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La gauche virerait-elle sécuritaire ?
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Changement de cap

"En matière de sécurité, le gouvernement va trouver à qui parler" : cette phrase prononcée par André Vallini, chargé des questions de justice de François Hollande, semble marquer une inflexion du discours de gauche sur les questions de sécurité, à l'approche de la présidentielle. La fin d'un certain angélisme ?

Hervé  Algalarrondo

Hervé Algalarrondo

Hervé Algalarrondo est journaliste politique et essayiste. A travaillé auparavant au Matin de Paris à France-Soir et au Nouvel Obs.

Auteur de plusieurs pamphlets contre le conformisme de gauche : « Les beaufs de gauche », éditions Lattès, "Insécurité : la gauche contre le peuple", éditions Robert Laffont, et "La gauche et la préférence immigrée", éditions Plon. Il vient de publier avec Daniel Conh-Bendit "Et si on arrêtait les conneries" (Fayard).

 

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Atlantico : Chargé des questions de justice de François Hollande, André Vallini s’est exprimé en marge de l’affaire Agnès. Il a notamment annoncé qu’ "en matière de sécurité, le gouvernement va trouver à qui parler". La gauche virerait-elle sécuritaire ?

Hervé Algalarrondo : Les réactions de la gauche, et spécialement du PS, sur l’affaire Agnès ont été particulièrement intéressantes quant à l’évolution des mentalités, de ce côté-là de l’échiquier politique, sur le terrain de l’insécurité. L’angélisme reste l’apanage d’une bonne partie de la gauche. Ce week-end, Benoît Hamon, porte-parole du PS, a adopté la posture traditionnelle du parti, en se contentant de considérer que le gouvernement était « nauséabond » de s’interroger sur les dysfonctionnements de la machine judiciaire.

Parallèlement, un certain nombre de socialistes proches de François Hollande, notamment  André Vallini, ont eu un discours plus positif, moins agressif, prenant en compte l’opinion publique, la gravité des faits. C’est relativement nouveau à gauche : souvent, personne au PS ne se manifestait sur ces faits divers, sinon pour dénoncer l’attitude de la droite. Nous avons pu entendre des propos mesurés, trouvant naturel que le gouvernement cherche à détecter d’éventuels dysfonctionnements.

Ségolène Royal, en 2007, avait déjà marqué une évolution sur ce sujet, mais d’une manière un peu atypique, personnelle, avec son langage militaire, son ordre juste. C’étaient de bonnes intuitions, mais il manquait une harmonie générale.  Là, une nouvelle position majoritaire émerge dans la galaxie socialiste : François Hollande devrait avoir un discours plus sécuritaire. Il semble vouloir rompre avec l’angélisme. Outre André Vallini, des personnalités comme François Rebsamen ou Julien Dray ne peuvent être taxés d’angélisme.

En 2002, Lionel Jospin avait déclaré : "Sur la question de l’insécurité, j’ai péché par naïveté ". La gauche aurait donc changé d'attitude ?

Le changement est relatif, mais la gauche, pendant longtemps, a voulu croire qu’il n’existait pas d’insécurité, mais un sentiment d’insécurité, que la droite et l’extrême-droite exploitaient. Aujourd’hui, la gauche se rend compte que la sécurité est un problème réel sur une bonne partie du territoire, particulièrement dans les zones où habitent les personnes défavorisées. Il est naturel, lorsqu’on est de gauche, de traiter ces problèmes, dans la mesure où la gauche se veut le porte-parole des plus défavorisés. Toutefois restons prudents, avant de diagnostiquer une vraie conversion de François Hollande et de la majorité du PS.

Malgré cette "conversion" que vous évoquez, le projet socialiste prône tout de même la suppression de la peine-plancher et des mesures de sûreté…

Cette nouvelle approche sécuritaire demeure timide. Jean-Jacques Urvoas, chargé des propositions sur la sécurité, a mis dans le programme du PS le désarmement des polices municipales, qui ne me paraît pas constituer une mesure urgente. Cette nouvelle approche se heurte à deux lobbies de gauche. Le lobby judiciaire, qui défend en toute circonstance la position des juges, et estime que ces derniers doivent pouvoir juger en pleine indépendance, sans les contraintes imposées par les peines-plancher ou des sanctions renforcées pour les récidivistes.

L’angélisme reste fort dans un  dossier mitoyen, à savoir l’immigration. La gauche socialiste prône la régularisation des sans-papiers ou le vote des étrangers. Des mesures défendables en soi, mais qui choquent beaucoup l’électorat populaire pour qui les immigrés ne sont pas seulement des victimes. Et le parti socialiste n’en parait pas conscient.

Pourquoi ce "lobby judiciaire" de la part de la gauche ?

Il existe une vieille méfiance de la gauche envers la police française. Vichy, la Rafle du Vel d’Hiv, le comportement de la police durant la guerre d’Algérie en France (même si c’était sous l’autorité de l’administration) sont passés par là… A l’opposé de cette méfiance, la gauche estime que les  juges défendent les  libertés et l’état de droit. La nécessaire appréhension par la gauche des vrais problèmes liés à l’insécurité, passe par un changement de mentalité, de culture, vis-à-vis des mondes judiciaire et policier. On ne peut pas toujours dénoncer les policiers lorsqu’il y a une bavure policière, et défendre systématiquement les magistrats face à une bavure judiciaire (ce à quoi s’apparente l’affaire Agnès).

Peut-on donc dire que la gauche comble un déficit d’image quant aux questions sécuritaires ?

Plus qu’un déficit d’image, elle comble son manque de compréhension de la société française et de l’évolution des mentalités au sein des catégories populaires. On ne peut plus faire comme si l’insécurité était uniquement une obsession d’électeurs lepénistes. Chacun sait que dans certains quartiers difficiles, les exactions commises sont nombreuses. Elles ne doivent pas être niées mais simplement traitées par les pouvoirs publics.

Propos recueillis par Romain de Lacoste

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