N. Dupont-Aignan : "Quand on voit l’échec complet des dirigeants européens et du FMI sur la Grèce, je ne vois pas pourquoi le peuple concerné ne serait pas capable de trancher"<!-- --> | Atlantico.fr
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La directrice du FMI Christine Lagarde et la chancelière allemande Angela Merkel.
La directrice du FMI Christine Lagarde et la chancelière allemande Angela Merkel.
©Reuters

Entretien politique

Le président du parti Debout la France, député de l'Essone et Maire d'Yerres revient sur les mesures urgentes à adopter après l'attentat de l'Isère vendredi 26 juin. Revenant sur le référendum grec, il n'épargne pas Angela Merkel, qui "a tendance à vouloir bâtir un IVe Reich économique".

Nicolas Dupont-Aignan

Nicolas Dupont-Aignan

Nicolas Dupont-Aignan préside Debout la France, parti politique se revendiquant du gaullisme et est l'auteur de France, lève-toi et marche aux éditions Fayard. 

 

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Atlantico : Suite à l’attentat de vendredi en Isère, vous avez demandé au gouvernement de « prendre ses responsabilités », tout en ajoutant qu'il fallait « décréter un état d’urgence, il faut contrôler les frontières » et « surtout mettre hors d’état de nuire les 3000 djihadistes de retour de Syrie. » Ne nous condamnons pas ainsi à être toujours en état d’urgence ? N’est-ce pas une mesure d’affichage ?

Nicolas Dupont-Aignan : Tout au contraire. En vérité, je crois qu’il faut cibler les actions. Le gouvernement a fait voter une loi sur le renseignement qui va surveiller tous les Français, et en même temps ne se donne pas les moyens de concentrer son action sur ceux qui sont dangereux. Je pense qu’il faut faire l’inverse, c’est-à-dire augmenter la capacité de l’Etat à surveiller les 10.000 activistes fondamentalistes qui sont en train de se constituer en 5e colonne. Sans tomber dans la paranoïa, si l’on s’en donne les moyens, on peut très bien encadrer ces fous-furieux. C’est le sens de l’état d’urgence.
L’état d’urgence est mal compris. La loi sur l’état d’urgence est une loi de 1955 très pratique car elle permet par décret, sur des zones géographiques bien définies, de prendre des mesures préventives hors contrôle judiciaire. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus de contrôle du tout ! Il s’agit de mesures sur des points précis, cela permet aux préfets dans des secteurs particuliers, là où se situent des caches d’armes par exemple, là où il y a des activistes dangereux, d’intervenir vite, et bien. C’est d’ailleurs ce qu’avait fait Jacques Chirac en 2005. L’enjeu est de cibler les potentialités d’attentats.

Un certain nombre d’individus soutenant le terrorisme en France de l’Etat islamique, à travers des voyages pour mener le jihad ou en commettant des actes terroristes, sont français. Et d’ailleurs on ne peut rendre un individu apatride. Contrôler les frontières est-il suffisant dans ce contexte ?

Il n’y aura pas de sécurité parfaite, soyons clairs. Qui le prétend est un menteur. En revanche il faut resserrer les mailles du filet. Et cela passe, d’abord, par l’expulsion des terroristes ayant la double nationalité, puis par l’éloignement de ceux qui sont français pour un laps de temps déterminé ou non, sous le contrôle du juge bien entendu.
Pourquoi le contrôle des frontières ? Si ces dernières étaient davantage contrôlées, la liberté de mouvement, les trafics d’armes, les circulations de terroristes seraient bien plus difficiles. La libre circulation à travers l’Europe est une incitation au terrorisme.
Ce que je demande, comme dans tous les pays du monde, c’est le contrôle des passeports qui permettrait de flécher davantage les profils.
De toute façon, l’espace Schengen est mort. La question maintenant est : comment le transformer. Attention, je ne dis pas que ce sont seulement des étrangers qui commettent des attentats ! Mais la libre circulation au sein de l’Union européenne favorise l’absence de contrôle. Nous ne sommes plus capables en France de surveiller plus de 1.000 personnes, c’est inadmissible. Or, il y a au moins 10.000 individus potentiellement dangereux, on doit pouvoir les suivre à la trace et aujourd’hui les moyens sont insuffisants.
J’ajoute qu’il faut changer de politique étrangère tout spécialement face à Daesh. Et j’ose le dire, en s’alliant avec Assad. On s’est allié avec Staline pour combattre Hitler. Staline était-il un saint ? Non. Aurait-on pu combattre Hitler sans Staline ? Qu’on me le dise. Combattre Assad et Daesh n’est pas possible.  

Le problème de cette insécurité n’est-il pas plus profond ? Que faire avec la question de l’Islam en France ?

On a été beaucoup trop laxistes sur l’organisation de l’Islam en France. Il y a encore dans notre pays des mosquées où des discours de haine sont prononcés. C’est dangereux et cela déconsidère de surcroit les Français de confession musulmane qui heureusement ne sont pas sur la ligne de Daesh. On est face à la faiblesse de l’Etat à l’égard du financement des mosquées notamment. A Debout la France nous avons proposé il y a plus de 2 ans que tous les fonds étrangers destinés aux cultes soient fondus dans un fond géré par l’Etat et les représentants des religions de manière à ce qu’il n’y ait pas de traçabilité entre une puissance étrangère et un lieu de culte comme une mosquée. On ne pourrait donc pas acheter des lieux de culte de l’étranger. On pourrait même aller jusqu’à l’interdiction des financements par les pays étrangers avec un système de financement intérieur à chaque culte par le biais de taxe sur le halal par exemple.
Deuxième point : il faut expulser certains imams fondamentalistes et imposer les prêches en français. Les prières en langue étrangère ne sont pas le problème, les sermons bien plus. Il faut franciser au maximum l’Islam de France comme cela a été fait pour d’autres religions !

Que faire des 3000 djihadistes que vous évoquiez dans le cas d’un retour ? Les envoyer à Cayenne, comme vous le recommandez ?

Quand je demande que l’on envoie à Cayenne – et là encore le mot de Cayenne est un symbole, cela peut être une zone perdue ailleurs – les citoyens français ayant pris les armes en Syrie, c’est parce que les extraire de la France métropolitaine est vital. Quand j’explique qu’il faut déchoir de la nationalité française les djihadistes à double nationalité, c’est aussi nécessaire afin de pouvoir les expulser. La société française aujourd’hui n’a pas pris la mesure du danger, au point qu’elle refuse de nommer ce danger.
Il n’y a pas une solution miracle. Nos services n’ont pas les moyens de surveiller et c’est pourtant impératif. Devant l’afflux de dossier, la justice française ne peut suivre. Il s’agit de suivre pour prévenir. Et puis la réponse pénale n’est pas à la hauteur, je propose d’abroger la loi Taubira.
La reconstruction d’un Etat régalien solide est primordiale. L’Etat a été  abandonné par tous les gouvernements depuis 20 ans.
L’état d’esprit qui préside aujourd’hui chez Madame Taubira ou chez Monsieur Cazeneuve n’est pas à la hauteur des défis devant nous. Quand on est en guerre, on doit se donner les moyens. Et ne pas se limiter aux paroles.

Le referendum est un outil qui vous tient assez à cœur, vous l’avez d’ailleurs proposé pour le TAFTA. Que penser de l’attitude Tsipras qui va soumettre au peuple l’idée proposition des créanciers, le plan d’aide ?

J’ai un applaudissement et un regret. Il est bon que Tsipras renvoie l’arbitrage au peuple. Il ne propose pas hélas au peuple sa propre sortie de crise. Il s’est mis dans la main des créanciers alors qu’il devait proposer une autre voie. Et la seule voie pour la Grèce est une sortie ordonnée de l’euro afin de retrouver sa capacité productive. La Grèce ne pourra rembourser une partie de ses dettes que si elle retrouve sa capacité à produire, ce qui passe par une dévaluation massive. Ce n’est pas agréable, mais c’est la seule solution.

Le premier ministre grec ne se déresponsabilise-il pas néanmoins ?

Les dirigeants européens ont infantilisé la Grèce. Les Grecs ont leurs défauts mais l’Allemagne, par ses excès, est en train de les pousser dans le précipice. La réaction de Tsipras est à la mesure de l’inconscience de l’Allemagne. Heureusement que les dirigeants français à la fin de la Seconde guerre mondiale ne se sont pas comportés comme Madame Merkel se comporte avec les Grecs !

L’Allemagne a tendance à vouloir bâtir un IVe Reich économique. C’est une folie pour l’Europe et aussi une folie pour l’Allemagne. Dans cette affaire les torts sont partagés entre Allemagne et Grèce. Ce n’est pas une position anti allemande que je formule mais une position anti-Merkel.

Le peuple est-il assez à même de porter un jugement sur une question aussi sensible et complexe qui divise d’ailleurs bon nombre de spécialistes ?

Totalement car quand on voit l’échec, complet, économique, des dirigeants européens qui se sont trompés sur toute la ligne tout comme le FMI, je ne vois pas en quoi ils seraient plus à même de trancher les problèmes que le peuple concerné.

La Grèce a ratifié les traités, maquillé ses comptes… Quelle responsabilité porte le pays dans cette situation ?

Les dirigeants grecs chassés par le peuple portent une responsabilité ! Mais les dirigeants européens, eux, n’ont pas, encore, été chassés par leurs peuples. Arrêtons de faire porter sur les peuples les folies et égoïsmes des dirigeants. Surtout quand ces peuples ont eu un réflexe sain de s’en débarrasser.
Personne ne pourrait s’en sortir avec une telle dette, pas mêmes les Allemands. En revanche il n’est pas aux européens de payer la dette grecque éternellement. Il faut rééchelonner la dette et faire sortir la Grèce de l’euro en douceur. On ne peut vouloir l’aide européenne tout en restant dans l’euro. Il faut reprendre la liberté. Un peuple libre doit faire des efforts. Mais des efforts utiles. 

Propos reccueillis par Rachel Binhas

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