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Israël pris au piège de ses extrémistes religieux ?
©Reuters

Tant va la cruche à l’eau

Dans la nuit de jeudi à vendredi, des colons vivant en Cisjordanie occupée ont incendié une maison de Palestiniens, provoquant la mort d'un bébé. Le Premier ministre israélien a dénoncé un "acte de terrorisme", un terme très rarement utilisé à l'encontre de colons.

David Elkaïm

David Elkaïm

David Elkaïm est fonctionnaire détaché au ministère des Affaires étrangères, chargé de conférences à Sciences Po Paris et chercheur au CF2R. Il est notamment l'auteur aux côtés de Eric Dénécé de l'ouvrage Les Services secrets israéliens (Tallandier, 2014).

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Atlantico : Cette semaine, à Jérusalem, un ultra-orthodoxe a poignardé plusieurs personnes à la Gay Pride et le lendemain à peine, dans les territoires palestiniens occupés, des colons ont incendié une maison provoquant la mort d'un bébé. L'extrême droite religieuse israélienne est-elle en train de prendre un tour plus virulent et d'exercer une pression grandissante à la fois sur les Palestiniens et sur la société israélienne ? 

David Elkaïm : Les faits que vous rappelez ne sont que les derniers d’une série qui commence à être longue : l’assassinat d’un jeune arabe israélien en 2014 en "représailles" de l’enlèvement de trois jeunes juifs israéliens (prélude à la guerre de Gaza de l’été dernier), une dizaine de mosquées et d’églises vandalisées, une école mixte juifs-arabes brulée à Jérusalem, des synagogues vandalisées dans tout le pays. Cela démontre qu’Israël et plus largement le judaïsme, comme tous les autres Etats et comme toutes les autres religions, sont travaillés par une forme d’extrémisme. D’une certaine façon, cela démontre la "normalité" d’Israël : le populisme, l’extrême-droite, le racisme, le fanatisme religieux sont des phénomènes observables dans beaucoup de démocraties. 

Benyamin Netanyahu a condamné fermement l'incendie de Naplouse en le qualifiant d'acte de terrorisme mais pour l'Autorité palestinienne, le gouvernement israélien, en soutenant la colonisation, se rend responsable de ce type d'agressions. Quelle est effectivement la part de responsabilité du gouvernement israélien ? 

Bien sûr, le gouvernement israélien n’est pas directement responsable de ces crimes. Il n’a d’ailleurs pas intérêt à ce que la situation dégénère parce que cela attirerait inévitablement l’attention de la communauté internationale sur la situation en Cisjordanie, ce qu’Israël veut à tout prix éviter. 

Mais il est difficile de ne pas voir une forme de continuité entre les positions prises par certains membres du gouvernement actuel, y compris le Premier ministre lui-même dans les derniers temps de la campagne électorale, sur les Arabes, la délégitimation des revendications palestiniennes, le grignotage systématique de la Cisjordanie par la construction d’implantations et les violences à l’encontre des arabes israéliens et des Palestiniens. En effet, les premiers sont de plus en plus souvent regardés avec méfiance et les seconds carrément comme des ennemis irréconciliables. Dès lors, il n’est pas étonnant que les plus fanatiques s’estiment autorisés à recourir à la violence contre eux, d’autant plus que l’armée et la justice sont souvent plus indulgentes envers les juifs israéliens, habitants des implantations ou pas.

Heureusement, des intellectuels, des associations mais aussi des personnalités politiques, dont le président d’Israël Reuven Rivlin, qui n’est pourtant pas issu du "camp de la paix", ont tiré la sonnette d’alarme.

Quel est le poids des extrémistes religieux aujourd'hui en Israël ?

Leur poids démographique s’accroît puisqu’ils font toujours plus d’enfants que les autres israéliens.Et politiquement, leur poids s’accroit aussi sous l’effet de deux facteurs : d’une part, ils sont très organisés et très mobilisés lors des élections et, d’autre part, le Bloc de la foi, le mouvement Gush Emunim, véritable lobby de l’occupation, dispose de puissants relais dans les instances politiques, administratives et militaires d’Israël.  

Parmi ces extrémistes, des mouvements nationalistes-religieux, comme Lehava ou Tag Mehir ("Prix à payer"), s’organisent pour instaurer un climat de terreur en Israël comme en Cisjordanie. 

Heureusement, ces mouvements, quoique dangereux parce que violents, restent pour l’instant minoritaires et la grande majorité des Israéliens condamnent leurs actes. Ron Ben-Yishai parle même de « jihad juif ». Des ONG luttant contre le racisme et pour une résolution pacifique du conflit avec les Palestiniens, comme Tag Meir (à ne pas confondre avec la précédente !), Shalom Arshav (La Paix Maintenant) ou encore Women wage peace mènent au quotidien des actions en direction des arabes israéliens et des Palestiniens. 

Bref, des menaces pèsent sur le système démocratique israélien, c’est très clair, et en cela que la poursuite de l’occupation est contraire aux valeurs et aux intérêts d’Israël. 

La société et la démocratie israéliennes ont les moyens de faire face à ces menaces mais le combat sera long. 

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