Aubry perd la fédération PS du Nord : qui a tué Martine ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La fédération socialiste du Nord vient d’échapper à Martine Aubry.
La fédération socialiste du Nord vient d’échapper à Martine Aubry.
©Reuters

Socialisme ch’ti

Martine Aubry a récemment dû renoncer à la fédération du Nord, alors que son contrôle faisait certainement partie de l'accord passé avec le PS. Une nouvelle qui risque bien de lui permettre de s'en prendre à nouveau à la politique du gouvernement.

Hervé Favre

Hervé Favre

Hervé Favre est éditorialiste politique à la Voix du Nord.

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Atlantico : La fédération du Nord vient d’échapper à Martine Aubry. N’était-ce pas pour la garder que l’ancienne première secrétaire n’a pas présenté de motion au congrès et a soutenu la motion A ? Manuel Valls et Jean-Christophe Cambadelis n’ont-ils pas tenu leur promesse ?

Hervé Favre : Il est sûr que cette question du contrôle de la fédération faisait partie de l’accord passé au plus haut niveau pour que Martine Aubry se rallie à la motion Cambadelis. Car si elle n’a jamais envisagé de mener la "fronde" elle s’est bien posée jusqu’au dernier moment la question d’une motion Aubry ! Donc elle va considérer que cette partie du pacte a été rompue et cela pourrait bien libérer à nouveau sa parole sur la politique économique du couple Hollande-Valls. Reste à voir la place qui sera accordée aux "aubrystes" dans les prochains remaniements. Celui annoncé pour la semaine prochaine avec les remplacements de Christine Fioraso et de Carole Delga. Le nom d’Audrey Linkenheld circule. Elle fut longtemps sa dauphine pour la mairie avant de préférer depuis 2012 son rôle de députée. Et surtout, il y a ce remaniement de plus grande ampleur qui suivra les Régionales de décembre où on ne serait pas surpris de voir arriver Jean Marc Germain, son ancien bras droit à la communauté urbaine puis au PS, voire un retour de François Lamy dont l’horizon à Lille vient de se boucher subitement !

Les soutiens nationaux n’ont pas suffi. Pourquoi ?

Parce que d’une part les militants n’aiment pas qu’on leur dicte leur vote depuis Paris et d’autre part parce que ces soutiens nationaux ont été eux-mêmes assez discrets ! Jean-Christophe Cambadelis est bien venu au début de semaine dire qu’il soutenait Gilles Pargneaux mais c’est tout. Cela aurait été différent si la compétition avait opposé un représentant de la majorité à un candidat des "frondeurs". Mais là, le duel central opposant deux membres de la même majorité (motion A) qui avait obtenu 70% dans le vote d’avant congrès, il n’y avait aucun risque de voir la fédération du Nord, une des trois plus grosses du parti, passer chez les "frondeurs" malgré la présence d’un troisième candidat représentant la motion B. Les ténors du parti ont donc laissé les "ch’tis" régler leurs comptes entre eux et je ne suis pas sûr que la défaite de Martine Aubry les chagrine beaucoup !      

Paye-t-elle aussi une relation difficile avec les militants locaux ?

Du côté des militants, la lettre virulente qu’elle leur a adressée dans la soirée de mercredi pour torpiller la candidature Filleul  a sans doute eu l’effet inverse.  Mais Martine Aubry et Gilles Pargneaux  paient  surtout des relations difficiles avec bon nombre de ces responsables locaux qui influencent fortement les votes des sections. Il suffit de voir les scores écrasants de Martine Filleul à Wattrelos, chez le député maire Dominique Baert qui avait refusé l’accord vert-PS aux législatives, ou encore à Dunkerque chez Wulfran Despitch, gendre de Michel Delebarre,  pour voir que l’élection à la fédération solde des comptes plus ou moins récents !   

Ce désaveu va-t-il avoir des conséquences au niveau local ? Risque-t-elle de perdre Lille ?

Le résultat n’est pas définitif mais même à Lille Martine Filleul devancerait de deux voix Gilles Pargneaux !  Non seulement Martine Aubry perd le contrôle de la fédé mais elle n’est même plus maître dans son fief. La question de la succession sous le beffroi en 2020 est en effet déjà dans tous les esprits. Vingt ans après que Pierre Mauroy leur ait imposé Martine Aubry à Lille, les  "barons" mauroyistes, Bernard Roman, Bernard Derosier, et surtout Patrick Kanner,  sentent venir l’heure de la revanche. Martine Aubry voudrait refaire le coup de Mauroy en 1995 en imposant aux locaux la venue du député de l’Essonne et ancien ministre de la ville, François Lamy, qui a déjà élu domicile à Lille. C’est un nouveau "casus belli" entre socialistes lillois. Si Patrick Kanner est sorti du bois dans cette élection en poussant la candidature de Martine Filleul avant de céder à la pression de Manuel Valls et de l’appeler à se retirer en dernière minute, c’est parce qu’il ne cache plus ses vues sur la mairie. La guerre des deux roses au PS nordiste a encore de beaux jours devant elle, cette fois autour du beffroi !

Est-ce la fin de sa carrière nationale ?

Avec cette série de défaites, à la communauté urbaine, au département et maintenant à la fédération, il y a effectivement au Nord une atmosphère de fin de règne autour de Martine Aubry. Reste à mesurer l’effet de ses défaites locales sur sa cote nationale encore haute dans les sondages.  Je n’ai jamais cru possible, compte tenu de l’état de leur relation, que François Hollande puisse  un jour l’appeler à Matignon. Et dans le rôle de candidature de recours pour le PS au cas très improbable où François Hollande ne se représenterait pas en 2017, Manuel Valls est aujourd’hui le mieux placé, si l’on peut dire !  En revanche, Martine Aubry pourra toujours faire entendre sa voix dans le débat national. Si elle ne voit pas venir dans les prochains mois les "inflexions" dans la politique du gouvernement, sur le CICE notamment, elle ne restera pas silencieuse.

Qu’est-ce que ça va changer au niveau des équilibres du PS ? La gauche du PS sera-t-elle désormais moins bien représentée ?

Cela ne change pas les équilibres au PS où le vote de mai a donné à Jean-Christophe Cambadelis une majorité incontestable dont les "aubrystes " ne sont qu’une composante parmi d’autres. Quant à la gauche du PS, s’il est vrai qu’elle n’a pas aujourd’hui de leader charismatique pour porter ses couleurs, Martine Aubry n’était de toute façon pas candidate à ce rôle de "frondeuse en chef" !

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