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Investiture de Philippe Vardon sur la liste de Marion Maréchal Le Pen : plus qu’un coming-out idéologique, une étape stratégique
©Reuters

Elle part au front

Selon une information de Mediapart, Marion Maréchal Le Pen devrait sous peu officialiser la présence du cofondateur du Bloc identitaire, Philippe Vardon, sur la liste FN dans l'optique des régionales. Objectif de la jeune députée : gagner, et ce, même s'il faut s'allier avec d'anciens déboutés du parti.

Jean-Yves Camus

Jean-Yves Camus

Chercheur associé à l'Iris, Jean-Yves Camus est un spécialiste reconnu des questions liées aux nationalismes européens et de l'extrême-droite. Il est directeur de l'Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès et senior fellow au Centre for the Analysis of the Radical Right (CARR)

Il a notamment co-publié Les droites extrêmes en Europe (2015, éditions du Seuil).

 

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Atlantico : Quelle est la stratégie de Marion Maréchal-Le Pen aujourd’hui ?

Jean-Yves Camus : Sa stratégie est d’abord d’arriver en tête, si possible devant l’UMP, aux élections régionales de décembre prochain. Et arriver en tête en siphonnant le maximum de voix à une UMP qui du point de vue de ses électeurs et de ses sympathisants, est poreuse en région PACA vis-à-vis du Front national. La droite dans cette région admet certaines spécificités. Ce n’est pas une droite gaulliste dans la période de l’après-guerre outre des exceptions. Quelqu’un comme Charles Pasqua, bien qu’originaire de Corse ne s’y est pas implanté politiquement. La droite en Paca est historiquement celle d’un Jacques Médecin à Nice, c’est une droite UDF dans le Var, et une droite marseillaise avec Jean-Claude Gaudin qui revendique sa non-appartenance à la droite gaulliste. Ce n’est donc pas la même droite qu’ailleurs.

Il existe un contentieux historique des pieds-noirs au moins de la première et deuxième générations. Chez elles, tout se qui s’apparente à du néo-gaullisme est encore anathème. La perte de l’Algérie et la manière dont de Gaulle a traité ses partisans a laissé des traces. Ceux qui ont connu le Front national dans les années 1970-1980 ont gardé cette tradition, cette continuité historique avec l’Algérie française. 

Que sait-on de l’idéologie de cette jeune femme politique âgée de 26 ans ? Est-elle différente de celle de sa tante, Marine Le Pen ?

Je ne me prononce pas sur la colonne vertébrale idéologique de l’une et de l’autre. Mais à travers leur attitude et leurs déclarations, Marion Maréchal est sans doute plus conservatrice en matière sociétale et libérale sur le plan économique. Il faut préciser que le libéralisme ce n’est pas la concurrence sauvage. Il ne s’agit pas du libéralisme de Milton Friedman. J’entends par libéralisme la liberté d’entreprendre, la responsabilité individuelle, la libération des énergies productives. C’est finalement un Etat qui se mêle le moins possible d’interférer avec la vie des citoyens y compris sur le plan des libertés publiques.

Il ne s’agit pas de l’ouverture des frontières. C’est le libéralisme à l’ancienne ! Ceux des anciens indépendants et paysans, le libéralisme d’Antoine Pinay.

Je ne suis pas convaincu que l’arrivée de Philippe Vardon sur les listes frontistes relève d’une importance capitale. Je ne pense pas que cela marque véritablement un tournant. D’abord parce que des cadres du bloc identitaire ont été candidats aux élections municipales sur les listes frontistes en 2014. Il y en a eu même plusieurs dizaines.

Le bloc est avant tout un vivier de cadres. Ce dernier n’a pas vocation à devenir un parti national. Des personnes comme Philippe Vardon se rapprochent naturellement du Parti avec lequel ils sont le plus proches.

Après avoir exclu toute alliance électorale avec le Bloc identitaire en novembre 2013 et refoulé du Rassemblement Bleu Marine Philippe Vardon, lors des élections départementales d'avril 2015, plusieurs candidats frontistes présentés à Nice étaient issus de Nissa Rebela.L'ancienne figure du Bloc identitaire Philippe Vardon sera à la 5ème place de la liste FN pour les élections régionales dans les Alpes-Maritimes, selon une information de Mediapart. Quels liens entretient Marion Maréchal Le Pen avec les courants identitaires ?

En politique, le pragmatisme est la règle. A Nice et dans les environs, l’implantation du bloc identitaire n’est pas négligeable. Ces gens sont bien insérés dans leur quartier et savent mobiliser ce qui représente un atout. C’est un moyen de permettre au Front de prendre un tournant dans les Alpes Maritimes. Avec la situation interne actuelle, il y a besoin de trouver du sang neuf dans une Fédération qui a du mal à vivre.

Le discours de Marion Maréchal sur l’identité, l’immigration, avec la notion du grand remplacement est partagé avec le bloc identitaire. Il y a des convergences idéologiques. Jean-Marie Le Pen craignait la nouvelle génération. Il avait participé à un débat avec Philippe Vardon sur France 3 Côte d’Azur qui s’était mal passé et il avait été un peu vexé d’avoir été chahuté par un jeune. Il y a aussi le problème du régionaliste et ce n’est pas terminé. Une personnalité comme Frédéric Mistral n’est pas séparatiste. Il est simplement attaché à la mise en valeur de la Provence dans un cadre monarchique. L’idéologie identitaire est comparable à une poupée gigogne. Vous avez une identité locale, une identité nationale, et au-dessus une identité civilisationnelle européenne.

Marion Maréchal Le Pen risque-t-elle de menacer Marine Le Pen ?

Nous n’en sommes pas là. Même si elle est brillante et qu’elle a été adoubée par le suffrage universel, car elle est députée, elle est très jeune. Et Marine Le Pen n’est pas très vieille, elle n’aura que 47 ans en août. Lorsqu’elle se présentera en 2022 elle n’aura que 54 ans, ce qui est jeune en politique française. Je ne crois pas à l’éclatement du Front national. Je ne crois pas à une guerre de succession Marion-Marine dans un laps de temps rapproché et je ne pense pas que la performance de Marine Le Pen en 2017 soit catastrophique. Cela évitera un grand mouvement de fond interne et un chamboulement de l’organigramme. Si Marion Maréchal Le Pen doit émerger comme numéro 1 du front ce sera plus tard.

Dans quelle mesure la jeune députée frontiste pourrait représenter un courant spécifique au sein du FN ?

Le front n’a jamais institutionnalisé des courants. Il y a des différences de sensibilité à l’image de celle portée par Florian Philippot ou ceux qui sont plus tournés vers le catholicisme traditionnel. Depuis la scission de 1998-1999 qui a été particulièrement sévère en PACA, tout le monde sait que prendre la porte ou faire une liste dissidente c’est la certitude d’être marginalisé. Si des listes dissidentes se font c’est uniquement pour empêcher Marion Maréchal Le Pen d’arriver en tête en la privant de quelques pourcents. Il faut rester dans la même maison pour exister. Il y aura un renouvellement générationnel notamment en PACA. Ceux qui prennent fait et cause pour Jean-Marie Le Pen et qui sont au Front depuis 20 ou 30 ans seront amenés à partir et c’est là que les militants du bloc identitaires ont leur importance. Pas seulement parce qu’ils sont jeunes, mais parce qu’ils ont une vraie implantation locale avec une activité.

Du coté de la direction, Jean-Marie Le Pen avait peur que l’arrivée de Philippe Vardon fasse remonter à la surface des polémiques, des frasques de jeunesse des militants en question. Les gens peuvent changer, ils peuvent avoir abandonné un certain nombre de schémas idéologiques. Le risque est qu’on ait une petite salve d’article rappelant le passé de l’un ou de l’autre, mais il faut relativiser car si je me souviens bien, le meilleur score aux dernières élections cantonales à Nice a été réalisé par un candidat issu de la mouvance identitaire. C’est la preuve par les urnes. Entre 3 % et 5 % des suffrages à Nice et dans l’arrière pays se jouent. Ce qui n’est pas négligeable. 

Propos recueillis par Rachel Binhas

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