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L'astronaute, ce mythe en perte de vitesse
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Conquête spatiale

Nicolas Sarkozy a rendu visite au Centre national d'études spatiales ce mardi, pour célébrer les 50 ans de cet organisme. Désormais la conquête spatiale française s'inscrit dans un cadre européen et souffre d'un manque de moyens et de perspectives.

Jacques Villain

Jacques Villain

Jacques Villain est ingénieur, spécialiste de l'histoire de la conquête spatiale, membre de l'Académie de l'Air et de l'Espace.

Il est l'auteur de Irons-nous vraiment un jour sur Mars ? (Vuibert, février 2011)

 

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Atlantico : Nicolas Sarkozy est en visite au CNES ce mardi. Où en est la conquête spatiale française ?

Jacques Villain : Il est difficile de parler de programme spatial français, dans la mesure où la moitié du budget de l’espace en France va à l’Agence spatiale européenne (ESA). Aujourd’hui, le CNES gère les satellites d’application, et non les vols habités qui sont du ressort de l’ESA, ou même les grands programmes d’exploration du système solaire qui en dépendent aussi, bien que la France lance parfois une sonde ou un satellite pour observer telle ou telle partie du système solaire. Mais l’ESA a en charge la plupart des fonctions.

Certains petits programmes restent exclusivement français, ou binationaux avec les Etats-Unis, mais la majeure partie relève de la coopération européenne. Il y a quelques semaines a eu lieu le premier lancement d’un Soyouz à partir de Kourou, à l’initiative de l’ESA, en accord avec la Russie. Tout ce qui se passe en termes de lanceurs est européen, à l’instar du programme Ariane. Pour la simple raison que nous n’avons pas le choix. Le 31 juillet 1973, lorsque les ministres se sont réunis, les deux options étaient soit de rester les bras croisés, parce que la France n’avait pas les moyens de développer un lanceur, soit de s’associer avec d’autres Etats : Ariane est née ainsi.

Le budget du CNES (de l’ordre de 1700-1800 millions d’euros) est stable, mais il ne sera pas augmenté à cause de la conjoncture économique. Il permettra néanmoins de continuer des programmes en coopération avec les Etats-Unis sur certains sujets… Néanmoins, ils sont, eux-aussi, dans une situation délicate, donc le nombre de programmes en coopération ne va pas croître d’une manière significative.

Quant à l’ESA, l’Europe n’a plus de navette spatiale. Le seul moyen pour effectuer des vols habités vers la station internationale est d’utiliser le Soyouz russe, qui est un peu monopolisé par les Russes et les Américains. S’il reste des places disponibles alors on propose à l’Europe, mais il s’agit d’un lancement tous les ans ou tous les 18 mois. Ça ne va pas plus loin.

L’agence spatiale européenne n’aurait-elle pas intérêt à développer sa propre navette ? 

Les Européens n’ont jamais envoyé d’astronautes dans l’espace par leurs propres moyens. Ce n’est pas leur stratégie. Ça ne le sera sans doute jamais. Quand on regarde le budget de la NASA, qui s’élève à 18 milliards de dollars, 5 milliards étaient consacrés aux vols habités.

L’Europe ne semble pas en mesure d’investir autant dans ce domaine. On continuera donc à prendre le strapontin dans le vaisseau Soyouz pour se rendre à la station spatiale internationale. L’Europe n’a pas de lanceur capable d’envoyer des astronautes. Il faudrait modifier Ariane 5, ce qui impliquerait un coût plus que conséquent. Ce n’est pas dans nos projets. Une réflexion a été lancée voici deux ans, mais les conclusions n’ont pas encore filtré : si rien n’est communiqué c’est qu’il n’existe pas d’ambition débordante de ce côté-là.

Quelle est l’utilité, aujourd’hui, de continuer un programme spatial ?

Cela dépend de quel aspect des choses on parle. La « conquête de l’espace » comprend quatre volets :

  • Les vols habités, autour de la Terre, et éventuellement autour de la Lune ou autre. Cet aspect est en train de s’étioler. Les Américains  n’ont plus vraiment d’ambitions de ce côté-là, puisque Obama a annulé le programme correspondant sans fixer de date de reprise. La situation est la même sur le plan international.
  • Les sondes automatiques pour explorer le système solaire : cet aspect continue, puisque les Russes ont lancé la sonde de Phobos Ground, mais le lancement a échoué, alors que c’était le premier lancement de sonde de la Russie depuis 1996. Les Russes vont donc sans doute revoir leurs ambitions à la baisse. Les Européens et Américains ont envoyé des sondes pour explorer Mars, Saturne… L’activité continue, mais pas autant qu’auparavant, toujours pour une question de moyens.
  • L’apport des satellites à la vie quotidienne, qui, pour le coup, est en continuel essor. Il concerne les systèmes de localisation (tels que le GPS), la météorologie, les télécommunications, la surveillance de la terre avec recherche géologique… La construction du viaduc de Millau n’aurait pu se faire sans les GPS. Ces applications quotidiennes des satellites sont les plus développées aujourd’hui, bien qu’elles soient occultées, car moins fascinantes que l’envoi d’hommes dans l’espace.
  • Les satellites militaires : c’est le seul domaine où l’Europe monte véritablement en puissance, sans pour autant arriver au niveau des Etats-Unis ou de la Russie. Ce sont les satellites d’observation, d’écoute électronique, de surveillance anti-missile.

L’image de l’astronaute est un mythe en perte de vitesse. Pour des raisons financières bien sûr, mais aussi parce qu’on ne sait trop quoi en faire. Il n’y a aucune de vision. Sur Mercure il fait 400 degrés, sur Vénus 470, Jupiter et Uranus on ne peut y aller, il ne reste donc que Mars. Mais un programme pour aller sur Mars coûte aujourd’hui, au bas mot, 400 ou 500 milliards de dollars. Aucune nation ne peut dépenser une telle somme, et une coopération internationale est inenvisageable, parce que ce n’est la priorité de personne.

La Chine est-elle la puissance spatiale du futur ?

La Chine émerge depuis longtemps, leur premier satellite a été lancé en 1971. Ils lancent une dizaine ou une quinzaine de satellites par an, c’est-à-dire bien plus que l’Europe. Mais les Chinois ont franchi un pas en 2007 en envoyant un satellite d’observation de la Lune. C’est la première fois qu’ils sortaient de l’orbite terrestre. Les Japonais et les Indiens l’ont aussi fait. On voit donc l’avènement de puissances spatiales dans l’observation du système solaire. La Chine s’est aussi donnée comme ambition de faire une station orbitale, à l’instar des soviétiques il y a 40 ans.

Propos recueillis par Romain de Lacoste

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