De Montebourg à Varoufakis, la gauche extrême pose des questions mais n’apporte aucune réponse<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Yanis Varoufakis.
Yanis Varoufakis.
©

L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

L’extrême gauche a beau faire beaucoup de bruits et agiter nos bons sentiments, Arnaud Montebourg et Yanis Varoufakis, auto-proclamés leaders de la gauche radicale en Europe, n’ont aucune politique alternative à proposer.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Arnaud Montebourg et Yanis Varoufakis se sont taillés un joli succès populaire et médiatique ce week-end en France et en Europe. Fort de leur parcours qui est un peu semblable, ils se positionnent comme les principaux adversaires du système de gouvernance européenne  et portent un discours très émotionnel sur la situation économique. Ce qui leur vaut de rallier la sympathie d’une majorité des victimes de ce système et de tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans les gouvernances en place, y compris quand ces gouvernances s’affichent à gauche.

Bref, ils se positionnent clairement comme les leaders d’une opposition de gauche radicale à ce qu'ils appellent la politique européenne d’austérité. Cette dernière serait voulue et téléguidée par la toute puissante Allemagne.

Ces deux-là, ont tout compris pour profiter de la machine médiatique et capitaliser  le mécontentement de beaucoup, devant la crise.

D’abord, ils se sont drapés dans une stature de victime, ce qui leur donne, croient-ils, une certaine légitimité. Ils ont été exclus des gouvernements auxquels ils appartenaient parce qu'ils n’étaient pas d’accord avec la ligne suivie à Paris et à Athènes. Ils se positionnent du même coup comme radicalement opposés à la politique de l’Eurogroupe et de ce qu’ils appellent l’austérité.

Ensuite, ils ont trouvé des bouc émissaires qui tombent à pic. L’Allemagne, Angela Merkel, le président de la Commission de Bruxelles, celui de la BCE ou encore Christine Lagarde au FMI.

Enfin, le diagnostic qu'ils formulent n’est pas faux. L’Europe n’était pas responsable de la crise et elle en subi les effets. On lui demande de faire des efforts d’assainissement et la plupart des pays du Sud ont du mal à profiter de ces efforts.

Le problème de cette équation, dont les principaux ressorts sont l’émotion, le compassionnel et le bouc émissaire, c’est qu’elle ne débouche sur aucune alternative crédible. D’ailleurs, à Paris comme à Athènes, à Madrid comme à Rome, il n'y a pas de politique alternative.

Quand on écoute les discours et les programmes, on découvre des diagnostics qui correspondent à la réalité, mais on tombe sur des réponses de politique alternative qui, elles, ne correspondent à rien. 

Du coup, cette gauche radicale soulève la sympathie d'une partie de l’opinion publique mais elle la conduit directement dans le mur. L’aventure grecque avec Syriza et AlexisTsipras illustre à merveille, l’impossibilité de trouver une porte de sortie compatible avec les idées qui permettent d’accéder au pouvoir.

Alexis Tsipras a fait campagne contre l’Europe du Nord, l’organisation européenne, la nécessite d'annuler les dettes, contre l’euro... Bref, une campagne ultra "gauchiste", très populiste et vraiment démagogique. Une fois arrivé au pouvoir, il s’aperçoit que son "programme de rupture" est inapplicable parce qu'il repose sur l’argent et le crédit des partenaires européens auxquels on n’a pas demandé l'avis.

Au bout de quelques mois, les partenaires européens refusent de payer les factures. Du coup, le pays risque la faillite et la ruine totale. L’ordre public est en cause quand les banques sont obligées de fermer. Devant ce risque de catastrophe, le premier ministre Alexis Tsipras a été obligé de ravaler son chapeau, d’aller à Canossa et d’accepter de négocier avec les créanciers. Lesquels demandent des garanties que Tsipras accorde, évidemment, en contradiction avec les engagements électoraux. Du coup, il n’a plus de majorité pour le soutenir. Il démissionne pour en reconstruire une, sur des bases différentes.

Son ministre de l’Économie, qu’il a obligé à partir, prend la posture de l’opposant pur et dur et continue de porter les convictions de départs alors que la preuve a été administrée au pays que ces convictions étaient irréalistes.

Les convictions de gauche et d'extrême gauche sont inapplicables, pour une raison très simple : un pays membre de l’euro ne peut pas vouloir rester dans l’euro sans respecter les règles de fonctionnement de cet euro. Ou bien on participe à la communauté européenne et on suit le règlement de copropriété. Ou, on ne participe pas à la communauté et on en assume les conséquences.

Un pays ne peux pas voter tout seul pour obliger ses voisins à payer pour lui. La légitimité démocratique ne donne pas de pouvoir pour changer la gouvernance des autres.

Pour sortir de ses contradictions internes et proposer une véritable politique alternative, il faudra que les mouvements d’extrême gauche prennent en compte les contraintes ou les évolutions actuelles. La réalité s’impose très rapidement. Elle est très simple.

D'une part, tous les pays vivent dans un monde globalisé. La mondialisation est un fait auquel on n’échappe pas...  ou alors, on s’enferme comme la Corée du Nord. L’organisation de cette économie mondiale est fondée sur la concurrence et par conséquent sur la spécialisation internationale. Pour affronter cette concurrence il faut utiliser sa compétitivité.

D'autre part, tous les pays européens ont profité de l'adhésion à l'Europe. Contrairement à ce que l’on dit, l’organisation européenne est très démocratique, trop parfois. Toutes les décisions sont prises par des délégations de gouvernances nationales. Que ces gouvernements n’utilisent pas assez leur responsabilités et leur compétence est une chose qu’il ne faudrait pas nier. Le système n’est pas en cause. Les hommes politiques ne l’utilisent pas…

Cela dit, cette gauche radicale qui semble se former en Europe et dont Varoufakis et Montebourg se verraient bien en leader…  Cette gauche extrémiste ne sera pas crédible et responsable, capable de gouverner tant qu'elle n’aura pas clarifié sa position sur un certain nombre de dossiers clés : Sur l’euro : faut-il en partir ou rester dans la zone en en payant le prix ? Sur le modèle social européen, comment le financer à partir du moment ou un pays ne peut plus emprunter aux autres. Mais aussi sur la mondialisation, comment protéger les industries nationales et qui paie le prix du protectionnisme, et sur la fiscalité. Enfin, sur la technologie et la modernité, sur l’innovation, sur le fédéralisme et sur l’immigration.

Tous ces dossiers ne sont pas des marqueurs de droite ou de gauche. Ce sont des marqueurs qui partagent les partisans d’une politique réaliste et responsable qu'ils soient de droite ou de gauche et ceux qui vivent dans l’utopie, c’est-à-dire dans l’extrémisme.

La gauche et l’extrême gauche pose parfois des vraies questions. Les réponses qui leurs sont apportées sont, elles, nulles. Il y a deux façons d’être utopiques. Par romantisme, et c’est louable. Ou  par cynisme pour arriver au pouvoir et c’est méprisable.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !