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SIDA : que la contamination volontaire soit enfin prise en compte par la loi !
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Justice

La Cour d'assises de Paris a condamné un homme à 9 ans de prison pour avoir sciemment transmis à sa compagne le virus du SIDA. Un verdict qui souligne les carences des acteurs de la prévention, au rang desquels figurent à la fois médecins, associations et législateurs.

Eric Morain

Eric Morain

Eric Morain est avocat au barreau de Paris.

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A la fin du mois d’octobre dernier, un homme a été jugé devant la Cour d’assises de Paris pour avoir sciemment contaminé sa compagne du VIH, et exposé deux autres partenaires au même risque. Le tout sur une période de cinq années.

Au-delà de l’émotion légitime et de l’écœurement que soulève un tel comportement criminel - l’accusé a été condamné à 9 années d’emprisonnement et il n’a pas fait appel -, ce procès a mis en lumière trois carences : l’une médicale et inquiétante, l’autre militante et délibérée, la troisième législative et par omission.

L’attitude irresponsable de certains médecins

Lors de ce procès un médecin est venu témoigner à la barre. Elle avait été le médecin traitant de l’accusé pendant de longues années. Elle avait été celle qui lui avait annoncé sa maladie, et était informée des pratiques sexuelles de son patient, qui consistaient à entretenir de multiples rapports non protégés.

Pire, ce médecin a même informé une des victimes de sa contamination volontaire par l’accusé, mais n’a rien dit... Au mépris volontaire de la loi qui, certes, consacre le secret médical, mais prévoit parallèlement l’obligation de dénoncer au Procureur (article 226-14 alinéa 2 du Code de procédure pénale) des violences physiques, sexuelles ou psychiques.

Contre la loi et aussi contre les propres avis de l’Ordre National des médecins, qui a finalement décidé, par deux avis solennels (3 février 2007 et 21 mars 2009) et au nom de l'état de nécessité de la personne en danger de contamination, de permettre au médecin de prendre l'initiative - encadrée - de prévenir la victime.

Il est désormais impératif que les médecins ayant connaissance de tels faits prennent leur responsabilité, de manière à éviter que des vies soient brisées et que la maladie ne s’étende. Dans le cas contraire, les personnes contaminées pourraient un jour se retourner contre eux et leur silence coupable.

Le rôle trouble de certaines associations

Les associations de lutte contre le Sida, qui ont pignon sur rue - Aides et Act-up en tête - et reçoivent de fortes subventions, sont opposées à une pénalisation des comportements de contamination volontaire. Elles nous refont le coup du « responsable mais pas coupable ».

Leurs militants plaident qu’il existe de manière absolue une co-responsabilité entre les partenaires sexuels, et qu’il ne saurait donc y avoir de stigmatisation pénale du contaminant. L’entreprise est louable, mais elle est tout aussi dangereuse que la Vertu élevée au rang de doctrine politique sous la Terreur.

Le principe même de la relation amoureuse et son pilier, sans lequel rien ne serait possible - et en particulier la procréation -, est la confiance. Je t’aime, tu m’aimes, je te fais confiance, c’est toute l’histoire du monde. Si l’un des partenaires ment, manipule, cache, falsifie, qui est responsable ? Celui qui trahit ou celui qui subit cette trahison à son insu ?

Que les campagnes publicitaires prônent la responsabilité partagée est une bonne chose, elles sont dans leur rôle, à savoir délivrer un message qui tend vers un but, toujours meilleur. Mais la loi et la norme pénale ne sont pas des spots de pub. Elles fixent les règles du vivre-ensemble et sanctionnent ceux qui les transgressent. Oui, il y a des hommes et des femmes qui connaissent leur séropositivité et qui contaminent sciemment leurs partenaires, qui leur ont pourtant accordé toute leur confiance. Non pas comme ça, en l’air, mais dans le cadre d’une relation stable et amoureuse, comme ce fut le cas lors de ce procès. Et la loi a raison de les sanctionner. Il était temps que ce soit jugé clairement.

L’oubli du législateur à réparer d’urgence

Il n’existe pas dans le Code pénal d’infraction spécifique quant à la contamination volontaire par virus, et en particulier pour le Sida. Et c’est tant mieux que le législateur, qui est déjà prolixe, n’ait pas voté un texte spécial. Après plusieurs hésitations dans les premières affaires de ce type, qui datent de la fin des années 1990, la Cour de cassation a décidé qu’un tel comportement devait s’analyser comme une administration de substances nuisibles ayant entraîné une infirmité permanente (quand il y a eu contamination), et administration de substances nuisibles n’ayant entraîné aucune interruption de travail (quand il n’y a pas eu contamination).

Cette infraction est une violence au sens juridique du terme, elle figurait dans le Code pénal depuis toujours, les juges se la sont appropriée pour juger des faits de contamination volontaire du Sida. Mais il y a toujours un mais...

Un mais en forme de manque. Et de manque criant ! Il n’est pas prévu que les auteurs de ce type d’infraction puissent faire l’objet d’un suivi socio-judiciaire, ni d’une injonction de soins à leur sortie de prison, comme peuvent l’être les autres délinquants sexuels. La maladie s’aggrave nous dit l’OMS (Organisme mondial de la santé), les procès, par un simple effet statistique, vont donc s’accroître.

Il est urgent que « ces salauds ordinaires », pour reprendre les mots de l’Avocat général lors de son réquisitoire du 28 octobre dernier devant la Cour d’assises de Paris, soient suivis et surveillés. Il est donc urgent que le législateur modifie la loi en ce sens. Justice sera alors bien rendue.

NB : L'auteur de ce texte, l'avocat Eric Morain, assistait les trois victimes de ce dossier lors de ce procès, c'est-à-dire les trois ex-compagnes de l'accusé qui ont déposé plainte contre lui.

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