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Et si la vertu de l'Allemagne masquait une défense féroce de ses intérêts...
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Maîtresse germanique

Alors que l'Italie menace la zone Euro d'une crise systémique, l’Allemagne reste toujours opposée à une plus forte implication de la BCE dans la prise en charge de la dette européenne. Pourtant, l'obsession de la lutte contre l'inflation n'est peut-être pas la seule clé de la position allemande... Deuxième partie de notre série en trois volets sur les ambiguïtés de "l'exemple allemand".

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser est ancien député européen apparenté RN.

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La BCE aurait largement les moyens d'engager la politique de rachat de la dette européenne si elle se comportait comme la FED américaine... Mais les Allemands refusent catégoriquement d'en entendre parler.

La Fed (Réserve fédérale des États-Unis) détenait, en juillet 2011, dans son bilan pour plus de 1 600 milliards de dollars de bons du Trésor américain. Mais aussi les titres hypothécaires des Agences fédérales pour plus de 900 de milliards, que l’on peut assimiler à de la dette publique (Fannie Mae et Freddie Mac). Ces titres ont été repris à leur valeur d’émission, grâce à la garantie de l’État, alors qu’ils avaient perdu toute valeur de marché...

A titre d’exemple, si la BCE (Banque centrale européenne) pratiquait la même politique de rachat de la dette pour 1 600 milliards de dollars, elle pourrait acheter, au cours des années à venir ou immédiatement, toute la dette actuelle grecque, portugaise, irlandaise, et 70% de la dette espagnole.

Si la valeur de l’Euro se rapprochait de celle du dollar, elle pourrait acheter près d’un tiers de la dette de la France en plus. Si on rajoutait les MBS, on peut encore ajouter la moitié de la dette de l’Italie. On ne parlerait plus de crise dans la zone Euro.

Un autre calcul montre que la base monétaire mondiale correspond approximativement à 24% du PIB mondial. La base monétaire est la monnaie de base émise qui correspond aux pièces et billets, ainsi qu’aux réserves des Banques auprès des Banques centrales. Pour la zone Euro, entre la base actuelle de 1 000 milliards et la base monétaire possible pour rester dans la moyenne mondiale, la zone euro faisant 9 500 milliards de PIB, si la base monétaire se situait à 24%, nous aurions une capacité de création monétaire de 1 200 milliards d’euros approximativement, soit 2 200 milliards en nous situant dans la moyenne mondiale (dont 1 000 milliards de base monétaire actuelle). Avec ces 1 200 milliards de création monétaire, en restant donc dans la moyenne mondiale, nous pourrions racheter toute la dette grecque et portugaise si nécessaire. Et nous disposerions encore de 700 milliards d’euros supplémentaires pour établir un programme de relance par l’investissement rentable, et remédier structurellement aux déficits industriels des pays du Sud de la zone Euro, France comprise.

La création monétaire est pratiquée à l’échelle planétaire par tous les grands pays puisque la base monétaire, ces 15 dernières années, a presque triplée par rapport au PIB mondial. Durant cette même période, elle a été multipliée par six sous l'effet des Banques centrales, pour avoisiner un montant total de plus de 10 000 milliards de dollars. La zone Euro représente approximativement 20% du PIB mondial. En suivant cette tendance, elle aurait donc pu augmenter de 2 000 milliards de dollars.

Constatons ensuite, qu’après la Crise de Septembre 2008, la Banque centrale d’Angleterre a acheté des bons du trésor ou Gilts pour 170 milliards de Livres, soit pour près de 12% de son PIB. A l’échelle de la zone Euro, cela correspondrait approximativement à 1 100 milliards d’euros. Il y a certes un peu plus d’inflation en Grande-Bretagne, mais ce n’est pas l’hyper inflation allemande.

L'Allemagne empêtrée dans son histoire (et ça l'arrange bien)

Par méconnaissance de son histoire économique sans doute, mais aussi par intérêt, car un Euro fort lui est favorable. Un Euro faible avantagerait en revanche ses concurrents.

La méconnaissance historique, tout d’abord. Si on analyse l’histoire de l’hyper inflation, on constate qu’elle tient à des situations extrêmes, liées à la guerre en Europe. Il s’agissait pour la République de Weimar de payer les réparations imposées par le Traité de Versailles, ainsi que les salaires des ouvriers, en grève, dans la Ruhr occupée. Les recettes ne rentraient plus dans les Caisses de l’État en raison de cette occupation et des réparations, mais la création monétaire était antérieure à cette crise des années 1920. Par ailleurs, en Grèce et en Hongrie, juste après la Guerre, la situation tenait également à l’occupation. L’hyper inflation était donc due à des circonstances politiques.

En réalité, l’hyper inflation tient toujours à des circonstances politiques de perte de confiance dans la monnaie, situation que l’Allemagne est justement en train de créer en raison de son intransigeance. Elle seule fragilise donc la zone Euro, et non les grecs, les portugais ou les italiens, et définitivement pas le phénomène de création monétaire en zone Euro, nettement inférieur à la moyenne mondiale.

Par ailleurs, mais cela nous engagerait dans un autre débat, la Banque centrale européenne monétise quand même, ou crée de la fausse monnaie, mais uniquement pour les banques !

Si la création monétaire reste raisonnable, comme toutes les Banques centrales importantes la pratiquent, la confiance dans la monnaie est maintenue. Ensuite, évidemment, il s’agit d’investir cette masse d’argent dans l’économie réelle créant de véritables richesses, et non dans l’économie spéculative. Mais c’est un autre problème que nous ne pourrons pas traiter ici. Disons seulement que si on regarde la demande mondiale et les besoins essentiels non satisfaits ainsi que la masse d’argent disponible, ce qui manque le plus, ce sont des entrepreneurs et des États qui engagent des grands travaux rentables avec des fonds d’investissement au service de ces infrastructures rentables.

L'Allemagne a besoin d'un Euro fort

Mais l’Allemagne a aussi besoin d’un Euro fort, non par vertu monétaire mais par pur intérêt. Elle achète des productions intermédiaires hors zone Euro, pour les revendre essentiellement sous ses marques, en zone Euro. L’Euro fort lui est favorable, puisqu'elle achète ainsi moins cher ses importations. Faisant peu d’excédents commerciaux hors zone Euro, un Euro fort ne l’handicape pas. Ce n’est pas la même situation pour la Grèce ou pour la France, car leurs commerces extérieurs sont différents. Derrière l’Euro, il n’y a ni la vertu d'outre-Rhin ni la rigueur, mais l’intérêt allemand et sa politique de guerre économique en Europe.


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