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Iran : déclencheur de la Troisième guerre mondiale ?
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Nucléaire

L’AIEA a remis ce mardi son rapport sur le programme nucléaire iranien. Beaucoup y voient une commande des Américains pour justifier une éventuelle intervention en Iran. La Russie et la Chine étant clairement opposées à cette hypothèse, peut-on envisager que la question du nucléaire iranien devienne l'élément déclencheur d'une Troisième guerre mondiale ?

Bernard Hourcade

Bernard Hourcade

Bernard Hourcade est Directeur de recherche au CNRS dans l'équipe de recherche "Monde iranien".

Il a dirigé l’Institut français de recherche en Iran de 1978 à 1993.

Il est notamment l'auteur de Géopolitique de l'Iran (Armand colin, 2010) et de L'Iran au 20éme siècle : entre nationalisme, islam et mondialisation (Fayard, 2007)

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Atlantico : L’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) a remis ce mardi son rapport sur le programme nucléaire iranien. Cela peut-il fournir aux Américains une justification pour attaquer L’Iran ?

Bernard Hourcade : La crise nucléaire iranienne, même si elle est extrêmement grave et dangereuse, n’est en aucun cas une raison pour déclencher un conflit, même régional. Il y a un an, avant les "Printemps arabes", la bombe atomique iranienne devait tomber sur Tel Aviv. Chaque service de chaque journal annonçait la catastrophe imminente. Le "Printemps arabe" est arrivé... et la catastrophe n’était plus si imminente que cela. Si elle avait été si sérieuse que cela, la question du nucléaire iranien aurait tenu le haut du pavé durant ces derniers mois.  Le G20 a montré ces derniers jours que la Troisième Guerre mondiale viendrait peut être plus des îles Caïmans, des paradis fiscaux qui peuvent déclencher des contrastes très forts entre le Nord et le Sud, que de l’Iran.

L’Iran dénonce une instrumentalisation de l’AIEA par les États-Unis. Qu’en est-il selon vous ?

l’AIEA est peut-être moins pro-iranienne que du temps d’El Baradei. Mais même si tout le monde cherche à instrumentaliser l’agence, son indépendance ne peut être, selon moi, remise en cause. Il n’est même pas dit que les Américains soient les mieux placés pour instrumentaliser l’AIEA.

Les Israéliens sont en première ligne dans la campagne contre le programme nucléaire iranien. Une éventuelle intervention en Iran fait-elle l’unanimité dans le pays ?

La question iranienne est pour les Israéliens une question qui est en balance avec le problème palestinien. Il y a un grand débat au sein même d’Israël. Des anciens directeurs du Mossad et d’anciens généraux israéliens ont déclaré qu’une attaque sur l’Iran serait suicidaire. La question palestinienne, dans laquelle l’Iran est entré depuis la Révolution islamique, fait l’unanimité dans tout le monde musulman. On le voit bien en Tunisie, les nouveaux leaders affirment que la relation avec Israël doit être revue car Israël est un État illégitime, reprenant un discours très banal de la « rue arabe ». Autrement dit, attaquer l’Iran aujourd’hui provoquerait une levée de boucliers dans tout le monde arabe. Un effet domino très profond qui ferait que les gouvernements, notamment égyptien, seraient amenés à suivre un mouvement populaire d’une importante unanimité.

Pour Israël, il s’agit maintenant de maintenir la pression sur l’Iran et de dire aux « grands », qui ne veulent à aucun prix un conflit armé dans la région, de faire quelque chose et d’appliquer des sanctions sur l’Iran. En d’autres termes, l’idée revient à dire : « Si vous ne faites rien, nous ferons nous quelque chose. Retenez-moi ou je fais un malheur ! »

Les Américains peuvent-ils se permettre une intervention en Iran ?

Même si aux États-Unis, pour être élu, il faut être plus israélien que les Israéliens, provoquer un conflit dans tout le Moyen-Orient au moment où Barack Obama a promis de retirer ses « boys » d’Afghanistan serait une catastrophe. Pour lui, cela ne serait pas se tirer une balle dans le pied mais dans la tête. Il est important pour les Américains de dire que l’Iran doit être contrôlé, sanctionné etc… Les sanctions sont une façon de calmer les va-t-en-guerre qui veulent absolument une intervention militaire.

La Russie et la Chine se sont toujours montrés très réticents à une intervention en Iran. Est-ce seulement une manière de s’opposer, une fois de plus, aux Américains ?

Les Russes savent que l’Iran est une grande puissance. Ils pensent que l’Iran devrait avoir sa place dans le G20, de par sa population, son pétrole, sa capacité industrielle et sa puissance régionale. Ils savent très bien que le vrai investissement à faire est de trouver un moyen pour que l’Iran sorte du trou. Tout le monde sent bien qu’avec les élections aux États-Unis et en Iran d’ici un an, les dés vont être - à nouveau - jetés. Il faudra bien trouver une issue à la crise iranienne ! Et pour cela, les rapports de force doivent être fermes et l’Iran doit trouver une place dans le concert des nations, même sous des conditions extrêmement draconiennes.

Pour la Russie, il est beaucoup question de géopolitique mais aussi de « business ». L’Iran est un partenaire commercial important. Il y a des milliards de dollars d’investissements potentiels à faire dans le pays. Le contrôle des républiques du sud de la Russie est également en jeu. Il est important pour la Russie que l’Iran soit un pays allié et calme.

Pour la Chine, l’Iran est une bonne plateforme de départ pour tout le Moyen-Orient. Il est aujourd’hui d’abord question de business mais cela peut devenir très rapidement politique.

Le président iranien Ahmadinejad a envoyé un message clair aux États-Unis : il se dit capable de leur tenir tête en cas d’attaque militaire. N’est-il pas en train de jeter de l’huile sur le feu ?

Pensez-vous qu’un président de la République, quel qu’il soit, lorsqu’un État voisin annonce qu’il est prêt à bombarder son pays, ne réponde pas. Il a répondu logiquement, que s’il était attaqué, il répondrait. C’est le b.a.-ba de n’importe quel président qui se respecte, et qui ne veut pas perdre la face devant son peuple. De plus, Ahmadinedjad sait très bien qu’une guerre serait catastrophique pour les États-Unis, il peut donc se permettre ce genre de paroles.

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