qui est encore, à cette époque, l’ami de François Hollande. Argument insuffisant, puisque cette fois "le chauffeur" ou supposé tel, lance une petite bombe : il dépose plainte contre François Hollande et son collaborateur pour travail dissimulé. La justice s’emballe. Le 12 novembre 2012, convoqué à la PJ, Lamdaoui déclare sur PV : "A une reprise, Belaid m’a conduit au Sénat avec François Hollande. Je le répète à une seule reprise, en raison des conditions météo très défavorables." Sur l’activité de dix heures par jour affirmée par le plaignant, le conseiller du Prince déclare : "Je réfute de telles déclarations. Je crois que Belaid a beaucoup utilisé le véhicule à des fins personnelles." Et le tout à l’avenant. Finalement, l’affaire sera classée sans suite. C’est désormais la guerre entre les deux anciens militants d’Argenteuil. Elle ne s’arrêtera plus, car voilà que surgit un nouveau pépin : Belaid accuse Faouzi Lamdaoui d’avoir nommé son épouse Naïma, gérante d’une SARL Alpha- Distributions… En imitant sa signature. Une nomination qui aurait eu lieu à son insu ! En échange, l’intime de Hollande lui aurait proposé 500 euros…On nage en plein embrouillamini. Nous sommes en juin 2012. François Hollande vient de succéder à Nicolas Sarkozy. Naima qui a déposé plainte pour faux est entendue à la PJ. D’emblée, on lui pose la question : " quel serait l’intérêt de M.Lamdaoui à avoir utilisé votre identité et imité votre signature ?" Réponse de Naima : "Je ne sais pas." Circulez, il n’y a rien à voir.

Soulagé, le chef de cabinet l’est. On le comprend. Sauf que le parquet de Paris commence à s’intéresser à cette mystérieuse SARL Alpha--Distributions à l’occasion de cette plainte pour faux. Cette SARL intrigue. Chargée de récupérer des pellicules photos dans des boutiques de l’Ile –de-France et de les faire développer en 24 heures chez une société CEWE-Color installée à Asnières, Alpha-Distributions s’est montrée fort distraite à l’égard du fisc puisqu’elle s’est vue infliger un redressement coquet : 981 432 euros au titre de non-paiement, entre le 31 juillet 2006 et le 31 décembre 2007, de la TVA et de l’impôt sur les sociétés. Près d’un million d’euros, c’est une somme ! Or, qui est le gérant d’Alpha-Productions ? A en croire les documents officiels, ce n’est ni plus ni moins que le chef de cabinet de François Hollande. Cette fois, nous ne sommes plus dans les affirmations –élucubrations ? – d’un supposé chauffeur d’un futur chef de l’Etat. L’histoire devient embêtante. Très embêtante. En effet à la suite de l’ouverture par le Parquet de Paris, le 10 janvier 2013, d’une enquête préliminaire, les limiers de la Direction de la division nationale d’investigations fiscales et financières de la PJ (DNIFF) écrivent, dans un rapport de deux pages : "L’étude des chèques débités du compte BNP d’Alpha-Distributions a fait apparaitre que M.Lamdaoui avait bénéficié du versement de 177 358 euros en 2007, et 242 036 euros en 2008 alors qu’il avait déclaré au fisc un revenu de 74 924 euros en 2007 et 80 420 euros en 2008."

A quoi ont servi ces sommes conséquentes ? Auraient-elles pu de temps à autre aider Lamdaoui à… aider à son tour son patron, futur chef de l’Etat ? L’ancien chef de cabinet, aujourd’hui en disgrâce totale du côté de l’Elysée, n’a jamais abordé ce sujet. Se contentant d’affirmer n’avoir jamais été gérant d’Alpha-Distributions, mais seulement salarié et de marteler, que si dérives il y eu, elles sont l’oeuvre de son frère Rafik et de l’ancien gérant d’Alpha-Distributions, Farid Malmat. Faut-il s’attendre à un coup de théâtre ces 5 et 6 octobre ? A des révélations fracassantes ? Depuis sa démission -contrainte- de l’Elysée, le 3 décembre 2014, l’ancien protégé du chef de l’Etat n’a jamais parlé…Tout au plus répète-t-il, amer, à quelques amis socialistes, la phrase que lui avait lancé François Hollande, quelques jours après son départ : "Maintenant, il va falloir te défendre"…

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