François Asselin – CGPME : "Les patrons sont prêts à entendre que le gouvernement n’a pas les moyens de ses ambitions"<!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement table sur une hausse de 4,9% de l’investissement dans les entreprises pour 2016, contre 2,5% pour 2015.
Le gouvernement table sur une hausse de 4,9% de l’investissement dans les entreprises pour 2016, contre 2,5% pour 2015.
©wikipédia

Les bons comptes font les bons amis

Bercy a confirmé mercredi 16 septembre le report des allègements de charges pour les entreprises bénéficiaires du CICE. Dans le même temps, il annonce une série de prévisions sur lesquelles sera construit le budget 2016. Le président de la CGPME met en garde le gouvernement et l'incite à mettre en place des réformes structurelles pour maintenir la compétitivité des entreprises.

François Asselin

François Asselin

François Asselin est chef d'entreprise et président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).

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Atlantico.fr : Michel Sapin a annoncé mercredi le report de trois mois des allègements de charges salariales dans le cadre du CICE, prévues initialement au 1er janvier 2016. Votre réaction ?

François Asselin : Quand un chef d’entreprise annonce à son client, la veille de la livraison, qu’il sera livré trois mois plus tard, le client commence à avoir des doutes sur la capacité que peut avoir ce chef d’entreprise à tenir ses engagements. C'est exactement ce qui se produit avec cette annonce. Nous ne remettons pas en cause le cap fixé avec ce pacte de responsabilité, on regrette simplement ce coup de canif dans la confiance. On est, de plus, en droit de se demander quelle sera la prochaine surprise. N’oublions pas qu’entre 2014 et 2017, l'État a augmenté de 39,7 milliards d’euros les charges sur les entreprises et que le pacte de responsabilité, à fin 2017, représentera 40 milliards d’euros d’allègement. On vient donc simplement compenser ce que les entreprises ont subi en 4 ans, ce n’est pas assez, seulement la moitié du chemin est parcouru.

Ce décalage dans le temps va permettre de financer des incitations à l’investissement pour les TPE et les PME, n’est-ce pas finalement un mal pour un bien ?

Si à l’époque de ces annonces, on nous avait clairement indiqué que ces mesures étaient conditionnées au report d’autres annonces et d’autres mesures, autrement dit un système de vases communicants, le gouvernement aurait du avoir l’honnêteté intellectuelle de le dire. Nous ne sommes pas des chasseurs de primes, les chefs d’entreprise sont prêts à entendre que le gouvernement n’a pas les moyens de ses ambitions, encore faut-il l’expliquer nettement. Sur ces 15 dernières années, les entreprises françaises ont perdu de la marge comparativement aux entreprises étrangères. Nos entreprises, même en intégrant dans leur modèle économique ces mécanismes, sont aujourd’hui plus fragilisées dans leurs investissements.

Quel bilan faites-vous du CICE ?

C’est un excellent mécanisme pour une entreprise qui a un fort taux de main d’œuvre. Sans le CICE, beaucoup d’entreprises auraient mis la clé sous la porte car ce système permet de rester juste au-dessus de la ligne de flottaison. Rappelons que le CICE est arrivé à un moment où le tissu économique français comptait une moyenne annuelle de 63.000 défaillances d’entreprises, un chiffre considérable. On peut clairement dire que la mise en place du CICE a sauvé des entreprises. Ceci étant, cela ne règle pas tout car le grand enjeu aujourd’hui c’est de gérer la sortie du pacte de responsabilité après 2017 dans la mesure où les entrepreneurs qui en bénéficient l'ont intégré dans leur modèle économique.

Bercy a également indiqué que le Budget 2016 serait construit sur une hypothèse de croissance de 1,5%. Cela vous parait-il réaliste ?

La prévision parait réaliste à condition que les éléments qui "entourent" la zone euro, ce fameux "alignement des planètes", puisse se maintenir ainsi. Cependant, ce ne doit pas être un prétexte pour s’affranchir des réformes structurelles que ce soit sur le marché du travail ou sur ces grands déséquilibres entre la sphère publique et le secteur marchand, le créateur de la richesse. Rappelons qu’en 2014, la France détenait le triste record européen du pourcentage de la dépense publique dans le PIB à 57%. Nous avons besoin d’actions courageuses, reste à savoir si le gouvernement est prêt à aller de l’avant sur ces sujets d’ici 2017.

Le gouvernement table sur une hausse de 4,9% de l’investissement dans les entreprises pour 2016, contre 2,5% pour 2015. Au vu de cet écart, le chiffre vous parait-il crédible ?

Notons, que l’on part de très bas pour cette année car l’investissement dans les entreprises s’est érodé depuis 2008. Je pense que les effets du pacte de responsabilité commencent, petit à petit, à produire leurs fruits et, de fait, ce chiffre parait totalement atteignable. D’une part, nous avons un tissu économique fragile, donc le temps que les entreprises se refassent une petite santé, l’inertie est forcement plus importante. D’autre part, nous avons de vraies freins à l’embauche, et le chef d’entreprise attend d’avoir un carnet de commandes solide avant de réinvestir et ce, plus que s’il était dans un autre pays.

A la lecture des cette série d’indicateurs, quelle est votre lecture globale de la conjoncture ?

Nous avons, depuis deux ans, le bénéfice de conditions extérieures qui sont extraordinaires, même si nous n’y sommes pour rien. Pour les entreprises qui exportent en zone dollar, elles n’ont jamais été aussi bien positionnées avec la parité. Pour les entreprises qui ont des projets d’investissements, les possibilités d’obtenir des liquidités sont nombreuses. Pour les entreprises qui consomment de l’énergie, le pétrole est très attractif. Malgré cela, on patine encore. La vraie question qui se pose, c’est de savoir à quel moment les gouvernements qui se succèdent décideront d’entamer des réformes structurelles. Si nous ne faisons rien, l’Histoire retiendra que nous avons manqué de courage alors que nous savions tous parfaitement ce qu’il fallait faire.

Propos recueillis par Julien Gagliardi

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