L’étrange chasse aux cathos à laquelle donne lieu l'arrivée de Guillaume Zeller sur i-Télé <!-- --> | Atlantico.fr
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Guillaume Zeller, 38 ans, nouveau rédacteur en chef i-Télé, rebaptisée CNews.
Guillaume Zeller, 38 ans, nouveau rédacteur en chef i-Télé, rebaptisée CNews.
©Capture d'écran / www.franceinfo.fr

Amalgames

Sous l'impulsion de Vincent Bolloré, Guillaume Zeller, jusqu'ici rédacteur en chef de Direct Matin, reprend la rédaction en chef de la chaîne d'information i-Télé, rebaptisée CNews. A cette occasion, il a pu découvrir par voie de presse qu’il était un "catho tradi", avec tout ce que cela sous-entend de nauséabond.

Pauline de Préval

Pauline de Préval

Pauline de Préval est journaliste et réalisatrice. Auteure en janvier 2012 de Jeanne d’Arc, la sainteté casquée, aux éditions du Seuil, elle a publié en septembre 2015 Une saison au Thoronet, carnets spirituels.

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A l’occasion de sa nomination comme directeur de l’information d’I-télé, Guillaume Zeller, 38 ans, a pu découvrir par voie de presse qu’il était un "catho tradi". Et qui dit "catho tradi", dans les médias d’aujourd’hui, dit autre chose que simplement attaché aux traditions. L’appellation a pour vocation de pointer l’extrémisme supposé de celui qu’elle désigne et donc de le réduire au rang d’infra-humain. Quiconque est suspect d’être "catho tradi" est du même coup suspect d’être solidaire de ce que l’Histoire nous a appris à réprouver comme ayant été au cours de la Seconde Guerre Mondiale l’abomination la plus totale. Passons outre le fait que le procédé est digne du procès en sorcellerie de l’inquisition médiatique la plus noire. Passons outre le fait que c’est avec ce genre d’amalgame, toutes proportions gardées, que le capitaine Dreyfus fut déclaré coupable, forcément coupable, non seulement sur la foi de rumeurs malveillantes, mais du fait que ces rumeurs étaient accréditées par son appartenance à la minorité persécutée de son temps.

Si Guillaume Zeller s’est présenté à notre attention récemment, c’est d’abord et avant tout pour avoir écrit un livre intitulé "La baraque des prêtres : Dachau, 1938-1945". Comme le rappelle son éditeur, Tallandier, "de 1938 à 1945, 2720 prêtres, religieux et séminaristes sont déportés dans le camp de concentration de Dachau, près de Munich". Et plus loin : "Cette expérience unique dans l’histoire de l’Eglise éclaire d’un jour nouveau les rapports entre le nazisme et le christianisme. Près de 70 ans après sa libération, le camp de libération de Dachau demeure le plus grand cimetière de prêtres catholiques du monde." Alors, on se dit que le procédé insidieux visant à présenter l’auteur d’un livre qui démontre l’infamie du nazisme comme un extrémiste lui-même ajoute vraiment une saynète de plus à celles qu’Alfred Jarry a fait jouer à son père Ubu. De même, la réplique selon laquelle son profil irait à l’encontre des "valeurs d’humanisme et d’objectivité" requises par la direction d’une grande chaîne d’information.

Contentons-nous de mentionner, pour tâcher d’être humaniste et objectif, après les travaux de Jean Chaunu sur le christianisme et le totalitarisme, le livre récent de Sylvie Bernay : "L’Eglise de France face à la persécution des juifs",paru aux éditions du CNRS en 2012. Et renvoyons, là encore, à la présentation de son éditeur : "Sylvie Bernay montre que l’Église, contrairement à une idée reçue, se montre très réservée face à l’application des premières mesures antijuives. Son rejet des persécutions éclate au grand jour lors des rafles de l’été 1942, marqué par la protestation des évêques contre un régime de plus en plus compromis dans la mise en oeuvre de la « Solution finale ». Les documents découverts révèlent que les protestations des évêques de la zone libre ont été concertées avec le Vatican. Sylvie Bernay décrit pour la première fois les moyens employés par le Saint-Siège et l’épiscopat français pour empêcher la reprise des grandes rafles à l’automne 1942 et protéger les persécutés."

Mais cette saynète nous en rappelle une autre, qui avait fait la une de tous les grands journaux de son temps. Je veux parler de la reductio ad Hitlerum du "Panzerkardinal" Ratzinger en passe d’accéder au trône de saint Pierre. Le schéma était alors on ne peut plus pur : catholique et allemand, Benoît XVI ne pouvait être qu’un dévot du Führer. Devant l’énormité de l’accusation, surtout quand on sait la haine des nazis pour le christianisme, coupable selon eux de la dégénérescence de la race aryenne, il avait fallu que le cardinal Lustiger monte au créneau pour dire que "comme Allemand, il avait vécu les drames de la guerre, il était conscient du poids historique que représentait le nazisme comme déchirure dans l’Allemagne".

Question : pourquoi tant de haine ? Comment en est-on venu à présenter une contre-vérité historique comme une évidence de fait, au risque d’employer à son tour les méthodes les plus totalitaires ? Le père Ubu lui-même se demandait pourtant, dans un éclair de lucidité :"Il y a donc des gens que ça embête d’être libre ?"

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