Les Républicains : comment Nicolas Sarkozy pense avancer ses pions pour la primaire tout en jouant la carte de l’apaisement pour les régionales<!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy avance ses pions pour la primaire et les régionales.
Nicolas Sarkozy avance ses pions pour la primaire et les régionales.
©Reuters

Double "je"

Mercredi 2 septembre, dans une tribune publiée sur Facebook, l'ancien chef de l’Etat a expliqué que les élections régionales étaient sa priorité. Un conseil national et des tracts sont en préparation. A la Baule, samedi prochain, il développera l’une des thématiques de la campagne : la lutte contre la pensée unique.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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"Franchement, Nicolas Sarkozy a été correct. Il a laissé Juppé et Fillon faire leur rentrée politique sans dire un mot. Il aurait pu intervenir mais on ne l’a pas entendu, il était au Brésil, loin". Cette analyse étonnée n’émane pas du camp sarkozyste mais de l’entourage de Bruno Le Maire. Correct Nicolas Sarkozy ? Fairplay ? C’est, en tout cas, le costume qu’il a décidé d’endosser, prenant une fois de plus ses adversaires à contre-pied. On l’attendait remonté à bloc, boosté par la crise agricole ou l’afflux de réfugiés. Décidé à en découdre avec un Alain Juppé qui a fait une rentrée réussie grâce à son livre programme sur l’Education et un François Fillon qui, bien qu’à la traîne dans les sondages, n’a renoncé à rien. "Il a fait le choix de ne pas être présent médiatiquement afin de laisser tout le monde s’exprimer, il n’a pas voulu intervenir en même temps que François Fillon, Bruno Le Maire et Alain Juppé", affirme son entourage. Et c’est finalement via Facebook, par un texte très "vieux sage", que l’ancien chef de l’Etat a fait sa rentrée.

Presque aucun coup de griffe à l’égard de ses concurrents, pas de proposition choc. Des conseils, rien que des conseils adressés à de fougueux candidats par un président des Républicains investi dans sa mission. "Les élections primaires auront lieu à la fin de 2016. Les Français ne comprendraient pas que nous leur donnions le sentiment d’être obsédés trop tôt par cette échéance, écrit-il par exemple". Ou encore : " Les prochains mois doivent donc être consacrés à trois objectifs essentiels. Le premier sera de consolider notre unité". Après avoir clivé avant l’été, comparant les migrants à une fuite d’eau, sans grand succès. Après s’être pris les pieds dans la crise grecque en voulant doubler ses concurrents, réclamant la sortie du pays de la zone euro pour finalement se montrer conciliant, il change donc de registre. Un nouveau Sarkozy est-il né ?

Pas exactement. Cette discrétion, toute réfléchie, lui permet de se placer au-dessus de la mêlée, de ne pas être un candidat parmi d’autres, et de jouer les chefs de guerre de la campagne des régionales, espérant se servir de cet éventuel succès électoral comme d’un marchepied en vue de la primaire. Hier, il recevait les têtes de liste corses ainsi que Renaud Muselier qui représentait Christian Estrosi et Virginie Calmels tête de liste en Aquitaine. Il devrait ainsi accueillir, rue de Vaugirard, un groupe de candidats tous les 15 jours. Il va aussi entamer un tour de France des régions au rythme d’un ou deux déplacements par semaine, il commencera samedi dans le Doubs. Un département important qui, en février dernier, lors de la législative partielle destinée à désigner le remplaçant de Pierre Moscovici, a été le lieu de vifs débats sur l’attitude que l’UMP devait adopter face au FN. Nicolas Sarkozy entend y rappeler la ligne à tenir : "voter FN, c’est voter PS". L’après-midi, l’ancien chef de l’Etat sera à La Baule où il tiendra un discours autour de la pensée unique. Une thématique déjà abordée, hier, sur Facebook : "Cette nouvelle pensée unique, c'est celle qui veut faire croire aux Français que la reprise est là. C’est celle qui nous interdit de dire que le système social français est à bout de souffle, alors que les Français sont écrasés d’impôts, de charges, de normes, de contraintes. Celle qui a érigé les 35 heures en totem".

A La Baule, comme il le fera le 27 septembre lors d’un meeting de Valérie Pécresse, Nicolas Sarkozy retrouvera ses concurrents, Alain Juppé et François Fillon mais apparaitra comme le boss. "Il va rester connecté aux régionales", explique son entourage, soulignant ainsi, en creux, que c’est le collectif qui préoccupe avant tout l’ancien président alors que ses concurrents ne s’intéressent qu’à leur petite écurie. Il n’y a qu’à laisser les images parler d’elles mêmes : Bruno Le Maire réunira ses équipes le 12 septembre à Souston pour préparer la campagne, Alain Juppé travaille à un nouveau livre et s’adonne au jeu de la petite phrase comme, hier sur Europe 1, lorsqu’il tacle ses concurrents : "Je suis réaliste et modéré. Je ne me droitise pas pour faire plaisir à mon électorat". Quant à François Fillon, il sort prochainement un livre sur ses relations avec Nicolas Sarkozy. Le message est clair : les trois candidats sont investis dans leur propre campagne, n’hésitant pas à s’attaquer entre eux, alors que l’ancien chef de l’Etat se veut garant de l’unité et travaille pour le collectif : un conseil national sur les régionales aura lieu en Novembre, une campagne de tract  est en préparation, une journée de travail sur l’immigration le 16 septembre et une autre sur le code du travail sont aussi prévues.

Mais quoi qu’il en dise, le président des Républicains n’en oublie pas pour autant les primaires, et il y travaille discrètement. Les quelques phrases qui concluent sa tribune sur Facebook en sont la preuve : "Je m’adresserai dans les mois qui viennent à tous les Français. Je le ferai à ma manière, libre. Mon premier engagement c’est celui d’une démarche de vérité, sur le passé comme sur l’avenir, sincère, sans esprit de revanche, au service de la France". L’ancien chef de l’Etat entend bien s’adonner à une forme d’inventaire, même s’il reste toujours allergique au mot il en a compris la nécessité. Il souhaite, comme il l’a fait lors de sa rencontre avec les agriculteurs dans l’Yonne le 18 août, s’expliquer, décrypter son action passée.

Il continue, en outre, à placer ses hommes aux postes clés, ainsi vient-il de nommer Frédéric Péchenard, le directeur général de l’UMP, secrétaire départemental de la fédération de Paris. Un poste décisif dans le cadre de l’organisation de la primaire. Les secrétaires départementaux seront d’ailleurs réunis prochainement. L’élection du président des jeunes  Républicains, le 9 septembre, sera aussi l’occasion de placer des soutiens fidèles et utiles puisque ce sont traditionnellement les jeunes qui font la claque dans les meetings des uns et des autres et donnent, à la télé, cette atmosphère de liesse qui porte une campagne. Enfin, Nicolas Sarkozy mène un travail souterrain avec d’anciens collaborateurs, "il a, selon ses proches, des moments de réflexion personnelle qui ne sont pas destinés au socle commun".

Même s’il donne la priorité au scrutin de décembre, l’ancien président n’en oublie donc pas pour autant son propre avenir. Et la future échéance ne le contraint pas, elle lui permet bien au contraire de repousser son entrée en campagne qu’il ne souhaite pas trop précoce. Il évite ainsi le plus longtemps possible les attaques directes de ses concurrents, se maintient au-dessus de la mêlée, travaille à son programme mais aussi à celui de ses futurs adversaires comme il l’explique sur Facebook : "Notre troisième objectif doit être de bâtir un projet commun. Bien sûr, les ambitions des candidats déjà déclarés à l’élection primaire sont légitimes. Ce sont des contributions utiles et précieuses qui ont toute leur place au sein des Républicains. Mais nous devons veiller à ce que, quel que soit le candidat qui gagnera les Primaires, notre famille politique affiche une position commune sur un ensemble de sujets essentiels". Le voici qui vient de réduire, en une phrase, le livre d’Alain Juppé sur l’Education au rang de simple contribution. Au moins la qualifie-t-il d’utile. Dans le même temps, il confirme vouloir lier les mains des différents candidats en leur imposant les grandes lignes de leur programme. La campagne des primaires est donc bien lancée et Nicolas Sarkozy entend en dicter le rythme. Un art de la maitrise du calendrier dans lequel il a longtemps excellé.

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