Un an après la réforme Peillon, le désastreux bilan des rythmes scolaires<!-- --> | Atlantico.fr
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Les inégalités scolaires se creusent.
Les inégalités scolaires se creusent.
©Reuters

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Deuxième rentrée pour les écoliers sous les nouveaux rythmes scolaires, et les inégalités se creusent. Alors que l'Etat baisse les dotations, certaines villes se trouvent obligées de demander aux parents de mettre la main au portefeuille, pour ouvrir les portes de leurs écoles et financer les activités.

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli est professeur agrégé de lettres, enseignant et essayiste français.

 Il est l'auteur ou le co-auteur d'un grand nombre d'ouvrages parus chez différents éditeurs, notamment  La Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et La société pornographique (Bourin, 2012)

Il possède également un blog : bonnet d'âne

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Atlantico : La mise en place de la réforme des rythmes scolaires va souffler sa première bougie. Quel bilan peut-on dresser, un an après, de cette réforme ? Les objectifs fixés par le gouvernement ont-ils été atteints ?  Est-elle à la hauteur de leurs ambitions ?

Jean-Paul Brighelli : Quelle était l'ambition de Vincent Peillon ? Je me le demande encore. Après avoir lancé une grande Refondation de l'Ecole, à laquelle ont été invités les 2000 (au moins : le grand amphi de la Sorbonne était bourré) acteurs principaux de l'Education, près de deux mois de concertation et de réunions, le système a accouché de la réforme des rythmes scolaires. Il n'y avait donc rien de plus urgent ? J'y reviendrai.

En tout cas, ce qui ressort des retards à l'allumage et de la mise en place progressive, c'est que les municipalités riches (celles où les impôts locaux rentrent bien) ont mis en place des projets parfois intéressants — mais pas plus intéressants que d'apprendre à lire et à écrire. ET que les communes pauvres prient les parents de mettre la main à la poche pour l'option foot. J'ai prévenu, à l'époque, que la gauche mettait en place une discrimination sociale hypocrite, mais renforcée. Le collège de Vallaud-Belkacem m'a donné raison.

Les parents qui renâclent passent pour des empêcheurs de faire du ludique en rond. Les autres récupèrent des enfants crevés — particulièrement en maternelle où ça se passe le plus souvent entre midi et deux. Ah, pour être ludique, c'est ludique ! L'essentiel, n'est-ce pas, c'est que les enfants ne s'ennuient pas, dit le ministre. Qu'ils reviennent chaque soir chargés de nouveaux savoirs n'intéresse pas les crétins qui officient rue de Grenelle.

Dans certaines communes, la rentrée 2015-2016 signe la fin de la gratuité ou l'augmentation du coût des activités périscolaires pour les familles. En juin, un rapport indiquait que la moitié des communes demandaient aux parents de mettre la main au portefeuille afin d'aider à financer ces activités. Quelles en sont les conséquences ? Qui sont les plus touchés ?

Les plus pauvres sont toujours les plus touchés — qui s'en étonnera ? L'enseignement fondé par Jules Ferry était gratuit. Désormais, celui de la gauche socialiste est partiellement payant. De la même façon, il était laïc. Mais désormais les mères voilées peuvent accompagner les enfants — pour donner l'exemple.

Et la ponction sur le portefeuille n'est rien, par rapport au déficit d'enseignement. S'il fallait évidemment rattraper la demi-journée que Xavier Darcos, acculé par Bercy, avait supprimée, c'était pour restaurer des heures de cours, pas des animations payantes autour de l'art du macramé.

Le vrai déficit est un déficit de connaissances, un déficit de travail, la fin de l'incitation à l'effort. À la question "Qu'as-tu appris à l'école aujourd'hui ?", les enfants devraient apporter chaque soir des réponses précises. C'est cela, l'ambition d'une vraie école républicaine — cela, et pousser chaque élève non pas uniformément (l'égalitarisme tue l'égalité) mais chacun au plus haut de ses capacités.

Parallèlement, la baisse des dotations de l'Etat fait souffrir davantage les communes en difficultés. A quelle échelle et dans quelles mesures une inégalité géographique se crée ?

Je vous renvoie au livre de Christophe Guilluy, l'un des plus marquants de l'année scolaire qui vient de s'écouler. Dans la France périphérique, il décrit très bien la dissociation entre des villes riches (Paris étant la caricature des cités radieuses) et des périphéries (y compris l'essentiel des campagnes) abandonnées à leur sort, au vote FN, et au communautarisme.

Le PS est définitivement un parti de citadins aisés (d'ailleurs, rue de Solférino, c'est le VIème arrondissement — pas franchement la zone), qui ignorent la vraie vie de la vraie France, celle qui souffre parce qu'elle se lève tôt pour travailler, et souvent qui se lève tard parce qu'elle n'a pas de boulot. Et c'est à ces gens que l'on demande une "contribution" pour que leurs enfants apprennent — apprennent quoi ?

La réforme des rythmes scolaires a été voulue par des gens qui ont inscrit leurs enfants à l'Ecole alsacienne ou à Saint-Stanislas (dans le VIème aussi) — car ces gens "de gôche" ne répugnent pas à inscrire leurs petits chéris dans le privé, même confessionnel — et qui trouvent très tendance la peinture sur soie ou l'apprentissage du chinois. Partout ailleurs le niveau s'effondre, et l'urgence est d'apprendre à lire, écrire, compter — et les rudiments d'une culture française. Grâce aux "héritiers" au pouvoir, les déshérités le restent. Et ceux qui sont nés dans la rue y restent aussi.

Le discours officiel, c'est bla-bla et bonnes paroles.

Comment expliquer les défaillances de cette réforme ? Sont-elles dues à la précipitation dans son élaboration ?

Non. Rien n'a été improvisé. Peillon se préparait au job au moins depuis deux ans. Mais il a fait entrer avec lui le renard dans le poulailler — en clair, des théoriciens de la pédagogie qui piaffaient depuis l'échec de Ségolène Royal en 2007. Ce sont des chevaux de retour qui ont voulu mettre le paquet avant de mourir. Les rythmes scolaires, les ESPE, la réforme du collège (ré-associant CM1/CM2/ Sixième, pour "primariser" les enseignements et faire passer les collègues instits au collège) et les nouveaux programmes, sont autant de manifestations de cette furia novatrice dont on sait qu'elle est mortelle. Cela fait déjà trente ans qu'ils sévissent. Ces diverses réformes sont le coup de pied de l'âne — pardon : des ânes.

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