Fusillade dans le Thalys : faut-il rétablir le service national pour réintroduire un sentiment d’appartenance et se protéger les uns les autres ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Fusillade dans le Thalys : faut-il rétablir le service national ?
Fusillade dans le Thalys : faut-il rétablir le service national ?
©Reuters

"Allons enfants"...

Suites aux récents événements dans le Thalys, et aux trois Américains qui ont maîtrisé un terroriste présumé, la question du sens de la défense des Français resurgit.

Elyamine Settoul

Elyamine Settoul

Elyamine Settoul est sociologue à l'Institut universitaire européen de Florence. Il est spécialiste de la sociologie de la diversité dans les armées.

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Ces derniers jours, les médias sont en effervescence devant les trois américains qui ont maîtrisé le terroriste présumé dans le Thalys. Plusieurs d'entre eux évoquent le comportement "héroïque" de ces hommes et aimeraient, qu'en France l'idée de se lever pour son pays et pour protéger les autres se développe. Dans ce cadre, en quoi une reprise du service national pourrait-elle transmettre la volonté de mieux défendre son pays et les autres citoyens ?

Elyamine Settoul : Lors de l’attaque avortée du Thalys de nombreux médias se sont focalisés sur la nationalité des opposants à Ayoub Al Khazzani. Or je pense que l’on surdétermine ici la nationalité des personnes impliquées dans cet acte héroïque. Ces derniers ont montré une plus grande propension à intervenir non pas en raison de leur nationalité américaine ou britannique mais tout simplement du fait de leurs compétences professionnelles. S’il y avait eu des militaires français au même endroit et au même moment, ceux-ci auraient certainement tenté de s’interposer face à cet individu. Etre soldat implique d’avoir une bonne condition physique et une plus grande capacité à maîtriser son stress et sa peur. Autant d’aptitudes qui permettent de surmonter une configuration de tétanisation. De plus, bien que jeune certains ont eu une expérience militaire en Afghanistan qui est un terrain d’opération très difficile. 

Quelles valeurs le service national transmettaient, et tendent aujourd'hui à manquer dans notre société ? Dans quelle autres sphères ces valeurs-là peuvent-elles se transmettre ?

A l’instar des églises et des écoles, le service national contribuait à cultiver un sentiment d’appartenance parmi la communauté nationale. L’habitant issu du milieu rural y croisait le citadin, le modeste rencontrait le favorisé et le fils d’immigré le français établi plus anciennement. Génératrices de liens sociaux, ces institutions participaient de la solidarité nationale. C’était en grande partie la philosophie de la troisième République. Aujourd’hui les écoles sont entrées dans un processus d’homogénéisation sociale voire de ghettoïsation, les églises sont désertées et le service national a été suspendu. Il n’y a donc plus de véritable espace de brassage social et de lieux permettant aux Français de se côtoyer. C’est cette dimension sur laquelle il faut réfléchir et agir afin de lutter contre l’individualisme et renforcer le vivre-ensemble.  

Pourquoi les Français apparaissent toujours comme moins prêts à se dépasser pour les autres, ou pour des adeptes de la dilution de responsabilité ?

Je ne crois pas que les Français se dépassent moins pour les autres comparativement à d’autres pays. Mais il est vrai que l’on a assisté ces dernières années à une tendance au repli national. Il nous faut des discours publics davantage en phase avec la réalité sociale. On a en France une classe politique qui distille un discours axé sur l’auto-flagellation et le pessimisme. Autre indicateur, les ouvrages des intellectuels les plus catastrophistes font également les meilleures ventes. La crise actuelle des réfugiés syriens est un bon exemple de ce repli national. La Turquie accueille aujourd’hui presque 2 millions de réfugiés fuyant une guerre civile meurtrière tandis qu’en France on s’interroge sur les possibilités d’en accueillir quelques milliers. Cela va contre l’esprit historique de la France et n’incite évidemment pas à la fierté. Or de ce sentiment de fierté dépendra aussi le niveau d’engagement des citoyens pour la collectivité.  

Comment peut-on faire renaître en eux l'idée que chacun peut se dépasser pour défendre ou être utile pour son pays ou pour les autres ?

Il faut avant tout renforcer tous les dispositifs qui valorisent l’intérêt général et le brassage social. Le service civique est une piste intéressante. Il permet à des jeunes de 16 à 25 ans de s’engager pour une cause au service de la société. Cela revitaliserait le sentiment d’appartenance à la collectivité nationale parmi la jeunesse et mécaniquement la solidarité. Lutter contre les logiques de "communautarisation par le haut" que pratiquent certaines villes à travers leur refus de construire des logements sociaux et qui de fait accentuent la pression sur les communes plus populaires. D’autres pistes doivent être creusées. Il faudrait par exemple mettre en place une carte scolaire plus coercitive afin de créer de la mixité sociale. L’expérience montre qu’en laissant les parents choisir l’école de leurs enfants, on ne fait que renforcer les dynamiques de ghettoïsation. Une approche purement répressive de ces questions est vouée à l’échec. Lorsqu’ Alain Vidalies demande plus de contrôles au faciès et que l’on sait qu’aujourd’hui les minorités visibles sont de 8 à 10 fois plus contrôlés que le reste de la population, on peut se demander à combien voudrait-il élever ce taux, 15, 20 ? Rassurant en théorie, ce type de mesure est contreproductif car on créée difficilement de la cohésion sociale et de la solidarité nationale avec des méthodes répressives.

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