Jusqu’où peut-on laisser les avancées sur la fertilité repousser l’âge de procréer ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Science
Les femmes peuvent avoir des enfants de plus en plus tard.
Les femmes peuvent avoir des enfants de plus en plus tard.
©DR

Sur-fécondité

Les techniques de reproduction humaine ne cessent de se multiplier, afin de donner aux femmes la possibilité d'avoir un enfant à n'importe quel âge, ce qui n'est pas sans poser des questions éthiques.

Alexandra Henrion-Caude

Alexandra Henrion-Caude

Dr Alexandra Caude est directrice de recherche à l’Inserm à l’Hôpital Necker. Généticienne, elle explore les nouveaux mécanismes de  maladie, en y intégrant l’environnement. Elle enseigne, donne des conférences, est membre de conseils scientifiques.

Créatrice du site internet science-en-conscience.fr, elle est aussi l'auteur de plus de 50 publications scientifiques internationales. Elle préside l’Association des Eisenhower Fellowships en France, et est secrétaire générale adjointe de Familles de France.

Voir la bio »

Atlantico : Quel est l'enjeu de cette problématique ? Pourquoi vouloir aller toujours plus loin en s'éloignant des modes de procréation naturels ?

Alexandra Henrion Caude : Ces techniques de reproduction sont autant de moyens de s'affranchir d'un âge butoir, au-delà duquel une femme ne pourrait plus avoir d'enfants. Pour se faire, de récentes techniques ont été mises au point : le prélèvement et la congélation d'ovocytes (qui s'apparente au don de gamètes) permettant de repousser  une maternité à plus tard ; le prélèvement et la congélation ou maturation des tissus ovariens (récupération d'un petit bout de l'ovaire favoriser la maturation du tissu vieillissant) permettant de procréer même tardivement ; la dérive de gamètes à partir de cellules souches (création de gamètes à partir de cellules adultes). 

A ces trois techniques s'ajoutent de nouvelles possibilités telles que les manipulations génétiques (contre lesquelles un moratoire de scientifiques s'est prononcé récemment dans la revue Nature) et le remplacement de mitochondries par d'autres. Ces possibilités sont autant de dérives dont le fondement eugénique est dangereux qui appartiennent toujours au chapitre des "techniques de procréation médicalement assistée"Ce terme même représente un abus de langage puisqu'il s'agit de reproduction assistée et non de procréation qui supposerait la rencontre d'un homme et d'une femme. Parce que chacune d'entre elle touchent à l'œuf dans toute sa programmation vivante, elles sont bien évidemment très dangereuses.

La justification avancé du bien fondé de ces techniques repose sur l'idée d'une liberté de procréation de la femme peu importe son âge et l'importance de privilégier le patrimoine génétique "sain" de l'enfant à naître.

Avec une technicité ne cessant de croître, ces méthodes sont de moins en moins dénoncées. D'autant plus, qu'étant extrêmement complexes très peu d'individus se sentent capables d'énoncer un avis leur étant propre. En outre, les mères restent les mieux placées pour pouvoir s'opposer à ces technologies étant donné qu'elles sont seules à pouvoir apercevoir leur dimension tout autant intime qu'invasive sur elles mêmes et sur l'enfant à naître.

Quels sont les intérêts en jeu ?

Du point de vue de la mère, l'intérêt avancé est la possibilité donnée d'aménager ses grossesses en fonction de sa carrière professionnelle. Bien que la plupart des femmes ayant eu une grande carrière professionnelle, confient souvent qu'avoir des enfants est facteur de réussite. Ainsi, selon elles la réussite passent par les enfants avant de passer par l'aspect professionnel. 

Physiquement, ces techniques sont hautement traumatiques pour les futures mères. Elles se font à coup d'injections hormonales qui peuvent durer de 10 à 12 jours et nécessitent à la fois un suivi rapproché et une hospitalisation avec anesthésie générale afin de ponctionner les matières voulues. La douleur ressentie par les patientes est extrême, il suffit de lire les témoignages de femmes ayant subi ces interventions pour s'en rendre compte ! Certaines perdent la vie durant les injections hormonales ; d'autres endurent des douleurs abdominales si l'aiguille nécessaire à la ponction d'ovocytes heurtent le scrotum ou le le colon.

Du point de vue de l'enfant, avec la congélation ou l'in vitro c'est toute son épigénétique (la contribution que l'environnement peut avoir au niveau de sa génétique) qui est bouleversée ! Quant à l'aspect psychologique, quel peut-être le traumatisme d'un enfant chosifié ?

Cette évolution fait-elle l'objet d'une réflexion d'ordre éthique ? Comment décider des limites à fixer au progrès scientifique sur ces questions de procréation afin qu'il n'en vienne pas à fragiliser la société ? Comment trouver le bon équilibre ?

La réflexion derrière toutes ces techniques semblent émaner du courant trans-humaniste qui vise à considérer le corps comme un ensemble de pièces détachées (qu'il s'agisse du corps de la mère ou de celui de l'enfant). Il est donc temps de revenir à une vision plus aristotélicienne du corps humain. Quid des centaines d'embryons humains dont le développement a été retardé, repoussé par la congélation ?  N'est-ce pas étonnant que personne ne se préoccupe de leur sort ? De même, quelles pourront être les limites imputées à ces méthodes quand leur utilisation même n'est justifiée que par la possibilité d'une technique faisable ? En outre, on les applique à l'homme sans même en connaître véritablement l'impact et les conséquences.  

Autrement dit, de manière générale s'éloigner des modes naturels peut parfois être source de progrès mais dans ce cas précis on se rapproche plutôt d'une régression puisque l'état d'équilibre de l'homme (l’homéostasie) est compromis. Si l'homéostasie n'est pas obligatoirement synonyme de bonheur, ces méthodes sont sources de déséquilibre qui se répercute, sans aucun doute, sur l'enfant. 

De quel ordre les risques sont-ils ? A l'échelle individuelle et plus largement de la société ? (mise en danger de la vie du nourrisson, de la mère ? outre les dangers physiques qu'encourt l'enfant, n'y a-t-il pas des risques psychologiques à grandir avec des parents plus âgés ? Un risque de ne pas être accepté socialement ?)

A instrumentaliser à la fois l'embryon et le corps de la femme on créé de nouveaux marchés économiques comme c'est le cas suite à la création de tout nouvel instrument. L'histoire nous a appris que lorsque l'on donne un prix économique à la vie d'un homme on crée de la barbarie et en l'occurrence de l'esclavage.

Si l'on se concentre sur le fait que ces techniques permettent de retarder l'age de gestation chez la femme jusqu'à un moment auquel ses tissus sont moins élastiques, où sa fatigabilité est accrue, où en général son niveau d'insouciance a considérablement diminué et où la créativité de sa jeunesse s'en est allée... on comprend alors que l'acceptation sociale de l'enfant puisse être plus difficile. De même, l'enfant peut, par la suite, souffrir de problèmes de santé puisque certaines maladies se développent in utero. Le mouvement de biologie internationale DoHaD observe cet impact que peut avoir l'environnement qui précède la naissance d'un enfant sur la santé de celui-ci à vie.

En quoi cette évolution s'inscrit-elle dans le glissement d'un droit des enfants vers un droit à l'enfant ?

Plus que le droit à l'enfant, il s'agit d'une responsabilité -en tant qu'adulte- vis-à-vis de toutes ces vie crées par des techniques artificielles. C'est une responsabilité que quiconque peut partager bien que ce ne soit pas ses enfants qui soient en jeux. La société se doit de protéger les êtres les plus faibles et les plus démunis. Pourtant, peu d'individus s'insurgent de la "condition" des embryons congelés. Leur sort est pourtant lourdement problématique sur notre volonté à protéger les plus faibles de notre société.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !