Varoufakis chez Montebourg : le retour de l’ancien ministre du Redressement productif est-il une menace crédible pour François Hollande ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Arnaud Montebourg a convié l'ancien ministre des Finances grec à la Fête de la rose le 23 août.
Arnaud Montebourg a convié l'ancien ministre des Finances grec à la Fête de la rose le 23 août.
©Reuters

Trouble-fête

Un irrévérencieux en invite un autre. Arnaud Montebourg a convié l'ancien ministre des Finances grec à la Fête de la rose le 23 août. Le socialiste français n'a pas quitté la scène politique, même si sa stratégie est loin d'être claire.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Atlantico : Alors que Arnaud Montebourg a décidé d'inviter à Frangy-en-Bresse l'ancien ministre grec débarqué lui aussi de son gouvernement, dans quelle mesure le socialiste français peut-il gêner François Hollande pour 2017 ? Quelle influence peut avoir l'ancien ministre de l'Economie au sein du PS, avec les frondeurs ?

Eddy Fougier : Il peut incarner un "pôle critique" à l'égard de François Hollande, qui est aussi incarné en partie par Martine Aubry avec un poids politique et une capacité de rassemblement beaucoup plus large. Les frondeurs  représentent aussi cette opposition.
Arnaud Montebourg est assez seul de ce point et je doute de sa capacité de rassemblement. Plutôt solitaire, quelques proches l'entourent  mais il n'a pas de véritable courant. L'ancien ministre de l'Economie et du Redressement productif peut avoir une certaine capacité de nuisance, cela est certain, en faisant notamment planer la possibilité d'une candidature. Mais à la différence d'Aurélie Filippetti ou de Benoit Hamon, Arnaud Montebourg ne siège pas à l'Assemblée nationale. Pour l'instant, sa stratégie politique est peu visible et sa capacité de rassemblement paraît faible, au-delà de l'aspect médiatique.

Les frondeurs n'ont pas nécessairement envie d'avoir une tête de pont, et encore une fois, Arnaud Montebourg est plutôt un cheval fou sans réelles troupes derrière lui. Plutôt solitaire, il n'est pas à même d'incarner cette fronde. Si une personnalité politique devait incarner cette fronde, ce serait davantage Martine Aubry. Or elle est rentrée dans le rang, comme en témoigne le dernier Congrès PS. Arnaud Montebourg est un personnage assez atypique, médiatique, presque "people" maintenant. Sur le plan politique, je ne suis pas certain qu'il ne soit pas aussi seul que Varoufakis actuellement. La fête de la rose va donc être la réunion des grands solitaires !

Mais alors comment, dans ce contexte, peut-on lire sa stratégie politique ? En se lançant dans entrepreneuriat, que prépare-t-il ?

Depuis son éviction, il n'a plus de visibilité. Sa formation à l'INSEAD s'est lourdement confrontée au monde de l'économie réelle ce qui est particulier pour un ancien ministre de l'économie. En devenant vice-président d'Habitat et en annonçant à plusieurs reprises sa volonté de créer une entreprise, il a renoncé à certains mandats. Il semblait se tourner davantage vers le monde économique et la société civile que du côté de la sphère politique classique. Est-ce reculer pour mieux sauter ? D'autres se sont retirés de la vie politique et sont revenus, à droite comme à gauche. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon avait annoncé dernièrement qu'il voulait prendre un peu de recul par rapport au monde politique, ce qui ne l'a pas empêché d'être assez présent sur le plan médiatique. Concernant Arnaud Montebourg, cela reflète surtout une difficulté à anticiper son avenir personnel au-delà de l'aspect politique, entre le monde de l'économie et éventuellement le monde de la politique, et ce, même si effectivement au fond de lui il a très certainement cette ambition de revenir sur le devant de la scène politique. Je doute que cela se fasse en 2017, mais sûrement un peu plus tard. Ses idées sont marquées, souvenez-vous, c'était le promoteur du concept de "démondialisation". Il bénéficie toujours d'un capital de sympathie chez les militants et chez une partie des Français. Arnaud Montebourg est un bon client pour les médias, et il est encore jeune. S'il semble posséder toutes les caractéristiques pour avoir un avenir politique, pour l'instant on a surtout l'impression qu'il se pose beaucoup de questions!  Il est dans cette phase de réflexion personnelle, tout en gardant un caractère de provocateur. Son rapport sur Guérini reste dans les esprits, ou le fait qu'il ait voulu intenter un procès contre le président Chirac. Varoufakis aime aussi le jeu de la provocation.
Arnaud Montebourg le provocateur sera toujours présent tout comme l'ambitieux avec un grand A dans le paysage politique. Mais certainement pas tout de suite. 

Aurait-il davantage de chances de séduire à la gauche de la gauche ou vers un électorat d'extrême gauche qu'au sein du PS ?

C'est toujours la question qu'on se pose concernant Arnaud Montebourg. Il y a cette frange électorale qui va de l'aile gauche du PS jusqu'au NPA pour aller vite dont les voix pourraient se concentrer sur une personnalité politique. Mélenchon avait tenté sa chance. Mais quand ce dernier a proposé aux frondeurs de rejoindre le Front de Gauche, ils ont opposé une fin de non-recevoir. Et je ne suis pas certain qu'Arnaud Montebourg puisse incarner la synthèse pour cette aile.
Pour un électeur du Front de Gauche, quelqu'un qui est vice-président d'Habitat et qui a fait sa formation à l'INSEAD sera difficilement le porte drapeau rouge.

 Il est porteur d'un certain nombre de convictions et des convictions qui ont été mises en œuvre de façon un petit peu caricatural. Rappelez-vous l'épisode où il posait pour le Parisien avec une marinière. Il a incarné ce qui est très populaire en France : un volontarisme, le fait qu'il cherche à agir comme Nicolas Sarkozy l'avait fait, y compris lorsqu'il était ministre de l'Economie. En général, cela plait aux électeurs de gauche comme de droite – Montebourg n'était pas particulièrement impopulaire à droite. C'est quelqu'un qui a défendu l'outil industriel français, le "made in France", autant d'éléments positifs à son crédit. Est-ce le levier sur lequel il peut s'appuyer pour rassembler la gauche radical ? Je n'y crois pas.

Quid de la présidentielle de 2022 ? Aurait-il ses chances ? François Hollande doit-il craindre un candidat Arnaud Montebourg en 2017 ?

Arnaud Montebourg a 52 ans aujourd'hui, il aura 59 ans en 2022… Il rentre-là dans les clous ! Si le PS perd aux prochaines présidentielles, cela sera l'occasion pour la gauche de faire un grand aggiornamento idéologique programmatique et il pourra s'y inscrire. N'oublions pas qu'il a été l'un des critiques à la fois interne et externe au gouvernement les plus virulents. Dans le cas d'une victoire de la gauche en 2017 il pourrait éventuellement faire partie d'un nouveau projet de gauche par exemple. Même si avec François Hollande cela restera un peu compliqué, Arnaud Montebourg pourrait être le symbole d'une aile gauche à qui le président de la République tendrait la main. Cela marquerait la grande réconciliation des gauches suite à une éventuelle victoire.

A l'image de Ségolène Royale, Arnaud Montebourg est davantage un personnage médiatique que politique au sens stricte du terme.  Ils sont assez peu enclins à faire des compromis, à essayer de créer des groupes d'affinités… Ils sont surtout connus pour leurs annonces ou sorties assez spectaculaires. On se souvient de l'affaire du Nutella avec Ségolène Royale ou des propos d'Arnaud Montebourg sur Florange. On a fait le reproche à François Hollande d'avoir un gouvernement avec de nombreuses têtes inconnues, ce genre de personnalités peut amener un regard de l'opinion plus favorable.

Il y a assez peu de candidats potentiels à gauche face au candidat sortant. François Hollande a affirmé cet été qu'en cas de mauvais chiffres du chômage, il ne se représenterait pas.
Arnaud Montebourg est un officier sans fantassin derrière. Il est assez seul. Cela le différencie de Martine Aubry par exemple ou des frondeurs. Il y a peu de chances que les frondeurs veulent de lui, Arnaud Montebourg est un personnage peu contrôlable, et Martine Aubry a une légitimité bien plus forte. Il a des capacités en éloquence non négligeable, une certaine aisance dans la provocation qui séduit les médias mais l'ancien ministre de l'Economie ne peut pas faire la synthèse assez typique de François Hollande par exemple. Sur le plan politique, Arnaud Montebourg ne peut pas aller très loin dans la perspective de 2017.

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