Orage anti-grec : ce qui se passe vraiment en Allemagne <!-- --> | Atlantico.fr
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Alexis Tsipras et Angela Merkel
Alexis Tsipras et Angela Merkel
©Reuters

Greek Bashing

En Allemagne, le cas grec fait constamment la Une des journaux. Et c'est d'autant plus vrai depuis que Syriza est arrivé au pouvoir. Plus récemment, le journal Die Welt a publié une tribune résolument agressive à l'encontre de la Grèce. Une campagne médiatique qui vise surtout à ternir l'image du pays auprès des Allemands.

Fatma Aydemir

Fatma Aydemir

Journaliste médias & société pour la TAZ-Die Tageszeitung 

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Atlantico : Le cas grec est omniprésent dans la presse allemande, et pas seulement dans les tribunes d'opinion, telle que celle publiée par Die Welt dans laquelle on pouvait lire que la composition ethnique de la Grèce moderne la disqualifiait pour entrer dans l'Union européenne. Cette obsession est-elle cantonnée aux médias ou bien est-elle le reflet de l'opinion ?

Fatma Aydemir : C’est forcément compliqué de parler de l’opinion publique allemande, comme il existe énormément d’avis différents et intelligents sur la question du cas grec, aussi est-ce compliqué de généraliser. Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’il existe un sentiment anti-grec, qui est attisé par des journaux comme Die Welt ou Bild, très présent dans les couches conservatives de la société allemande. Dans ces cas- là, il n’est pas uniquement question de considérations "ethniques". Le cliché du grec fainéant, qui part à la retraite trop tôt en ne payant pas ses impôts a commencé à voir le jour au début de la crise, pour ensuite s’installer durablement dans les esprits. C’est là une explication très simple à un problème bien plus complexe.

Dans quoi cette obsession s'enracine-t-elle ?

Je pense qu’il n’existe pas d’explications rationnelles. C’est avant tout une peur irrationnelle du contribuable allemand de perdre de la richesse, qui serait partagée avec des gens qui sont dans la misère à cause de leurs propres malversations. Ce n’est bien entendu pas correct. L’Allemagne ne connait aucune perte à cause de cette crise. C’est même l’inverse qui se produit : la politique de la dette de Merkel en devient rentable. C’est aussi un des éléments qui explique le fait que l’Union européenne tienne autant à ses conditions. Malheureusement, le citoyen allemand lambda n’a pas envie de se préoccuper d’interactions économiques complexes, préférant se faire un avis sur la question via des gros titres unidimensionnels, dans la mesure où le journal Bild attise le sentiment anti-grec et surtout les politiques allemands qui se montrent "impatients" vis-à-vis du gouvernement grec. Le journal Bild suggère que la Grèce veut de l’argent mais n’est prête à aucune contrepartie. La réalité est pourtant différente : la Grèce cherche des moyens alternatifs pour s’épargner, à elle, et surtout à l’Union européenne, davantage de problèmes. C’est assez époustouflant de voir à quel point ceci est peu relayé dans les médias allemands de masse.

La Grèce est-elle la seule cible ou d'autres pays européens sont visés ? Qu'en est-il de la France ?

Tout est différent tant sur le fond comme sur la forme pour le cas grec. Aucun autre pays en crise n’a été visé de la sorte par les médias allemands. D’autres pays en crise, comme l’Espagne ou le Portugal n’ont jamais été la cible d’une telle rhétorique.

S'agit-il d'une tendance qui se serait développée avec le retour de la puissance allemande ?

Ce n’est pas mon avis. Cela à plus à voir avec la propagande qui est véhiculée par les médias allemands. Cela surtout depuis la prise de pouvoir du gouvernement Syriza. Maintenant les Allemands protestent contre tout ce que les hommes politiques grecs disent à propos de la crise. La défiance envers Syriza accompagne inévitablement la défiance des néo-libéraux allemands vis-à-vis des politiques de gauche. Les medias allemands ne parlent pas du fait que le gouvernement grec précédent était corrompu, et que c’est uniquement pour cela qu’il se pliait aux exigences de la politique de la dette de l’Union européenne, se remplissant ses propres poches par la suite. C’est un exemple d’élément qui n’est pas véhiculé dans les médias allemands. A la place, les médias parlent de la maison cossue de Varoufakis ou bien des chaussures de Tsipras pour détourner l’attention de l’opposition de la gauche. C’est une stratégie très classique mais surtout très improductive, qui détourne l’attention des problèmes de fond. Cela ne mène à rien, mais cela occupe le lecteur, car cela donne un aspect émotionnel au thème, et tout à coup chacun a un avis sans rien y comprendre.

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