Grèce : la négociation du 3e plan d’aide se passe très mal <!-- --> | Atlantico.fr
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Alexis Tsipras.
Alexis Tsipras.
©Reuters

Editorial

Les représentants de la Troïka (Bruxelles, BCE et FMI) sont à Athènes pour définir les modalités du 3e plan d’aide et de soutien à l'économie grecque tel qu'il a été projeté par les pays de la zone euro. Il y en a quand même pour 80 milliards d’euros. Sauf que ça se passe très mal : Athènes traîne des pieds, les créanciers ne s’entendent pas et le FMI pose ses conditions qui sont assez contradictoires avec ce que les créanciers avaient demandé. Et le pire, c’est que pour une fois, le FMI a raison.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le conseil d’administration du FMI a semble-t-il donné de nouvelles instructions à Me Lagarde pour éviter qu‘on la prenne pour la coupable de toute les difficultés de la Grèce. Mme Lagarde qui s’était pratiquement fait virée des négociations politiques parce que les Grecs considéraient le FMI comme le principale responsable de toutes leurs misères est revenue dans le jeu, à la demande de tout le monde mais cette fois-ci avec des précautions d’usage.

La négociation entre la Grèce et les créanciers tourne au vinaigre en attendant un niveau psychodrame, alors que tout doit être bouclé pour le 20 août.

Acte 1 : on était donc parti sur un accord politique entre les dirigeants de la zone euro et le gouvernement Tsipras. Au terme de cette accord, arraché aux forceps, les Européens ont accepté le principe d’un 3e plan de financement d’environ 80 milliards d’euros, ils ont aussi accepté un financement provisoire en attendant que tout soit réglé et notamment un re-approvisionnement  des banques grecques qui ont donc pu rouvrir. Cet accord a été proposé par les créanciers européens à condition que le gouvernement grec engage des réformes de structures qui permettent à l'économie grecque de s’autofinancer. En clair, à condition que la Grèce s'organise pour le pas continuer à s'endetter. Alexis Tsipras a fait voter en catastrophe par une majorité de bric et de broc une série de lois fiscales et sociales qui avait été demandées de longue date et contre lesquelles il s’était battu bec et ongle. Il est donc allé à Canossa, ce qui l'a mis en mauvaise posture avec son électorat. Syriza s’est fracturé et il faudra sans doute de nouvelles élections pour acquérir une nouvelle légitimité. En attendant, Tsipras a refusé de sortir de l’euro et a fait acte d’allégeance pour que les banques soient ré-ouvertes. Tsipras s’est donc senti humilié et même injurié par ses proches mais il est probable que le peuple grec lui sera reconnaissant de leur avoir évité la ruine, le déshonneur et la guerre civile.

Acte 2 :  les Allemands ont fait semblant de croire les promesses de réformes des Grecs et les Français ont fait semblant de croire que les Allemands paieraient les factures. Tout cela n’est que posture, parce que les uns comme les autres sont convaincus que le gouvernement grec ne remplira pas ses engagements et que le Premier ministre finira aux oubliettes de l’Histoire dans un grand chaos.

Résultats : les Européens réfléchissent à une réforme des institutions européennes. L'Allemagne voudrait un système qui permette à ceux qui ne suivent pas le règlement de sortir de la zone euro sans drame. C’est évidemment possible. Les Allemands réfléchissent surtout à une organisation fédérale beaucoup plus renforcée et solide qui donnerait des garanties sur le respect des règlements communautaires, des harmonisations fiscales et sociales. Bref, les Allemands, Me Merkel en tète, travaillent à une structure fédérale beaucoup plus avancée.

Ce qui est cocasse, c’est qu'elle est sortie du bois au moment où François Hollande s’est mis à parler d’une réforme des institutions et de la gouvernance européenne.

En apparence, la France et l’Allemagne ont donc le même projet : faire avancer l’idée des Etats-Unis d’Europe. En réalité, l'Allemagne y travaille d’arrache-pied. La France ne fait strictement rien d’autre que de parler parce qu’au fond, les élites française sont contre une fédération européenne. Ils sont contre, parce qu’ils disent que le peuple de France ne l’accepterait pas. Personne ne le sait. Ils sont contre, parce qu’il savent qu’il y aurait tellement d'abandon de souveraineté que les dirigeants français perdraient leurs pouvoirs et leurs fromages. Le patriotisme et le nationalisme dissimilent la protection d’intérêt très matériels et corporatistes. C’est assez honteux, mais ça appartient aussi à la politique.

Fort de ce désaccord de fond et afin de protéger la façade, Français et Allemands se sont mis d’accord pour redemander au FMI de surveiller le construction du 3e plan. On a donc téléphoné à Mme Lagarde, on s’est platement excusé pour l’avoir mis en cause. Mme Lagarde a entendu les excuses.

C’est à ce moment-là qu’elle a dit qu' elle connaissait un peu les coutumes politiques : "En politique, il y a des choses que l'on dit pour être entendu par l’opinion, parce que ça rend service, et des choses que l’on fait".

Christine Lagarde en a vue d’autres, elle a donc donné son accord, non sans avoir reçu l’imprimatur des Etats-Unis mais aussi en posant ses conditions.

Elle a expliqué que "son organisation était d’accord pour financer une bonne partie du 3e plan, mais elle a ajouté, un peu perfide, que si ce troisième plan n’allait servir qu’à rembourser les échéances précédentes, ça ne servait à rien. Il faudrait donc se passer d’elle."

Branles-bas de combat à la Commission et à la BCE... Sur le thème quoi, faire tout pour convaincre le FMI de venir ???

"Très simple, a dit Mme Lagarde. L'argent qu'apportera le FMI doit servir au redressement de l’économie grecque. On va donc financer des projets, les équipements etc.etc. Mais sûrement pas des dettes antérieures. Et pour ce faire,  Messieurs les créanciers européens, il va falloir restructurer la dette, c’est-à-dire l’annuler en partie ou la repousser aux calendes grecques (expression usée depuis que la Grèce est en crise, c’est-à-dire depuis l’invasion des Romains).

Le FMI est donc aujourd’hui en train d’obliger les Européens à étudier cette restructuration, ce qu'ils savaient devoir faire mais ce qu'ils ne voulaient pas faire.

Alexis Tsipras est aux anges. Varoufakis, qui n’a pas cessé d'accuser le FMI de tous les maux, ne sait plus quoi faire, parce qu’aux dernières nouvelles, il aurait enfin compris la subtilité de la manip'.

Les Européens sont embarrassés. Ils veulent le FMI dans le tour de table parce qu’ils ne veulent pas passer pour des méchants tuteurs. Ils veulent que le FMI joue ce rôle.

Le FMI le jouera, à condition que Bruxelles, la France et Berlin prennent leur responsabilité. Mme Lagarde ne dit pas que son prédécesseur avait oublié ce détail, mais elle le pense très fort.

A Berlin, Mme Merkel a souvent dit aux Allemands que cette affaire leur coûterait 50 milliards d’euros. En France, François Hollande a toujours dit que ça ne coûterait rien aux contribuables, qu'il allait s’arranger, que ça passerait sur le long terme et qu'en plus, on n'allait pas comme en 1010 et 2012 reprendre des dettes qui avaient été contractées par les banques privées.

Et oui, on a fait cela Mr le Président !!! mais pour être complet, il faudrait que vous expliquiez, comme en Allemagne, comme au Royaume-Uni, comme en Italie et ailleurs, que si on a annulé les dettes que les banques avaient sur la dette, c’était aussi pour leur sauver la mise. Les clients des banques sont debout et les établissements bancaires européens sont en bon état. Difficile à dire quand on entre dans la compétition présidentielle en désignant la finance comme l’ennemi à abattre.

En attendant, le championnat d’Europe de l’hypocrisie politique continue... Alexis Tsipras pourrait décerner une médaille la directrice générale du FMI, parce qu’elle vient de lui rendre un sacré service. Pas sûr les Grecs comprennent tout. On gardera cela pour la prochaine campagne électorale.

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